Crise anglophone au Cameroun : vers une rentrée scolaire perturbée

La rentrée officielle, prévue le 2 septembre, sera fortement perturbée en zone anglophone, où les écoles sont au cœur de la bataille séparatiste.

Une salle de classe vide (photo d’illustration). © Alain Levine / Flickr / Creative Commons

Une salle de classe vide (photo d’illustration). © Alain Levine / Flickr / Creative Commons

Franck Foute © Franck Foute

Publié le 30 août 2019 Lecture : 4 minutes.

Le campus du collège Christ Roi de Tiko dans la région du Sud-Ouest est animé en cette fin de mois d’août. Pas moins de 650 élèves ont regagné les dortoirs de cet internat anglophone, où la reprise des cours est effective depuis lundi 26 août. Dans les salles de classe, les enseignants sont tous présents, l’ambiance est studieuse. L’établissement est discrètement surveillé par des agents du Bataillon spécial amphibie (BSA) habillés en civil, afin de ne pas effrayer les apprenants.

On est pourtant encore loin du 2 septembre, date officielle de la rentrée scolaire au Cameroun. Mais ici, comme dans la plupart des internats confessionnels des régions anglophones, le programme officiel a été réorganisé en raison de la situation de crise qui y prévaut. Car cette année, plus que d’ordinaire, les établissements scolaires sont au cœur de la bataille qui oppose Yaoundé aux milices séparatistes au sujet de la reprise des classes.

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Un secteur éducatif impacté

Comme lors des deux dernières années scolaires, les milices sécessionnistes continuent d’empêcher le retour à l’école en zone anglophone. Sur Facebook, le virulent ambazonien Mark Bareta affirme que « les élèves ne peuvent rien apprendre lorsque les balles fusent au dessus de leurs têtes ». Pour les activistes sécessionnistes, l’école ne peut reprendre dans le contexte sécuritaire actuel. De nombreux observateurs s’accordent cependant à voir en ce boycott, un moyen d’attirer l’attention sur leur cause.

Près de 4 500 établissements ont fermé leurs portes depuis le début du conflit, d’après des chiffres rendus publics par la branche locale de l’Unicef. Le gouvernement camerounais indique que 27 attaques ont été perpétrées contre le système éducatif dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-ouest entre janvier et août 2019. Dix-neuf enseignants et 58 étudiants ont également été kidnappés au cours de cette période. Des chiffres qui illustrent le drame, et font de l’éducation l’un des secteurs les plus touchés par la crise.

La campagne « Back to school »

Les violences dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont entraîné un exode massif de la population, mais surtout des élèves. Au collège Christ Roi de Tiko notamment, l’effectif qui oscillait autour de 1 000 élèves chaque année a chuté à 350 l’année dernière. « Près de la moitié des enfants de notre établissement venait des régions francophones. Mais avec tout ce qui se dit sur la situation sécuritaire, les parents redoutent qu’il arrive quelque chose à leurs enfants », explique Christopher *, l’un des responsables dudit collège.

La gravité de la situation a poussé des acteurs de la société civile anglophone à initier une campagne en faveur de la reprise des cours. Mancho Bibixy, l’un des leaders anglophones incarcérés à la prison de Yaoundé-Kondengui où il purge une peine de 15 ans, en est l’une des figures. L’instigateur de la « révolution du cercueil » qui contribua à renforcer la mobilisation des populations de Bamenda au début de la crise, a été suivie dans cet élan par d’autres activistes. L’avocat Agbor Balla et le ministre délégué de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, chargé de la Planification Paul Tasong, se sont eux aussi illustrés à travers cette initiative.

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Mais les efforts déployés par ces deniers se sont heurtés à un calendrier judiciaire défavorable. La condamnation du président de l’Ambazonie Sisiku Ayuk Tabe et de ses co-détenus le 20 août à la prison à vie a donné un nouvel élan à ceux qui s’opposent à l’école. « Lorsqu’ils ont vu que la campagne de retour à l’école initiée par la société civile gagnait du terrain, ils ont envoyé les ministres et les politiciens pour attiser la colère des populations, crois savoir l’avocat Agbor Balla. Et pour se rassurer que les écoles demeureront fermées, ils ont condamné les Sisiku à vie », s’est-il offusqué.

Une rentrée à deux vitesses

Surfant sur cette condamnation, les activistes sécessionnistes ont décrété une nouvelle opération de « lockdown » afin de boycotter la rentrée scolaire. Initialement annoncé pour le 26 août, cette opération de villes mortes a finalement été ramenée du 2 au 16 septembre. Acculés, et taxé d’enfreindre l’un des droits fondamentaux de l’Homme, les Ambazoniens  ont également évolué sur leur position concernant la reprise de l’école, et revendiquent désormais l’instauration « d’écoles communautaires » placées sous l’égide de l’ONU. « Nous attendons que l’ONU intervienne et crée des zones franches pour les écoles, a lancé Mark Bareta, ce n’est que de cette manière que les classes pourront reprendre ».

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Sur le terrain, les responsables d’établissements se gardent de se mêler aux joutes oratoires qui abondent dans les médias, de peur de se faire kidnapper. La rentrée scolaire en zone anglophone se fera assurément à deux vitesses, et chacun en a conscience. Car si les campus tels ceux de St Francis de Kumba, Repaccol de Mutengene, Lady of lourds, Sacred heart de Bamenda ou encore Bishop Rogan de Buea où loge désormais le célèbre collège Sasse ont déjà la tête à l’école, la reprise dans les lycées, cibles privilégiés des milices, demeure une incertitude.

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* Le prénom a été changé à la demande de l’intéressé

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