Sénégal : la mine de Falémé au cœur d’une polémique entre Ousmane Sonko et le gouvernement
L’opposant Ousmane Sonko a accusé l’État du Sénégal d’avoir conclu un « nébuleux » contrat avec la société turque Tosyali au sujet de l’exploitation de la mine de fer de Falémé. Le gouvernement s’est empressé de démentir, tentant d’éteindre une polémique au sujet d’un chantier vieux de plus de quarante ans.
Quel contrat l’État s’apprête-t-il à conclure avec l’entreprise turque Tosyali ? En évoquant le sujet cette semaine, l’opposant (et candidat malheureux à la présidentielle) Ousmane Sonko a rélancé une affaire qui dure depuis plus de quarante ans.
Après les sociétés Lithos, Kumba Ressources et Arcelor Mittal, c’est au turc Tosyali que reviendrait le projet de valorisation de la mine de fer de Falémé, située à l’est du pays, près de la frontière malienne. Une exploitation qui lui permettrait de « gagner plus de 10 000 milliards [de francs CFA] sur le dos des Sénégalais », assène Ousmane Sonko.
Le député estime que le « scandaleux » contrat d’exploitation « en passe d’être signé » aurait été conclu au détriment de l’intérêt national. « Le contrat dont a parlé Ousmane Sonko au cours de sa conférence de presse, signé le 18 octobre [2018], n’était en réalité qu’un protocole d’accord, signé en vue d’ouvrir des négociations », s’est empressé de réagir Abdou Latif Coulibaly, porte-parole de la présidence. Ousmane Sonko « confond volontairement » un mémorandum d’entente visant à ouvrir des négociations avec « un contrat signé en bonne et due forme », a-t-il ajouté.
Bataille de chiffres
« Ses déclarations s’appuient sur des documents obsolètes », a renchéri Mountaga Sy, le directeur général de l’Agence des grands travaux de l’État du Sénégal (Apix), interrogé par la chaîne de télévision nationale, la RTS, qui a battu en brèche les accusations d’Ousmane Sonko.
L’entreprise sera-t-elle exonérée d’impôts pendant dix ans « en violation de tous [les] textes » juridiques, comme l’a dénoncé Ousmane Sonko ? « Il n’a jamais été question que l’État du Sénégal participe au financement ou prenne en charge le prêt [au profit de la société] », rétorque Mountaga Sy. La société turque va-t-elle bénéficier d’un « monopole absolu » sur le territoire sénégalais ? « Il n’est pas question de donner un permis pour racheter l’exclusivité de la ferraille au Sénégal », souligne le directeur de l’agence gouvernementale.
La main d’œuvre employée par l’entreprise pourrait-elle être composée à 50 % d’étrangers ? Mountaga Sy assure que le chantier permettra de créer 400 emplois directs et 800 emplois indirects, dont 65% de nationaux – un chiffre pouvant aller jusqu’à 80 % dans les cinq ans à venir. Le directeur de l’Apix évalue à 120 millions de dollars le montant de l’investissement opéré par l’entreprise turque.
Absence de concertation nationale
Dans cette bataille de chiffres et de déclarations effectuée par médias interposés, comment y voir clair ? Cette nouvelle polémique représente en effet un énième épisode d’une histoire – l’exploitation de la mine de Falémé – qui a débuté dès 1975.
En 2007, le Sénégal concédait au groupe ArcelorMittal l’exploitation du groupe minier de Falémé. Après deux ans de procédure, l’État récupérait le gisement, le groupe n’ayant pas tenu ses promesses pour cause de difficultés financières. Condamné à payer 110 millions d’euros à l’État, ArcelorMittal s’est retiré en laissant au Sénégal la lourde tâche de parvenir à trouver un partenaire pour l’exploiter.
Jamais un contrat aussi profitable aux populations n’avait été initié
« Jamais un contrat aussi profitable aux populations n’avait été initié depuis que ces gisements ont été découverts », déclarait récemment une source gouvernementale au sujet de l’accord avec les Turcs, évoquant un projet qui met « en avant les intérêts des populations à travers la transformation sidérurgique », évoquant la création de « milliers d’emplois ». « Le projet qui doit être réalisé avec Tosyali ne concernera qu’un dixième » d’une concession totale scindée en trois parties », ajoutait cette source.
En octobre 2018, quatre mois avant l’élection présidentielle, onze candidats évoquaient un « bradage des ressources minières » du Sénégal et pointaient l’absence d’appel d’offres ou de concertation nationale sur le sujet.
« La relance du projet de Falémé était l’un des objectifs phares du Plan Sénégal émergent (PSE) : dès 2015, nous avons entamé un tour de table auprès d’une cinquantaine de sociétés et reçu plusieurs manifestations d’intérêt que nous avons toutes étudiées avec attention », s’était alors défendue Aïssatou Sophie Gladima, ministre des Mines et de la Géologie.
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