« Publiez ce que vous payez »

Publié le 22 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Après la gouvernance, la mode est à la transparence. Le mot est de plus en plus usité par nombre de personnes qui s’intéressent de près ou de loin au sort des pays africains producteurs de pétrole. Tout commence en juin 2002. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) occidentales lancent la campagne « Publiez ce que vous payez ». Le message s’adresse aux multinationales pétrolières et minières, invitées à rendre publics tous les décaissements faits en faveur des pays dans lesquels elles opèrent. Pour ce qui concerne le pétrole, cette action vise plus précisément le bonus de signature (le droit payé pour obtenir un permis d’exploration), le produit de la vente de la partie de la production qui revient de droit à l’État, les royalties et autres taxes destinées, en principe, au Trésor public.

Mais beaucoup estiment que l’argent tiré du pétrole n’atteint pas intégralement sa destination finale. Pour tenter d’évaluer l’ampleur des détournements, c’est simple : il suffit de comparer ce que versent à l’État les firmes exploitantes avec les recettes pétrolières inscrites dans le budget national. C’est que le bât blesse. Car il est impossible, notamment sur le continent africain, de savoir avec exactitude le montant des sommes versées par les compagnies, les contrats étant passés sous le sceau du secret. Ce qui empêche le citoyen de se faire sa propre opinion sur la gestion des revenus pétroliers.
Réunis à Malabo en juillet 2002, les évêques d’Afrique centrale interpellent à leur tour les gouvernements et les compagnies pétrolières. Car bien que regorgeant d’or noir, l’Afrique centrale voit s’accroître la proportion de ses habitants vivant en dessous du seuil de pauvreté. Autre constat : lorsqu’on regarde de près les indicateurs sociaux, il n’y a aucune différence entre les pays dotés de pétrole et ceux qui ne le sont pas.
Pour ne pas être en reste, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) réunissent, fin avril, à Douala, les représentants de plusieurs pays producteurs africains. « L’objectif du séminaire était de renforcer le dialogue avec eux et d’attirer leur attention sur une meilleure gestion de la manne pétrolière sur le plan macroéconomique, de façon à ce que ces ressources soient utilisées au mieux des intérêts des populations », confie le directeur du département Afrique du FMI, Abdoulaye Bio Tchané. Vaste programme ! Certains observateurs reprochent toutefois au Fonds d’être quelque peu à la remorque des ONG et de l’Église catholique. « La première déclaration du FMI sur les problèmes liés à la gouvernance et à la transparence dans la gestion des ressources publiques date de 1996 », réplique Bio Tchané. Mais cette nouvelle implication des institutions de Bretton Woods fait monter d’un cran la pression sur les pays producteurs de pétrole. D’autant que ces institutions disposent de plusieurs canaux pour faire passer leur message.

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« Il faut éviter de parler de pression », se défend Bio Tchané. Les experts du FMI peuvent pourtant recourir à des mesures coercitives en reportant, par exemple, la conclusion d’un accord très attendu par les autorités d’un pays car leur donnant accès aux ressources d’autres bailleurs de fonds. C’est ce qui est notamment arrivé au Congo-Brazzaville. Parmi les récriminations du FMI : un surplus de recettes pétrolières de 57 milliards de F CFA (85,45 millions d’euros) qui a servi à financer des dépenses non inscrites au budget 2003. Pour les experts du Fonds, le Congo bénéficie toutefois de circonstances atténuantes, car il est sorti depuis peu d’une guerre civile. Mais il doit sans plus tarder se replacer sur les rails de l’orthodoxie budgétaire.

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