Meilleurs vux !

Qui a dit qu’on ne rigolait pas dans les cercles du pouvoir en Iran ? Un homme installé depuis plusieurs années au sommet de l’État semble, en tout cas, prendre du bon temps. Visage rond et souriant, barbu, comme il se doit, la tête enturbannée (uniquement lorsqu’il est au pays), l’hodjatoleslam Mohamed Ali Abtahi, quatrième vice-président de la République islamique, vient de lancer un site Web (www.webnevesht.com) sur lequel il raconte en perse, en arabe et en anglais, sa vie, ses souvenirs personnels et quelques anecdotes savoureuses, le tout, agrémenté d’images prises lors d’audiences ou de rencontres plus informelles, bien souvent, à l’insu de ses interlocuteurs.

On peut y lire, entre autres, un billet sur Saddam Hussein, un hommage à l’intellectuel islamiste soudanais Hassan el-Tourabi, sourire de la photo d’un journaliste assis sur une chaise, les doigts dans le nez, s’offusquer de celle du ministre iranien du Travail et des Affaires sociales, Safdar Hosseini, pris en flagrant délit de somnolence. Ou encore, plus conventionnelle, une photo de Nelson Mandela, en visite à Téhéran en 2000.

Dans un billet aussi cocasse que détaillé, notre théologien rapporte comment, il y a quelques années, un cafard pour le moins audacieux s’était subrepticement invité dans une rencontre officielle entre le président Mohamed Khatami et l’ambassadeur du Kenya en Iran. « Alors que les journalistes et les photographes se retiraient, écrit-il, je me suis aperçu de la présence d’un gros cafard sous la table. Tout à coup, il est monté sur ma chaussure, puis dans mon pantalon. Je l’ai immédiatement stoppé à hauteur du genou et je l’ai maintenu entre mes doigts à travers le tissu pendant toute la rencontre. C’était un moment difficile à passer, mais c’était une forme de sacrifice de ma part. […] Heureusement que le président et son hôte ne l’ont pas vu ! »

Bien entendu, Mohamed Ali Abtahi, 46 ans, ne s’attarde pas sur le contenu de l’entretien entre le chef de l’État et le représentant du gouvernement kényan. Son intérêt est autre. « Je veux être moi-même sur ce site Web, et je vous invite à faire fi de mon statut », proclame, d’entrée de jeu, ce réformateur proche du président Khatami. En dépit de ses multiples occupations, le vice-président arrive à surfer « au moins deux heures » par jour. Il participe aux forums de discussion, répond lui-même aux e-mails, dans un pays où le fameux « Réseau des réseaux » fait l’objet d’une stricte (et pudibonde) surveillance. « Chaque jour, je rédige un petit billet et je mets une nouvelle image sur le site, poursuit le religieux iconoclaste. Presque toutes les photos ont été prises à l’insu des intéressés et j’en ai plus de 1 000. » Nous vivons une époque formidable ! Joyeuses fêtes de fin d’année et tous mes voeux pour 2004.