Togo : Aného marque son retour

Son charme et avec lui une bonne partie de sa population et de ses touristes s’étaient envolés. Grâce à une vaste opération de renouvellement urbain, la cité balnéaire retrouve son lustre.

Les berges réaménagées freinent l’érosion. © Jacques Torregano/JA

Les berges réaménagées freinent l’érosion. © Jacques Torregano/JA

Publié le 23 juillet 2014 Lecture : 5 minutes.

Mis à jour le 21/08/2014 à 14H23 CET : précisions sur le financement des travaux routiers et des ouvrages d’art

Le fascinant spectacle de la migration des baleines au large ou des quatre espèces de tortues marines qui viennent pondre sur ses kilomètres de plage de sable fin, les vestiges de la traite négrière (comme la « Woold Home », Maison des esclaves) ou ceux de l’administration germanique (cimetière allemand)… La ville d’Aného, qui s’étend du lac Togo à l’océan Atlantique, a tout d’un décor de carte postale. Capitale du pays à deux reprises (de 1886 à 1897, puis de 1914 à 1919), cette ville moyenne, dont la population est estimée à 50 000 habitants, est également réputée en tant que centre spirituel des peuples guins et minas.

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Pourtant, depuis les années 1980, le chef-lieu de la préfecture des Lacs avait perdu son charme, et avec lui une partie de sa population et de ses touristes. Nostalgique du temps où des wagons pleins à craquer ramenaient par milliers les enfants de la cité pour les fêtes traditionnelles et acheminaient les Loméens venant y passer le week-end ou les vacances, Aného, alanguie et vieillissante, ne se distinguait plus que par le nombre impressionnant de ses maisons inhabitées ou laissées au seul soin des grands-parents pour qu’ils y coulent leurs vieux jours. Les grands magasins avaient fermé et, bien avant eux, le train de passagers reliant la ville à Lomé avait cessé toute activité.

Digues

Routenationaleun togoAujourd’hui, Aného est sortie de sa torpeur et semble avoir retrouvé son dynamisme d’antan, la modernité en plus. Située sur la route nationale 1 (RN1), à environ 50 km à l’est de Lomé et à moins de 6 km de la frontière avec le Bénin, la ville a en effet largement bénéficié de la rénovation du corridor routier Accra-Lomé-Cotonou (lire pp. 92-93), dans le cadre du projet de « Facilitation du commerce et du transport sur le corridor Abidjan-Lagos ». Au-delà des aménagements routiers, elle a fait l’objet d’une importante opération de renouvellement urbain, dont les derniers chantiers s’achèvent.

À l’embouchure du lac Togo, 500 m de berges ont été aménagés et 3,5 km de littoral ont été stabilisés par la construction de neuf digues en épis. Les six quartiers du sud de la ville sont ainsi protégés des assauts de l’océan, qui grignotait 10 m à 12 m de littoral par an. Enfin, les quartiers victimes d’inondations à chaque saison des pluies (Amadoté, Yésuvito et Zongo) ont été sécurisés et assainis, grâce à l’installation d’un réseau d’évacuation des eaux.

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Sur le front de mer et sur le front routier, la RN1 est désormais dotée d’une double voie (2 x 7 m de large, conforme aux normes internationales) ainsi que d’un éclairage public, jusqu’à la frontière avec le Bénin. Le légendaire pont d’Adidjo, qui surplombe le bras du lac Togo et divise la ville en deux, a été élargi selon les mêmes normes. Et la voie Adidjo, la bretelle qui le relie au carrefour de Messan-Kondji, a été elle aussi entièrement asphaltée et éclairée. Par ailleurs, un second pont a été construit près de celui d’Aného, afin de fluidifier le trafic et d’éviter la paralysie si un camion tombe en panne.

Ces routes et ouvrages d’art, dont le coût s’est élevé à 3 milliards de F CFA (près de 4,6 millions d’euros), ont été réalisés grâce au soutien financier de  la Banque mondiale [voir les précisions dans l’encadré ci-dessous].

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Précision

Aného, le retour… bis

Dans le reportage consacré à l’aménagement de la ville togolaise d’Aného (« Ohé, Aného est de retour », J.A. n° 2792 du 13 au 19 juillet, pp. 108- 110), le financement de 3 milliards de FCFA (près de 4,6 millions d’euros) des travaux routiers et ouvrages d’art a été attribué à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et à l’Agence française de développement (AFD), alors qu’il a essentiellement été assuré par la Banque mondiale.

L’UEMOA et l’AFD ont surtout contribué à d’autres chantiers de l’opération de renouvellement urbain menée dans la station balnéaire.

À l’entrée est de la ville, près de la frontière avec le Bénin, la gare routière de Sanvee-Condji a elle aussi bénéficié d’une cure de jouvence. Plus spacieuse, pavée, elle est désormais dotée d’un guichet et d’une aire de repos pour les passagers en transit, équipée de sanitaires.

Fini la sempiternelle scène des marchandes et celle des petits vendeurs de pain hélant les passagers, courant après les véhicules, disputant les trottoirs aux piétons et la chaussée aux véhicules. Une plateforme commerciale a été aménagée pour accueillir tous les commerçants.

Méchoui

À l’entrée ouest de la ville, c’est un parking de plus de 20 000 m2, d’une capacité d’accueil de 200 poids lourds, qui a été construit. De quoi permettre aux quelque mille routiers en transit sur le corridor de faire une halte à Aného. À proximité, les autorités municipales ont créé une zone de développement économique.

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Objectif de la mairie : y implanter des restaurants et des hôtels, ainsi qu’une seconde plateforme de commerce, si possible spécialisée dans les produits et l’art culinaires, Aného étant réputée pour la finesse de sa cuisine, notamment pour son méchoui de porc. L’idée a reçu l’adhésion du gouvernement et le financement des institutions de Bretton Woods.

Le maire, Patrice Ayivi, enthousiaste et fier du changement qui s’est opéré dans et autour de la cité, est « persuadé que ceux qui ne sont pas venus à Aného depuis deux ans ne reconnaîtront pas la ville ».

Ce qui le réjouit le plus, c’est le réel engouement des natifs d’Aného, qui s’intéressent à nouveau à leur ville et reviennent s’y installer. Sa douceur de vivre et le fait que, depuis la rénovation de la RN1, il ne faut qu’une trentaine de minutes pour rallier Lomé, attirent nombre de jeunes ménages, désireux de s’installer dans une ville dynamique, mais plus calme que la capitale. D’autres, plus aisés, viennent y acheter une résidence secondaire. D’ailleurs, le coût des terrains a déjà considérablement augmenté. Alors que l’on pouvait acquérir un lot à bâtir pour 1 million à 1,5 million de F CFA, il faut débourser aujourd’hui 2, voire 3 millions. Le prix de la modernité…

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