Le fossé atlantique

Publié le 22 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

De toutes les causes de l’antiaméricanisme en France, la première est la peine de mort. De 1977 au printemps 2003, 852 personnes ont été exécutées aux États-Unis. En 2002, il y a eu 71 exécutions, et 3 700 hommes et femmes sont actuellement dans le couloir de la mort. Il est légitime de s’indigner. À la condition, cependant, que nous comprenions le fonctionnement du système judiciaire fédéral et local, dans les États, que nous comprenions le rôle des avocats et de l’opinion publique, que nous comprenions que le racisme n’est pas la seule et unique explication de la peine de mort, que nous tenions compte des innombrables appels et autres possibilités légales offertes aux condamnés et que nous soyons au courant du débat sur la peine de mort aux États-Unis.

Autant de questions que les Français ne se posent pas, comme si les réponses étaient évidentes, comme s’ils connaissaient parfaitement l’histoire, les lois et la sociologie des États-Unis.
Quelle que soit la sympathie ou l’antipathie que nous éprouvons pour l’Amérique et les Américains, il y a quelques vérités qu’il faut dire et redire.
Premièrement, les États-Unis s’éloignent de plus en plus de l’Europe. C’est une question de démographie. Il fut un temps où les Américains étaient, dans leur plus grand nombre, filles et fils de l’Europe. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus les filles et les fils du monde entier. Sur un million
d’immigrants qui débarquent chaque année sur le territoire américain, deux cinquièmes viennent d’Asie, deux cinquièmes d’Amérique latine. C’est une réalité qui pèse de plus en plus sur les attitudes, les idées et la politique étrangère.
En second lieu, une récente enquête a montré que les croyances religieuses faiblissent à un rythme étonnant en Europe, alors qu’elles gardent toute leur force aux États-Unis. Le niveau de la pratique religieuse est de plus de 40 % de l’autre côté de l’Atlantique, quatre ou cinq fois plus élevé qu’en France.
Troisièmement, les Français n’ont pas suffisamment pris conscience de la vague de patriotisme qui a submergé les États-Unis après le 11 septembre. La société multiculturelle américaine, que nous jugions balkanisée, a mieux intégré les nouveaux venus que la France centralisée. Les États-Unis, d’autre part, ont du mal à comprendre une Europe qui est plus intéressée par les contrats commerciaux que par sa défense, dont l’unité est fluctuante et qui a du mal à définir son identité.

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On pourrait allonger la liste des différences. Elles expliquent les tensions et les frictions. L’Amérique et l’Europe ne se rapprochent pas ; elles s’éloignent chaque jour davantage l’une de l’autre. Si nous, les Français, nous voulons comprendre les Américains, il nous faudra faire un effort. Le voudrons-nous ?

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