La grande redistribution

Plans de relance, découvertes de gisements ou conquête de nouveaux marchés… Le secteur est des plus dynamique. Exemples.

Publié le 23 décembre 2003 Lecture : 17 minutes.

Irak Mauvais calculs
L’Irak est une éponge à pétrole qu’il suffirait de presser. Imaginez : quinze milliards de tonnes de réserves prouvées, soit la deuxième marche sur le podium mondial. Quand George W. Bush eut décidé de renverser Saddam Hussein, les géopoliticiens s’en donnèrent à coeur joie. Aucun doute : les États-Unis partaient en guerre pour faire main basse sur le pactole. La remise en état des puits leur permettrait vite de se rembourser. Surtout, Washington pourrait tenir la dragée haute à Riyad, soupçonné d’être trop complaisant envers el-Qaïda, en contrôlant la politique de l’OPEP.
Aucune de ces hypothèses ne s’est concrétisée. Loin d’avoir été relancée, la production quotidienne de pétrole brut irakien reste voisine d’un million et demi de barils, soit un million de moins que sous le raïs. La multiplication des attaques rend l’entreprise impossible. Si au sud, peuplé en majorité de chiites, les Britanniques assurent un certain calme dans les zones pétrolifères de Bassora, de Nassiriyah ou de Roumalia, les Américains rencontrent des revers importants au nord. Leur attitude hégémonique les a vite privés du concours des Kurdes. Ainsi, dans la région de Kirkouk, Adel el-Kazzaz, patron de la Compagnie pétrolière du Nord, n’a pas compris qu’ils aient confié la sécurité de ses installations à une société dite « de sécurité » sud-africaine, Erinys. Les soldats kurdes, bons connaisseurs du terrain, auraient été plus efficaces que d’ex-militaires anglophones.
Résultat : ces derniers mois, il ne se passait pas une journée sans attaque contre une installation pétrolière, et surtout contre un oléoduc. Or le pipeline de Kirkouk est essentiel pour l’évacuation du pétrole vers le nord, via la Turquie.
Le Pentagone comptait sur une production quotidienne de 3 millions de barils dès décembre. On en est loin. Et, si tel était le cas, le pétrole pourrait-il permettre aux États-Unis de se rembourser ? Non seulement les crédits militaires votés ont déjà atteint 130 milliards de dollars (111 milliards d’euros), mais, pour répondre aux besoins de la population et assurer les dépenses liées à la reconstruction du pays (hors secteur pétrolier), il faudrait ajouter 80 milliards de dollars sur cinq ans. Lors de la conférence des pays donateurs à Madrid, en octobre dernier, les bonnes volontés ont manqué. Quant aux puits et raffineries, il faudrait dépenser 40 milliards de dollars pour les rendre performants. Ajoutez à cela une dette extérieure de 120 milliards de dollars, et on obtient un total de 370 milliards. Au cours moyen de 25 dollars le baril, le bénéfice espéré est de 5 dollars. Pour faire face à l’ensemble de ces dépenses, il faudrait que le pétrole coule pendant 14 800 jours, au rythme quotidien de 5 millions de barils, l’objectif fixé pour 2010 par l’actuel ministre du Pétrole. Difficile d’imaginer que les GI pourront rester un peu plus de quarante ans dans le pays…
La conclusion est évidente. Le contrôle de l’OPEP souhaité par George W. Bush demeure une vue de l’esprit. Si l’Irak est toujours membre de l’Organisation, sa production, trop aléatoire, reste encore exclue des quotas fixés.

Russie Le Kremlin reprend la main
Détentrice des septièmes réserves mondiales de pétrole, la Russie, longtemps discrète sur le marché, en redevient un acteur essentiel. La production croît au rythme de 20 % par an et atteint désormais 7,6 millions de barils par jour, se plaçant presque à la hauteur de l’Arabie saoudite. Plus des deux tiers sont exportés, essentiellement vers l’Europe (78 %). Selon l’Agence internationale de l’énergie, la production devrait atteindre 8,6 millions de barils par jour en 2010. Au programme : la création d’un terminal à Mourmansk (nord-ouest) pour exporter vers les États-Unis et la montée en puissance des puits ouverts à Sakhaline (est) par ExxonMobil, Shell ou BP. Sans oublier les investissements prévus par Total en Sibérie. Devenu leader national en avril dernier grâce à sa fusion avec Sibneft, Ioukos aurait dû réaliser en 2003 un chiffre d’affaires de 16 milliards de dollars (13,7 milliards d’euros), mais la fusion a finalement été abandonnée le 15 décembre. Lukoil suit avec 15,3 milliards. Pour leur part, Surgutneftegaz et Tatneft annonceraient respectivement 5,2 milliards et 4,6 milliards de dollars. Des chiffres à comparer avec le budget de l’État fédéral (80 milliards de dollars).
Le pactole est tel qu’il influe sur la vie politique russe. Au risque de paraître renoncer au libéralisme, le 25 octobre dernier, Vladimir Poutine a fait arrêter Mikhaïl Khodorkovsky, PDG de Ioukos, l’un des plus puissants oligarques. Cette action a été d’autant plus mal ressentie par Washington, Wall Street et les tenants de la mondialisation que Khodorkovsky s’appliquait à mettre en place un système de gestion plus conforme aux normes occidentales. Une pléiade de conseillers américains l’entouraient et c’est d’ailleurs l’un d’eux, Simon Kukes, qui a pris sa place à la tête de Ioukos. La riposte n’a pas tardé. La justice russe a mis sous séquestre 40 % des avoirs du groupe. Tout cela au moment où l’américain ExxonMobil s’apprêtait, avec l’accord de Khodorkovsky, à acquérir 40 % ou 50 % du capital de Ioukos. Déjà, le 10 octobre, l’anglo-néerlandais BP avait concrétisé ses épousailles avec TNK, alors quatrième pétrolier russe. D’autres majors américaines comme Conoco- Philipps ou ChevronTexaco rôdent autour de compagnies qui ont, certes, besoin de moyens technologiques et financiers, mais qui présentent l’avantage d’être privées et propriétaires de licences d’exploitation, les PSA ou « Production Share Agreement ».
La transaction BP-TNK avait eu l’aval de Vladimir Poutine. Sa stratégie a-t-elle changé ? Après l’arrestation de Khodorkovsky, des observateurs ont annoncé l’avènement d’un « capitalisme stalinien » qui pourrait, justement, se traduire par la remise en question des PSA. Conscient de la puissance que lui donnerait l’or noir si la situation empirait en Irak et dans tout le Moyen-Orient, Poutine a décidé de faire de cette année 2003 celle de la reprise en main. Pas question de laisser le champ libre aux multinationales liées à Washington. Selon certaines informations, sa brouille avec Khodorkovsky aurait atteint son paroxysme quand l’oligarque aurait décidé seul du calendrier des travaux pour le tracé de l’oléoduc prévu au départ d’Angarsk, près du lac Baïkal. En privilégiant la bretelle en direction de Daqing, en Chine, plutôt que celle conduisant à Nakhodka, sur les côtes de la mer du Japon, il allait contre la préférence du Kremlin et commettait le crime de lèse-majesté de s’immiscer dans les affaires du réseau de pipe-lines de l’État, qui prélève un lourd péage sur le pétrole en transit.
Autre mobile : selon la Cour des comptes russe, l’attribution des PSA s’est faite dans des conditions déraisonnables. Sur les seuls gisements de Sakhaline, le manque à gagner pour l’État russe s’élèverait à 600 millions de dollars entre 1996 et 2003. Le pétrole, qui représente 40 % des exportations russes, assure le quart des rentrées fiscales. Une chose est certaine : Vladimir Poutine en veut plus.

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Mauritanie Blocs « à louer »
Chinguetti, Banda et Tiof… Les noms des premiers puits offshore mauritaniens résonnent comme des promesses d’avenir meilleur pour l’un des pays africains les plus pauvres. Malgré la présence d’importantes réserves d’hydrocarbures dans le Sahara algérien voisin, c’est la première fois que du pétrole est découvert en Mauritanie.
Tiof est le dernier puits en date. Le 14 novembre dernier, un consortium conduit par la compagnie australienne Woodside (35 %) et comprenant Agip (35 %), Hardman Resources (21,6 %), Fusion (6 %) et Roc Oil (2,4 %) a annoncé y avoir découvert du pétrole. C’est la troisième découverte réalisée par Woodside depuis le début de ses explorations, en 1998, au sud-ouest des côtes mauritaniennes. Les premiers indices ont été révélés en mai 2001 sur le puits de forage Chinguetti-I, à une profondeur de 791 m et à 25 km au sud de Tiof. En octobre 2002, le puits Banda (à 20 km de Chinguetti) a confirmé la présence de structures géologiques contenant des hydrocarbures.
Selon Woodside, le forage de Tiof a croisé une colonne de pétrole d’au moins 38 m et une colonne de gaz de 49 m. En termes moins techniques, Hardman Ressources précise qu’il s’agit là de la plus grande découverte de pétrole au large de la Mauritanie et que Tiof pourrait contenir des réserves de pétrole récupérables estimées à plus de 200 millions de barils. « Cela confirme que la Mauritanie sera une grande région pétrolière », affirme Ted Ellyard, directeur de Hardman.
Tiof détiendrait donc des réserves de même qualité, mais supérieures à celles de Chinguetti (estimées à 140 millions de barils) et à celles de Banda (plus de 100 millions de barils). En outre, Banda recèle du gaz, avec des réserves estimées à 2 000 milliards de m3. Reste désormais à prouver que ces réserves sont commercialisables. Pour cela, il faut continuer les forages… Un quatrième a été engagé le 16 novembre à Pouné, à 27 km au nord-est de Tiof et à 48 km au nord de Chinguetti. D’autres se poursuivent dans les environs de Banda, depuis août 2003. La décision définitive d’exploiter commercialement les nouvelles découvertes doit être prise par le consortium au milieu de l’année 2004. Il y a donc de fortes chances que le pétrole coule à flots en Mauritanie avant 2006, délai précédemment avancé par Woodside.
Alors que l’offshore mauritanien est presque totalement en cours d’exploration, on en est encore à la première phase de prospection pour l’onshore. Il existe cependant un regain d’intérêt pour le bassin de Taoudeni (à l’est du pays), qui, sur le plan géologique, présente un intéressant potentiel en hydrocarbures. D’une superficie de 500 000 km2, il avait déjà fait l’objet de quelques tentatives de prospection dans les années 1970 par Agip et Texaco. Bel Hassa International (Émirats arabes unis) a acquis, en septembre 2002, deux permis (Ta1 et Ta2) au nord-ouest du bassin. Fin 2003, Total a signé avec le gouvernement mauritanien un contrat de « reconnaissance pétrolière » sur deux blocs. Toujours en onshore, Brimax International est en train d’explorer le bloc 12, dans le sud-ouest du pays.

Libye Nouvel eldorado pour les compagnies étrangères ?
La Libye, son pétrole d’excellente qualité, ses réserves évaluées à 29,5 milliards de barils… Les compagnies internationales sont dans les starting blocks. Les investissements étrangers s’étaient sévèrement réduits depuis une dizaine d’années, mais la levée des sanctions onusiennes en septembre 2003 a changé la donne. Le deuxième producteur africain vise les 3 millions de barils par jour (b/j) d’ici à 2010, contre 1,55 million aujourd’hui, afin de retrouver son niveau du début des années 1970. Pour y parvenir, le gouvernement doit engranger 10 milliards de dollars d’investissements étrangers, tant pour l’exploration que pour le développement de champs existants. Environ 3 milliards de dollars sont aussi nécessaires en aval pour renforcer les capacités de raffinage.
Les compagnies européennes sont les principales concernées par cette relance. Total, associée à l’allemand Wintershall et à la société publique libyenne National Oil Company (NOC), vient de mettre en production le gisement offshore d’Al Jurf, d’une capacité de 40 000 b/j. La société française est également implantée sur les sites de Mabruk et de Murzuk, qui produisent un peu plus de 200 000 b/j, et possède des permis d’exploration dans plusieurs bassins. L’espagnol Repsol, l’autrichien OMV et l’allemand RWE ont décroché récemment des contrats d’exploration pour lesquels ils devraient dépenser 146 millions de dollars en recherche. L’italienne ENI prévoit une augmentation de ses investissements pour porter sa production à 380 000 b/j en 2004, contre 176 000 aujourd’hui.
La Libye souhaite pourtant voir revenir les entreprises américaines. Celles-ci ont dû abandonner leurs actifs au début des années 1980, après la dégradation des relations diplomatiques entre Tripoli et Washington. Depuis, les actifs du groupe Oasis (Amerada Hess, Conoco et Marathon) et ceux d’Occidental sont sous tutelle de Waha et de Zueitina, filiales de la NOC. Dans l’espoir d’un revirement américain (qui se fait toujours attendre), la Libye a mis trois ans à dépouiller les résultats de l’appel d’offres lancé en 2000 pour l’exploration de quatre-vingts blocs.
Mais il semble que l’administration Bush ne soit pas prête à faire des concessions à « l’État voyou ». Des sanctions empêchent encore le retour des pétroliers américains en Libye. La loi Amato, qui autorise le président des États-Unis à punir les firmes non américaines investissant massivement dans le secteur de l’énergie, est toujours aussi menaçante. Même si ces entreprises n’en ont cure. Deux compagnies australiennes, Woodside et BHP Billiton, sont pressenties pour investir en Libye. Une enquête récente réalisée auprès de soixante-seize compagnies pétrolières indique que ce pays est la destination la plus en vue, tant pour l’exploration que pour la production. Et parmi ces compagnies, beaucoup sont américaines.

Algérie Sonatrach à la conquête du monde
Pour son quarantième anniversaire, la Société nationale de transport et de commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) aligne des chiffres des plus éloquents : première entreprise d’Afrique et, au niveau mondial, 11e groupe dans le secteur des hydrocarbures, 2e exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) et de gaz de pétrole liquéfié (GPL) et 3e exportateur de gaz naturel. En 2002, sa production globale a atteint 206 millions de tonnes équivalents pétrole, en augmentation de 2 % par rapport à 2001. Son chiffre d’affaires est de l’ordre de 23 milliards de dollars (18,8 milliards d’euros). Le secteur représente environ 30 % du Produit intérieur brut (PIB) algérien, 60 % du budget de l’État et 95 % des recettes d’exportation totales du pays…
Son principal défi aujourd’hui est de s’imposer sur l’échiquier international et de consolider sa base de réserves gazières à l’international. Elle s’est fixé comme objectif de porter son niveau d’exportation en gaz de 60 milliards à 85 milliards de m3 à l’horizon 2010. La compagnie, qui ne veut plus être seulement un fournisseur de matières premières, ambitionne de devenir un acteur énergétique à part entière, intégré jusqu’à la production et au commerce international de l’électricité. En 2001, Sonatrach a engagé un processus de restructuration regroupant ses filiales extérieures dans un holding, appelé Sonatrach International Holding Corporation (SIHC). Un an après, celui-ci réalise un bénéfice net de 60 millions de dollars. SIHC opère actuellement dans plusieurs pays tels que le Pérou, le Venezuela et l’Espagne, et poursuit son développement à travers l’acquisition de nouvelles réserves dans différentes régions du monde.
C’est ainsi que sa filiale Sonatrach International Production and Exploration Corporation (SIPEX), intervenant dans l’amont pétrolier, a signé deux contrats en partenariat : l’un avec la société tunisienne Etap pour la recherche et l’exploration en Tunisie ; l’autre avec la société argentine Pluspetrol, pour le développement et le transport des hydrocarbures du champ de Camisea, en Amazonie péruvienne. Un projet dans lequel Sonatrach a acquis 10 % en amont, et a doublé sa part de participation dans le segment transport pour passer à 21 %. Des lignes de 260 millions de dollars ont été obtenues pour financer ce champ, actuellement en phase de développement. Sa première production d’hydrocarbures est prévue pour mai 2004, avec 6 puits producteurs et 2 puits injecteurs. Il comptera par la suite 18 puits.
Sont également prévus au Pérou deux centres de traitement, l’un pour le gaz à Las Malvinas, situé sur le site même de Camisea, et le deuxième à Pisco, sur la côte, pour les liquides. Quant au transport, deux pipelines sont en cours de construction : un pour le gaz, de Camisea à Lima (716 km), et l’autre pour les liquides, de Camisea à Pisco (530 km). Ces deux ouvrages seront livrés au cours du 1er semestre 2004. La compagnie algérienne est également appelée à réaliser une unité de liquéfaction du gaz naturel afin de valoriser les quantités de gaz non consommées localement en les exportant aux États-Unis. Cette opération devrait rentabiliser ses investissements au Pérou.
En 2002, Sonatrach et son partenaire allemand BASF ont mis en route le projet Propachem, une unité de production de propylène située à Tarragone, en Espagne. Le groupe algérien y a participé à hauteur de 49 %, représentant un coût global de 215 millions d’euros. La compagnie pétrolière algérienne devrait également assurer la vente et la livraison de 420 000 tonnes par an de propane algérien pendant douze ans. Grâce à cette réussite, d’autres contrats d’envergure internationale ont été conclus, ce qui a permis à Sonatrach d’affirmer ses capacités dans la pétrochimie et la transformation.
Autre fierté de la compagnie : le gazoduc sous-marin Medgaz, reliant directement l’Algérie à l’Europe via l’Espagne. Une compagnie a été constituée en 2001 entre les principaux acteurs du marché méditerranéen du gaz naturel (le niveau de participation de Sonatrach est de 20 %) afin d’entreprendre des études de faisabilité. Medgaz figure sur la liste des projets d’intérêt prioritaire au sein de la planification des grandes infrastructures énergétiques prévues par la Commission européenne. Il devrait être réalisé entre 2004 et 2006.
Depuis 1986, plus de 60 conventions de joint-ventures ont été signées avec des compagnies étrangères d’hydrocarbures (Amerada Hess, Total, Anadarko, Petronas…) dans des activités en amont. Sonatrach poursuit assidûment son développement extérieur.

Sao Tomé e Principe En attendant les pétrodollars
Bientôt trente ans que le golfe de Guinée entend parler de pétrole. Mais, depuis les années 1990, de nouveaux pays producteurs font leur apparition. À la grande satisfaction de São Tomé e Príncipe. Situé à 240 km des côtes gabonaises, l’archipel se rêve en nouveau Koweït. Grand producteur de cacao pendant l’occupation portugaise, le pays peine encore à se remettre de l’effondrement du secteur, après l’indépendance de 1975. Le revenu annuel de ses habitants plafonnait à 450 dollars (369 euros) en 2002. Son budget, estimé à 55 millions de dollars, dépend à plus de 80 % de l’aide internationale. D’où les espoirs soulevés par le brut.
Évaluées entre 6 milliards et 11 milliards de barils, les réserves exploitables de São Tomé demeurent partiellement méconnues. Mais son domaine maritime, contigu à celui du Nigeria, laisse espérer un boom pétrolier semblable à celui qu’ont connu ses voisins. Washington, en tout cas, veut y croire et tente, en misant sur cette partie de l’Afrique, d’atténuer sa dépendance énergétique vis-à-vis du brut du golfe Persique.
Mais à São Tomé, rien n’est encore acquis. Le pays devrait toucher ses premiers revenus pétroliers au début de l’année 2004, avec les résultats de la mise aux enchères de neuf blocs pétroliers offshore, officiellement lancée en avril 2003. Ces parcelles (mises à prix à 30 millions de dollars chacune) sont situées dans la zone d’exploitation conjointe (ZEC) que se partagent São Tomé et le Nigeria. L’État santoméen ne touchera que 40 % de ces revenus, contre 60 % pour Abuja. Fin octobre, une vingtaine d’entreprises s’étaient d’ores et déjà déclarées intéressées, dont ExxonMobil et ChevronTexaco. Malgré la tentative de coup d’État du 16 juillet dernier, le calendrier devrait être respecté.
Pourtant, tient à souligner Maria das Neves de Sousa, Premier ministre santoméen, « le pétrole ne sera pas la bouée de sauvetage de l’économie de ce pays ». Elle assure que, pour permettre au pays de s’en sortir durablement, il faut donner la priorité à l’agriculture, à la pêche et au tourisme. Néanmoins, même si les premiers barils ne sont pas attendus avant 2007, le brut influe déjà sur la vie politique du pays et les partis s’accusent déjà d’être sous l’influence d’intérêts pétroliers.

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Afrique du Sud-Mozambique Un pari sur le gaz
Sur la carte, c’est un tracé rouge long de 865 kilomètres. Sur le terrain, c’est un tube de 66 centimètres de diamètre, enfoui à 1 mètre de profondeur. Pratiquement achevé, le pipeline reliera, avant mars 2004, les gisements de gaz naturel de Temane et Pande, dans la province centrale de Inhambane (Mozambique), au complexe pétrochimique de Sasol à Secunda, à 120 km au sud-est de Johannesburg. But de l’opération pour les Sud-Africains : remplacer le charbon, un minerai dont les gisements s’épuisent, par une ressource naturelle tout aussi compétitive, mais moins dommageable pour l’environnement.
Aujourd’hui, le gaz ne représente que 2 % de l’énergie consommée dans le pays, contre 5 % en moyenne au sud du Sahara et 20 % dans le monde. Abondant en Afrique du Sud, le charbon permet à Eskom, la société nationale d’électricité, de produire l’énergie la moins chère du monde, et au groupe pétrochimique Sasol de le transformer en pétrole synthétique. Seul ennui : le charbon génère une pollution de plus en plus difficile à justifier. Or le principal avantage des gisements de gaz mozambicains, outre leur proximité géographique, tient à leur très faible teneur en souffre.
Repéré dès la fin des années 1960 par Sasol, le potentiel de Temane et Pande n’a pu être exploité en raison de la guerre civile qui a ravagé le Mozambique après son indépendance, en 1975. Ce n’est qu’en 1997, cinq ans après le retour de la paix, qu’un premier accord a été signé. Une fois rachetées les parts détenues par d’autres sociétés dans les gisements de Temane et Pande, Sasol a mis la main sur des réserves estimées à 500 millions de barils équivalent pétrole. Le projet d’exploitation, lancé en 2001, a nécessité des investissements de 1,2 milliard de dollars (1 milliard d’euros), dont la moitié a été consacrée à la seule construction du pipeline. Ce chantier ne se limite pas aux seuls intérêts de Sasol. Il marque la naissance d’un marché du gaz naturel en Afrique du Sud. L’exploitation de ces gisements devrait durer au moins vingt-cinq ans. Les retombées, au Mozambique, se traduiront par des recettes fiscales estimées à 2 milliards de dollars par an.
Sasol, troisième groupe sud-africain en termes de capitalisation boursière, après Billiton et Anglo American, n’est pas le seul à avoir une stratégie gazière. Petro South Africa (Petrosa), la société pétrolière nationale, a déboursé en juin dernier 40 millions de dollars pour 30 % des parts de Ibhubesi Gas, une société qui se prépare à exploiter le gisement de gaz offshore du même nom, situé à 280 kilomètres au large de Saldanha Bay, en Afrique du Sud. Ibhubesi Gas est détenue par le groupe américain Forest Oil, Anshutz et le groupe noir sud-africain Mvelaphanda. La production devrait démarrer en 2006. Avec cette opération, Petrosa cherche à assurer l’avenir de son usine de transformation du gaz en carburants, à Mossel Bay. Sans renouvellement de ses sources d’approvisionnement en gaz, Petrosa aurait été « à sec » d’ici à 2008. Son activité est d’autant plus stratégique qu’elle réduit de 17 % par an les importations sud-africaines de pétrole brut.
Le gaz permettra à l’Afrique du Sud de continuer à produire une électricité bon marché, une fois épuisés ses gisements de charbon. La ministre des Mines et de l’Énergie, Phumzile Mlambo-Ngcuka, ne s’y est pas trompée en poussant à la mise en place, par des opérateurs privés, d’un réseau national d’acheminement du gaz. La première phase porte sur le pipeline de Sasol entre le Mozambique et Secunda, puis entre Secunda et le port de Durban. La deuxième phase verrait un pipeline couvrir la province du Cap pour rejoindre la ville industrielle et portuaire de Port Elizabeth. Viendrait ensuite le tour de la côte Ouest, reliée à la province industrielle de Gauteng. La boucle serait bouclée avec un réseau allant de Port Elizabeth à Durban en passant par East London.

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