Fadwa Touqan

Poète palestinienne, décédée à Naplouse, le 13 décembre, à 86 ans

Publié le 22 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

« Il me suffit de mourir dans mon pays, d’y être enterrée, de m’y dissoudre et m’anéantir », écrivait Fadwa Touqan l’une des rares femmes poètes de Palestine. Son souhait, que ne saisiront pleinement que ceux qui ont été spoliés de leur terre, s’est exaucé. Fadwa Touqan a été inhumée le 15 décembre à Naplouse, deux jours après son décès à 86 ans, des suites d’une attaque cérébrale. C’est dans cette ville de Cisjordanie que cette dame menue aux cheveux de jais et au regard pétillant de gamine espiègle a vu le jour en 1917, l’année de la déclaration Balfour. Elle connaîtra donc la Palestine sous mandat britannique, assistera à la création d’Israël, vivra l’occupation et l’émergence d’une autonomie palestinienne mais guère la paix.
Et comme si l’oppression de l’occupant ne suffisait pas, Fadwa Touqan n’aura pas non plus trouvé l’harmonie au sein de sa famille. C’est une enfant non désirée, née dans un milieu de notables conservateurs. Son père règne en tyran, sa mère se soumet et son frère Youssef fait la loi. Il lui interdit dès 13 ans d’aller à l’école. Son tort ? Un jeune homme voulait lui offrir une rose. « Tu ne sortiras plus que le jour de ta mort, lorsque nous t’emmènerons au cimetière », lui assène-t-il alors. C’est le choc, l’enfermement… Heureusement, son autre frère, Ibrahim, considéré comme l’un des fondateurs de la littérature palestinienne, l’initie à la poésie. Condamnée à la réclusion domestique, elle trouvera son salut dans l’écriture.

On ne s’étonnera donc pas de voir naître sous sa plume des élégies funèbres ou des poèmes hantés par la solitude ou la tristesse. À partir de 1967, avec l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël, ses écrits prennent des accents nationalistes. « Ils sont morts / Debout astres scintillants / Embrassant la vie sur la bouche. Regarde-les au loin enlacer la mort pour exister encore » (Les Martyrs de l’Intifada).

la suite après cette publicité

Outre des recueils de vers, celle que Mahmoud Darwish qualifie de « maître de tous les poètes » nous a aussi légué des Mémoires d’une touchante sincérité. Dans le premier tome, Le Rocher et la peine (éd. Langues & Mondes-L’asiathèque, 1997), elle revient sur sa jeunesse qu’elle a passée confinée dans une chambre tapie de livres. « Mon histoire, c’est l’histoire de la lutte d’une graine aux prises avec la terre rocailleuse et dure. C’est l’histoire d’un combat contre la sécheresse et la roche », confie celle qui a dû subir le despotisme d’une société patriarcale qui l’a définitivement dégoûtée de la gent masculine. Au point « qu’elle a toujours refusé de se marier », confie Joséphine Lama cotraductrice de ses Mémoires.
Préoccupée par la condition féminine, elle a d’ailleurs fondé à Naplouse un centre de recherche sur la situation des femmes. Dans le deuxième volume, Le Cri de la pierre (même éditeur, 1998), Fadwa Touqan raconte non sans malice ses rencontres avec Moshé Dayan qui voulait lui « parler de poésie », Gamal Abdel Nasser qui voulait savoir de quoi elle s’était entretenu avec le ministre de la Défense israélien et de nouveau Dayan qui se demandait à son tour ce qu’elle avait bien pu dire au président égyptien. Cet ouvrage est aussi l’occasion d’évoquer ses entretiens avec Anouar el-Sadate mais aussi Yasser Arafat et de confier ses espoirs de voir la paix s’instaurer au Moyen-Orient.
Une dame au grand charisme s’en est allée. Restera son oeuvre marquée par le refus du double asservissement exercé et par des hommes de son peuple et par des Israéliens. « Qu’il te suffise de n’avoir pas été vaincue ni rompue par les flèches du destin », se consolait-t-elle dans Autoportrait, un de ces plus célèbres poèmes.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires