Serge Adda

Décédé le 6 novembre, le président de TV5 a été inhumé le 10 novembre. Voici deux des nombreux témoignages de sympathie qui l’ont accompagné à sa dernière demeure.

Publié le 24 novembre 2004 Lecture : 5 minutes.

Tu aimais les autres, qui te le rendaient bien

Tu aimais la vie, Serge. Tu l’aimais passionnément. Tu aimais lire, discuter, découvrir, rencontrer. Tu aimais la vie et tu aimais les autres qui te le rendaient bien. Ta curiosité des êtres et des choses était insatiable. Tes enthousiasmes innombrables. Tu aimais la vie, et tu étais fait pour le bonheur. Et pas pour le garder pour toi : pour le distribuer aux autres…
Tu méritais d’autant moins ces derniers mois, ces derniers jours, ces dernières semaines qui dépassèrent les limites de l’insupportable. Face à la souffrance et à la certitude de la fin imminente, tu as été admirable, tu n’as pas été seulement un modèle de courage et de dignité. Tu as donné le change. Comme si ce qui te navrait le plus était la peine que tu risquais de causer aux autres. Alors tu t’astreignais à te lever chaque matin. À sortir, à aller au bureau. Et tu parlais de l’avenir. Quand ton état physique ne cessait
de s’aggraver, quand nous-mêmes ne pouvions dissimuler que nous nous en rendions compte, tu cherchais à nous persuader que tout pouvait s’arranger…
Je connaissais peu d’hommes aussi tolérant que toi. Et pourtant, ton apparent syncrétisme dissimulait mal une fidélité inébranlable à certains principes que tu avais vu pratiquer
et de quelle manière! par ta mère. Mais pour autant, tu n’étais rien de moins qu’un idéologue: en toi, c’est la générosité qui emportait tout le reste.
Quant à ton talent, c’est peu dire qu’il était éclectique. Je ne vais pas résumer une vie professionnelle aussi riche et diverse que la tienne. D’ailleurs tu n’étais pas homme de
carrière. Tu te contentais de t’investir tout entier dans tout ce que tu entreprenais: de l’économie de terrain à la communication en passant par les sciences humaines. Mais
comment passer sous silence le dernier, au moins, de tes accomplissements…
Il paraît qu’on s’évertue à créer une CNN à la française et qu’on n’y parvient point. C’est simple à comprendre : elle existe déjà et on te le doit. Car tu as fait de TV5 la plus extraordinaire et la plus alléchante vitrine de la France et de la francophonie. Sur tous les continents, on en convient. C’est un vrai bijou. C’est ton chef-d’uvre. Et cela aura été le couronnement de ta vie.
J’ai partagé ton ultime vrai week-end. Je ne suis à tes côtés, ce matin, que par la pensée. Je sais pourtant que tu m’aurais pardonné, en me disant que c’était pour une
bonne cause… D’ailleurs, je sais qu’ils sont nombreux, ceux qui t’accompagnent. Qu’ils sont nombreux, rassemblés, ceux qui auraient trouvé plus et mieux à dire que mes pauvres mots.
Je n’y avais qu’une légitimité. C’est d’être né dans le même pays que toi, de l’avoir également aimé et de l’avoir souvent aimé avec toi, comme il y a quelques mois à peine,
un soir de liesse populaire que parfumait comme toujours l’odeur du jasmin.
Ce pays-là aussi te pleure. Comme tous ceux qui t’ont croisé, qui t’ont connu, qui sont devenus tes amis, dont la qualité, l’infinie variété, et la réelle affliction portent témoignage, Serge, que tu étais un homme de bien.

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Tu nous as rendu encore plus fier d’être francophone

Au revoir Serge. Toute la famille francophone, ta famille, est en deuil. Notre émotion est forte et notre tristesse immense. Tu vas nous manquer. Ta présence chaleureuse, ton amitié généreuse, ta vivacité, ton optimisme réconfortant vont nous manquer.
Toi qui étais animé par cette passion de la politique et de l’actualité, tu as tourné la dernière page de ta vie, sans une plainte sur toi-même, et le regard tourné vers les autres, vers ces événements bouleversants qui, de la Côte d’Ivoire à la Palestine et à l’Irak, interpellent nos consciences.
Ton attachement et ta fidélité à ton pays natal, la Tunisie, ton amour pour la France que tu as choisie et qui t’a adopté, ton parcours vers l’Afrique dont tu as voulu servir la cause et qui t’a accueilli à bras ouverts, ont forgé en toi cette vision forte, riche et sincère de la diversité culturelle, ce sens du partage, du respect des autres qui ont toujours guidé tes choix et tes engagements.
Tu as milité pour les droits de l’homme, pour les valeurs démocratiques, contre la discrimination et la haine, pour la justice et la paix, en particulier cette justice et
cette paix dont le peuple palestinien a tant besoin.
Ces convictions sont toujours restées au cur de ton engagement professionnel. Quand tu as exercé ton métier d’économiste à Paris et à Tunis, puis quand en janvier 1990, parrainé par les plus grands noms de l’audiovisuel français, André Rousselet et Hervé Bourges, tu as rejoint le monde de la télévision. J’ai soutenu personnellement de toutes mes forces le projet de Canal Horizons que tu as largement contribué à définir et que tu as porté pendant toutes ces années. C’était un projet novateur, moderne, attendu par les pays du Sud. Tous ceux qui ont participé à cette belle aventure en garderont un souvenir très fort. Et puis, en octobre 2001, nous avons accueilli avec un très grand enthousiasme ta nomination à la présidence de TV5, notre chaîne multilatérale de télévision francophone.
Je me souviendrai toujours de ton bonheur, de ton épanouissement. C’était pour toi comme l’aboutissement naturel du parcours de ta vie. Tu as donné à TV5 tout ton cur, toute ton expérience. Encore une fois, parce qu’ils correspondaient exactement à nos aspirations, nous avons apporté aux avancées remarquables que tu as su favoriser et mettre en uvre tout notre soutien. Ce que tu nous as apporté est inestimable : tu as donné à la Francophonie que nous aimons, celle de la vie, celle de l’ouverture et de l’échange, une expression audiovisuelle qui a séduit le monde entier ; tu nous a rendu encore plus fier d’être francophone.
Depuis mon arrivée à l’OIF, nous nous étions rapprochés. Nous avons travaillé plus étroitement ensemble. J’ai aimé nos échanges, nos discussions, cette amitié que tu m’as offerte et qui m’accompagnera à jamais.
À Karim et Elias, tes fils, j’exprime toute mon affection. Je leur adresse les plus profonds remerciements de la communauté francophone pour ce que leur père lui a donné.
À toute la famille, les proches et les amis, je dis du fond du cur combien je partage leur douleur. Nous savons, parce que nous t’aimons, que nous ne t’oublierons jamais, cher Serge.
À toutes les équipes de TV5, je renouvelle mon message de soutien, soutien au travail qu’ils accomplissent, soutien au développement de la chaîne pour lequel Serge Adda continuait jusqu’au bout de ses forces à uvrer.
Au revoir Serge, et merci pour tout ce que tu as donné et tout ce que tu nous as laissé.

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