Roméo et Juliette dans la cité

Le comédien franco-béninois Hubert Koundé a mis en scène «Cagoule», une pièce dont il est l’auteur.

Publié le 22 novembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Les cinéphiles l’ont découvert dans La Haine, de Mathieu Kassovitz, qui a valu à ce Français d’origine béninoise d’être nominé pour le César du meilleur espoir masculin en 1984. Quelques années et films (dont Le Prix du pardon, de Mansour Sora Wade) plus tard, et après s’être essayé à la réalisation de courts-métrages, Hubert Koundé est réapparu là où on ne l’attendait pas : sur les planches ! Sous la direction de Peter Brook, il interprétait le rôle du mari dans Le Costume, du dramaturge sud-africain Can Themba. Aujourd’hui, ce trentenaire a surpris encore agréablement avec Cagoule, une pièce dont il est à la fois l’auteur percutant(*) et le sobre metteur en scène, présentée du 19 octobre au 21 novembre au théâtre du Rond-Point-des-Champs-Élysées à Paris.
Cagoule, c’est l’histoire d’un mort qui ressuscite, le temps de raconter ses derniers jours. La pièce commence le 11 septembre 2001, le jour où Cagoule, braqueur noir magistralement interprété par Cyril Guei, retrouve la liberté après cinq longues années passées derrière les barreaux. Il ne reconnaît plus la cité de la région parisienne où il a grandi. Le fanatisme et les barbes y ont poussé comme de la mauvaise herbe. Au fast-food du coin, il tombe amoureux de Yasmina, une fille « ni pute ni soumise ». « Elle s’est mise à manger ses frites et, pour la première fois de ma vie, j’aurais voulu être une frite », raconte-t-il. C’est le coup de foudre. Aux préliminaires risiblement maladroits succède l’idylle, l’amour qu’il croit salvateur. La suite ? Elle est shakespearienne : fratricide, suicide et tombée du rideau.
Car Choukri, le frère de Yasmina, happé presque par hasard par l’extrémisme religieux, s’est senti sali par la liaison amoureuse que vit sa soeur. Il la tue. À travers ce crime d’honneur, Cagoule explore la question des pressions familiales et religieuses dont il n’est pas toujours facile de s’émanciper, que l’on vive en cité ou ailleurs. La pièce évoque aussi les rapports hommes-femmes extrêmement compliqués dans ces territoires machistes que sont devenues les banlieues et nous donne au final une image catastrophiste de ces dernières.
Pourtant, le regard qu’Hubert Koundé porte sur l’avenir des cités, qu’il connaît bien puisqu’il y a grandi et qu’il y vit encore, n’est pas aussi sombre qu’il y paraît. « Seulement, je ne suis pas un optimiste virtuel, précise-t-il. Il ne suffit pas de se projeter dans un avenir meilleur pour que les choses s’arrangent. Il faut au contraire prendre en compte ce qui se passe, et en parler. » Cette pièce, c’est une façon d’exorciser « l’oubli, d’éviter que les gens aient envie de passer à autre chose, alors que le monde, de son côté, ne l’a pas fait ».
A-t-il un autre projet d’écriture théâtrale ? « Cagoule, c’est moi, répond l’intéressé. C’est la chose qui me ressemble le plus. Cette histoire pourrait être la mienne. Il me paraît impensable d’en écrire une autre de la même veine. Pour l’instant, je travaille à son adaptation au cinéma. »
D’ici la sortie de Cagoule sur les écrans, on aura l’occasion de voir Hubert Koundé devant la caméra du Haïtien Raoul Peck dans Sometimes in April et devant celle du réalisateur brésilien Fernando Meirelles dans La Constance du jardin.

* Cagoule, éd. Actes Sud Papiers, 56 pages, 9,50 euros.

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