Burkina Faso – Guy Hervé Kam : « Si Bassolé a été jugé coupable, c’est que Soro l’est aussi »
Après dix-neuf mois d’une procédure judiciaire à rebondissements, le verdict a été rendu lundi 2 septembre dans le procès du putsch manqué de 2015. Un soulagement pour les avocats des parties civiles, dont Me Guy Hervé Kam fait partie. Interview.
Sur les 84 accusés de ce procès hors-norme, la quasi-totalité ont été jugés coupables. Parmi eux, les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, accusés d’être respectivement « instigateur » du coup d’État et « complice », ont été condamnés à 20 ans et 10 ans de prison ferme.
Pour Me Guy Hervé Kam, membre du pool d’avocats des parties civiles et ex-porte parole du Balai citoyen, ce verdict répond aux attentes des victimes. Et ce procès symbolique constitue « une grande victoire » pour la démocratie burkinabè.
Jeune Afrique : Êtes-vous satisfait du verdict rendu par le tribunal militaire de Ouagadougou dans le procès du putsch manqué de 2015 ? Justice a-t-elle été rendue aux victimes ?
Guy Hervé Kam : Oui, justice a été rendue aux victimes. Elles savent désormais qui sont les personnes impliquées dans ce coup d’État, soit comme auteurs, soit comme complices. La justice a rendu sa décision et nous sommes satisfaits de savoir qui sont les vrais responsables de ce coup d’État, ses exécutants et ses commanditaires. Pour le reste, les peines sont clémentes, mais comme nous l’avons dit dès le départ, les victimes ne veulent pas se venger. La chose fondamentale qu’elles veulent, c’est la vérité.
Le parquet avait requis la prison à vie contre les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé. N’espériez-vous pas qu’ils soient condamnés à perpétuité ?
Les actes qu’ils ont commis valent sans doute la prison à perpétuité. Ce sont les crimes les plus graves : ils ont tué des jeunes et ils ont blessé beaucoup de personnes. Mais le juge a appliqué la loi et les a condamnés à des peines de 20 ans et 10 ans de prison ferme. Pour nous, le plus important n’est pas le temps qu’ils passeront en détention, mais qu’ils aient été reconnus coupables et condamnés. Aujourd’hui, nous nous contentons de ces peines.
Les avocats de la défense ont annoncé qu’ils allaient faire appel de ce verdict. Comment comptez-vous y répondre ?
La défense est dans une stratégie de dénégation. Cela complique les choses. Avec ces appels, beaucoup espèrent retarder leurs condamnations au maximum et donc prolonger le chemin de croix des victimes. Mais ils n’échapperont pas à leurs peines parce qu’ils savent qu’ils sont coupables. Nous avons attendu quatre ans depuis le coup d’État, nous pouvons donc attendre encore un peu. Un jour ou l’autre, ils finiront par être définitivement condamnés.
Des personnalités ivoiriennes ont également été citées comme complices ou soutiens des putschistes, en particulier Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne. Regrettez-vous que ces gens échappent à la justice ?
Absolument. Ils endossent une véritable responsabilité dans ce qui s’est passé à Ouagadougou. Malheureusement, les frontières permettent à Guillaume Soro et à d’autres Ivoiriens impliqués de ne pas avoir à comparaître devant la justice burkinabè. Ils sont Ivoiriens et ne seront pas extradés. Au plan national, il faut aussi rappeler que le Burkina a, dans une certaine mesure, abandonné sa procédure contre Guillaume Soro. Il s’agit d’une faiblesse de notre justice. Nous savons pertinemment que la Côte d’Ivoire n’extradera jamais Guillaume Soro. Mais à travers la décision qui a été rendue, lui aussi a été condamné. Si Djibrill Bassolé a été jugé coupable, c’est que Guillaume Soro l’est aussi.
Ce procès inédit, qui a duré 19 mois et qui a été suspendu à plusieurs reprises, a-t-il a été à la hauteur de l’enjeu ?
Oui, ce procès a vraiment été à la hauteur de l’enjeu. Les suspensions et les incidents de procédure étaient liés à la qualité des personnes poursuivies et à la gravité des faits. Au bout du compte, il s’agit d’une grande victoire pour la démocratie burkinabè. Il n’était pas acquis que ce procès puisse se tenir jusqu’à la fin. En rendant la justice, notre pays a montré son attachement à la démocratie et à l’état de droit, ainsi que la solidité de son institution judiciaire.
Des procès concernant d’autres grandes affaires se font toujours attendre au Burkina, comme les assassinats de Thomas Sankara et de Norbert Zongo, ou encore la répression de l’insurrection populaire de 2014 contre Blaise Compaoré. Ces procès emblématiques pourront-ils se tenir un jour ?
Ce procès sur le coup d’État a aussi montré que ces grands procès pourront se tenir au Burkina. L’ensemble de ces dossiers a connu une telle avancée que nous pouvons les envisager très rapidement.
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