Qui a peur du camarade Laurent ?

Une fois passées l’émotion et les condamanations du bombardements de Bouaké, pro- et anti-Gbagbo se sont affrontés au sein du Parti socialiste français.

Publié le 22 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Le divorce entre les socialistes français et Laurent Gbagbo est-il consommé ? On pourrait le croire, à écouter les responsables du Parti socialiste fustiger les actions du Front populaire ivoirien (FPI). Mais les « camarades » de longue date du président ivoirien n’ont pas dit leur dernier mot. Les principaux responsables du PS ont pris leur temps pour désavouer le « camarade Gbagbo », et il aura fallu attendre la mort de neuf soldats français en Côte d’Ivoire pour que le parti se prononce. Julien Dray, le porte-parole du PS, a exprimé « l’émotion du parti et sa totale solidarité avec les forces françaises ». Le secrétaire national aux relations internationales, Pierre Moscovici, a explicitement critiqué Laurent Gbagbo : « Sa volonté de parvenir à la paix n’est pas sincère, et il ne s’est pas suffisamment détaché des actes francophobes de ses partisans. » La veille, dans une conférence de presse, le premier secrétaire François Hollande avait affirmé que son parti n’avait pas à traiter celui-ci « comme un socialiste, mais comme un chef d’État », et qu’il ne pouvait y avoir de « solidarité politique ». L’Internationale socialiste, réunie en conseil à Johannesburg à la mi-novembre, n’a pas été aussi ferme – même si elle n’a pas réitéré, comme en juillet, lors de la réunion du comité Afrique à Dakar, sa « solidarité au FPI et au président de la République Laurent Gbagbo ». « Tout en rappelant la responsabilité écrasante de la rébellion armée et de ses commanditaires dans la crise ivoirienne, le conseil déplore la violation du cessez-le-feu par les Forces armées nationales de la Côte d’Ivoire (Fanci) », peut-on lire dans sa résolution du 16 novembre. Une critique timide des raids du 6 novembre qui correspond à la position des socialistes fidèles au fondateur du FPI, dont Guy Labertit. Présent à Johannesburg, ce « monsieur Afrique » du PS préfère, plutôt que de s’attarder sur les erreurs de son « camarade » et ami Laurent Gbagbo, insister sur la position délicate dans laquelle se trouve celui-ci : « C’est l’ambiguïté de la position française depuis le début de la crise qui a eu pour réponse une ambiguïté de la position ivoirienne. Les manifestations de xénophobie ne sont apparues que depuis la tentative de coup d’État de 2002, qui correspond à l’arrivée au pouvoir de la droite en France. »
À ses côtés, Henri Emmanuelli, Charles Josselin, ancien ministre de la Coopération, Paul Quilès, vice-président de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, ont tenu à relativiser les propos tenus par les responsables de leur parti, soupçonnés de calculs électoraux. Pour le député François Loncle, il existe bien une scission au sein du PS sur la question ivoirienne. Mais elle ne se fait pas autour d’une ligne pro- ou anti-Gbagbo : « Tous ceux qui le connaissent n’ont pas condamné de manière simpliste Laurent Gbagbo, même si tous reconnaissent qu’il a fait des erreurs. Je reproche à François Hollande et à Pierre Moscovici d’avoir réagi au quart de tour. J’étais le premier à condamner les raids de l’armée ivoirienne, mais il faut traiter le dossier dans son ensemble. » Et d’accuser Jacques Chirac de vouloir déstabiliser Gbagbo, parce qu’il ne fait pas partie des « vieux amis africains » de la France. Avec Paul Quilès et Henri Sicre, il compte demander une commission d’enquête sur la crise ivoirienne au bureau de l’Assemblée nationale.
La frange « rebelle » du PS, plus fournie que ne le laissaient supposer les déclarations de la semaine dernière, tiendra-t-elle devant les assauts et les « petites phrases » de ceux qui prennent leurs distances avec le FPI ? Déjà, en mai 2004, au lendemain de la publication du rapport de l’ONU accablant les autorités pour la répression sanglante des manifestations d’Abidjan, un communiqué du PS, dit de rupture, avait condamné les tueries avec « la plus grande fermeté ». Récemment encore, quand Laurent Gbagbo a prêté son avion au député UMP Didier Julia pour aller « sauver » les deux journalistes français kidnappés en Irak, Hollande l’a déclaré « infréquentable ». Pourtant, nombreux sont ceux, au sein du PS, qui décrochent encore le téléphone et ne refusent pas la communication avec le président ivoirien.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires