Pour tout l’or de l’Afrique

Conséquence de l’envolée des cours du métal jaune : la relance de l’exploration. Notamment sur le continent.

Publié le 22 novembre 2004 Lecture : 5 minutes.

Après l’or noir, c’est au tour de l’or jaune de s’envoler. Mi-novembre, le précieux métal a atteint son plus haut niveau depuis seize ans, à plus de 440 dollars l’once (1 once = 31 grammes). Un renchérissement dû à la dépréciation du dollar, qui permet à l’or de jouer son rôle de valeur refuge et favorise les achats, et à l’instabilité géopolitique ambiante. La plupart des analystes prévoient que le prix du métal jaune va se maintenir, voire croître durant les prochains mois. « Les perspectives pour l’offre comme pour la demande sont prometteuses, explique Bruce Alway, du cabinet londonien GFMS. Les acheteurs suivent la hausse des prix, les besoins en or pour la joaillerie sont élevés, particulièrement en Asie, les ventes des Banques centrales sont limitées. L’accord de Washington, signé en 1997 et qui restreint ces ventes à 400 tonnes par an, a été renouvelé jusqu’en 2009. » Pas de risque donc de voir se reproduire le scénario de 1996-1997, lorsque les cours s’étaient effondrés à la suite de la décision de plusieurs Banques centrales de liquider une partie de leurs stocks d’or.
Conséquence directe de cette remontée du prix : la relance de l’exploration minière. Après cinq années consécutives de baisse, les dépenses d’exploration ont retrouvé leur niveau de 1998, à 18 milliards de dollars, indique le cabinet de consultants canadien Metals Economics. L’Afrique absorbe 16 % de cette somme et, pour la deuxième année consécutive, se classe en troisième position, derrière l’Amérique latine et le Canada. Si le nombre de découvertes de gros gisements a diminué ces sept dernières années, la majeure partie des nouvelles réserves a été décelée sur le continent africain : 67 millions d’onces au total, contre, par exemple, 37 millions d’onces en Australie, indique Christian Hocquart, chercheur au Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). Six nouvelles mines sont entrées en exploitation en Afrique depuis 1997 (deux au Mali, trois en Tanzanie et une en Afrique du Sud), contre treize dans le reste du monde.
La montée en puissance du secteur sur le continent s’explique, tout d’abord, par l’évolution libérale des codes miniers, imposée par les politiques d’ajustement structurel depuis la fin des années 1980. Plus favorables à l’investissement étranger, ces nouvelles lois ont dopé la croissance du secteur. Au Mali, le code minier a été révisé en 1991, et, dans la décennie qui a suivi, trois nouvelles mines sont entrées en exploitation, permettant au pays de devenir le troisième producteur africain en 2001. Depuis 1999, l’or a dépassé le coton comme premier produit d’exportation. En 2003, 47 tonnes d’or ont été extraites du sous-sol malien, rapportant au pays 50 milliards de F CFA.
Par ailleurs, le coût d’exploitation des mines sud-africaines (première production mondiale avec 375 tonnes en 2003, soit 14 % des 2 600 tonnes produites mondialement, et des réserves de l’ordre de 1 500 millions d’onces) a considérablement augmenté ces dernières années du fait de la profondeur des mines (celles de South Deep atteignent 3 800 mètres), de la hausse des coûts salariaux, des ravages du sida (près de 30 % des mineurs seraient séropositifs).
Ce nouveau contexte a encouragé les compagnies à sortir de l’Afrique du Sud pour diversifier leurs opérations. Depuis quelques années, à coups de fusions et d’absorptions, les géants du secteur se sont implantés en divers endroits du continent. La réduction drastique des dépenses d’exploration depuis 1997 et le faible nombre de découvertes qui s’est ensuivi ont contraint les grandes compagnies à se dévorer entre elles afin de renouveler leurs réserves aurifères et d’assurer le maintien du même niveau de production. Dernière en date, l’OPA hostile que vient de lancer le sud-africain Harmony Gold, sixième mondial, sur son compatriote Gold Fields, numéro quatre mondial.
Aujourd’hui, les cinq premiers groupes aurifères de la planète sont tous présents en Afrique, hors Afrique du Sud. Au Ghana, l’américain Newmont Mining, leader mondial, et les sud-africains Gold Fields et AngloGold (ce dernier a racheté le ghanéen Ashanti Goldfields en 2003) se partagent l’essentiel de la production. AngloGold, numéro deux mondial, est également bien implanté en Tanzanie, tout comme les deux géants canadiens Barrick Gold et Placer Dome. Les majors s’intéressent par ailleurs à de nouvelles « frontières » en République démocratique du Congo et en République centrafricaine, même si, dans ces régions, l’insécurité freine le développement de projets.
Mais les ressources aurifères de l’Afrique sont-elles bénéfiques aux économies africaines ? Les 136 mines d’or du continent sont exploitées par 47 compagnies. Sur ce total, seule une minorité est contrôlée par des investisseurs locaux. Dans certains pays, des joint-ventures se sont créés entre privés étrangers et nationaux (au Ghana par exemple), dans d’autres, comme le Mali, l’État détient une participation au capital des mines. Seul le Zimbabwe compte plusieurs opérateurs locaux qui ont su tirer profit de la petite taille et de la multiplicité des gisements du pays. Un « modèle » qui pourrait être développé ailleurs. Selon Lamine Dembélé, directeur national de la géologie et des mines du Mali, « il existe un vrai créneau à prendre avec les gisements de petite taille, de l’ordre de 2 à 5 tonnes, qui n’intéressent pas les grandes compagnies ».
En outre, même si au Mali et au Ghana, par exemple, l’État recouvre entre 30 % et 40 % du chiffre d’affaires des sociétés minières à travers le versement de taxes, d’impôts et de royalties, l’utilisation de cette ressource reste particulièrement opaque, et, régulièrement, les populations se plaignent de ne pas en percevoir les retombées. L’Initiative pour la transparence des industries extractives (EITI), lancée par le Premier ministre britannique Tony Blair à l’occasion du Sommet mondial sur le développement durable, à Johannesburg, en 2002, et soutenue par plusieurs gouvernements (dont le Ghana) et compagnies minières (comme AngloGold et Newmont), a précisément pour objectif de renforcer la transparence des paiements et de l’utilisation des revenus par les gouvernements.
Enfin, l’extraction de l’or provoque des dégâts environnementaux sévères : déforestation massive, mise à nu des sols, rejet de déchets et d’huiles usées, déplacements de villages, pollution des nappes phréatiques au cyanure… Cependant, les professionnels du secteur sont prompts à répondre que les grandes compagnies minières offrent davantage de gages de respect des normes de sécurité et de protection de l’environnement que les petits opérateurs. Ils pointent notamment la responsabilité des centaines de milliers de petits orpailleurs traditionnels qui pratiquent une exploration de survie, anarchique et très néfaste pour l’environnement.

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