Présidentielle en Tunisie – Abdelkrim Zbidi : « Le régime parlementaire est une véritable pétaudière »
Ministre de la Défense et fidèle jusqu’à la dernière heure du président Béji Caïd Essebsi, Abdelkrim Zbidi est candidat à l’élection présidentielle du 15 septembre. Dans l’une des ses rares interviews, cet homme discret se confie sur les motivations de sa candidature, sa vision de la fonction présidentielle et les premières mesures qu’il prendrait s’il est élu.
Médecin hospitalo-universitaire de formation, Abdelkrim Zbidi est un pur produit de l’école publique instaurée par Bourguiba au lendemain de l’Indépendance. C’est en tant que technocrate qu’il intègre le gouvernement en 1999 au poste de secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la recherche scientifique et de la technologie. En 2001, il est promu ministre de la Santé publique, puis ministre de la Recherche scientifique et de la technologie.
Au lendemain de la chute du régime de Ben Ali, en 2011, le chef du gouvernement, Mohamed Ghannouchi, fait appel à lui pour le poste de ministre de la Défense. Ayant fait ses preuves à un moment délicat de l’histoire du pays, il est le seul ministre à être reconduit à son poste par le gouvernement de la Troïka, issu de l’élection de l’Assemblée nationale constituante remportée par les islamistes d’Ennahdha.
Après un différend avec le président provisoire, Moncef Marzouki, il démissionne. Mais la politique le rattrape. Élu président de la République fin 2014, Béji Caïd Essebsi (BCE) lui propose la primature. Il ne refuse pas, mais pose des conditions, dont il sait qu’elles sont inacceptables : il exige de former son équipe en toute indépendance. Quand il est appelé pour reprendre le ministère de la Défense dans le gouvernement dit d’Union nationale, dirigé par Youssef Chahed, il ne peut se dérober.
Si l’homme ne ménage pas sa peine, il parle peu. À la fois taiseux et facile d’abord, il n’a accordé que très peu d’interviews, mais n’a pas pour autant sa langue dans la poche. Ayant longtemps refusé de nourrir des ambitions pour l’élection présidentielle de 2019, il décide officiellement de s’y engager après le décès du président de la république Béji Caïd Essebsi, le 25 juillet dernier, qui chamboule le calendrier électoral en faisant passer la présidentielle avant les législatives. Son nom apparaît alors au grand public, et une véritable campagne de soutien à sa candidature le fait rapidement apparaître en bonne place dans les sondages.
Jeune Afrique : Vous avez longtemps hésité avant d’annoncer votre candidature à l’élection présidentielle, voire refusé de l’envisager. Pourquoi ce revirement ?
Abdelkrim Zbidi : C’est vrai que j’ai beaucoup hésité et longuement réfléchi avant de me lancer dans la course à la présidentielle. Je dirais même que, au départ, je n’étais pas du tout intéressé. C’est le contexte particulier du pays qui m’a décidé. La Tunisie est entrée dans une phase marquée par un climat délétère, sur fond de tiraillements politiques. Elle a besoin de toutes ses compétences pour s’en sortir. Ne pas répondre à ce besoin me donnait l’impression d’être un soldat déserteur. Alors, j’y suis allé.
Y a-t-il, autour de vous, des personnalités proches qui vous ont poussé à prendre cette décision ?
Non, je l’ai prise tout seul. Et je n’ai demandé l’appui de personne. Même si j’ai senti une demande très forte de la société civile, de quelques partis, de personnalités et d’organisations nationales. Je n’ai pas non plus appelé pour dire : ‘soutenez-moi si je me présente’, afin de ne pas être redevable à quiconque, et pour éviter le spectre du népotisme et le partage de la ghanima [littéralement « tribut de guerre »]. En fait, ce n’est qu’à la veille du démarrage du dépôt des candidatures, dans la soirée du dimanche 4 août, que je me suis résolu en mon âme et conscience.
On a sorti l’artillerie lourde pour me salir et souiller l’honneur de ma famille
C’était suite aux calomnies à mon encontre et à celle de ma vie privée que j’ai compris tout de suite que je suis visé, et qu’on a d’ores et déjà sorti l’artillerie lourde pour me salir et souiller l’honneur de ma famille, dans un but clair : me dissuader de postuler à la magistrature suprême, parce que, selon les initiateurs de ces attaques, je représente un candidat sérieux qui pourrait menacer leur champion. Autrement dit, à partir du moment où j’ai déposé ma candidature, j’ai vu monter l’hostilité contre moi et compris que je dérangeais.
Bien s’informer, mieux décider
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