La malédiction acridienne

Une nouvelle invasion de criquets pèlerins dévaste tout sur son passage. Dans plusieurs régions, la famine menace.

Publié le 22 novembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Nouakchott, 14 novembre. En ce jour d’Aïd Esseghir, qui marque la fin du ramadan, les Mauritaniens ont dû se passer de leur traditionnel thé à la menthe. Du nord au sud du pays, il ne reste plus une feuille de menthe ! « Les criquets pèlerins ont tout mangé, se lamente notre hôte. Avec un peu de chance, on peut encore en trouver aux abords des marchés, mais elle vient du Maroc et coûte vingt fois plus cher que d’habitude… »
Depuis le départ des envahisseurs acridiens, le 8 octobre, la capitale offre un paysage de désolation. Il ne reste plus un centimètre carré de verdure. Arbres, fleurs et légumes ont été méthodiquement dévastés. Seuls les quinquinas, dont les feuilles sont toxiques pour les criquets, ont été épargnés. Avec la pelouse d’une ambassade, qui, vérification faite, s’est révélée artificielle !
L’offensive a duré un mois et a touché la quasi-totalité du pays. La région la plus gravement sinistrée est néanmoins le Sahel : plus de 1,6 million d’ha dévastés. Plusieurs pays voisins – Sénégal, Mali, Tchad et Burkina – ont également beaucoup souffert. « Depuis plus d’un demi-siècle, je n’ai jamais vu un désastre d’une telle ampleur », commente un avocat.
Région agricole qui fournit l’essentiel de l’alimentation des Mauritaniens, la vallée du fleuve Sénégal paraît avoir été ravagée par les hordes d’Attila. Céréales, arbres fruitiers et cultures maraîchères ne sont plus qu’un souvenir. Les paysans ont tout perdu. Même leurs pâturages ayant été saccagés, ils ne trouvent plus de quoi nourrir leurs bêtes et sont contraints de les abattre pour se procurer de quoi subsister.
Une semaine avant que les criquets se décident à partir, la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) estimait que la production céréalière avait été détruite à 50 % – et à 100 %, dans certaines zones. Le gouvernement mauritanien évalue pour sa part le déficit céréalier pour 2005 à quelque 400 000 t, alors que les besoins de la consommation sont de l’ordre de 560 000 t. Dans plusieurs régions, les risques de famine sont d’autant plus réels que le pays vient de subir plusieurs années de sécheresse consécutives. Ahmedou Ould Ahmedou, le ministre du Développement rural, estime que, dans un mois ou deux, son pays ne pourra éviter de faire appel à l’aide internationale.
Si la menace acridienne s’est un peu éloignée à partir du 12 novembre, c’est grâce, pour une part, au dispositif aérien mis en place : six avions ou hélicoptères américains, cinq libyens, deux français, deux de la FAO et un sénégalais. Mais ce n’est là qu’un répit, le danger est loin d’avoir disparu.
Avant même les récentes pluies – qui, inévitablement, vont favoriser la reproduction des insectes et la formation des essaims -, les experts s’attendaient à une nouvelle invasion, plus terrible encore, au mois d’avril prochain. La FAO compte sur l’aide des bailleurs de fonds pour financer d’urgence la reprise des activités des agriculteurs sahéliens les plus touchés. Un accent tout particulier devra être mis sur la prévention, afin d’enrayer la formation des essaims. Pas question de rééditer les négligences et les cafouillages qui ont précédé l’invasion de cette année.

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