Estampillé bio

Quand une entreprise de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, se lance avec succès dans l’exportation de produits issus de l’agriculture biologique.

Publié le 22 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

« AB » : deux lettres vertes qui font office de trophée. Et pour cause, le label « Agriculture biologique » répond à une réglementation très stricte. Pour s’en prévaloir, il faut garantir que son produit est composé à 95 % au moins d’ingrédients provenant d’une exploitation sans pesticide. Et assurer sa traçabilité, de la graine jusqu’au conditionnement.
Malgré les nombreux obstacles à surmonter jusqu’au marché international, trois familles de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, se sont associées, en 1999, pour créer la Sopradex, une société exportatrice de produits issus de l’agriculture biologique. Objectifs : préserver l’écosystème si fragile de leur pays tout en aidant le monde paysan à sortir de la pauvreté. Aujourd’hui, cette petite entreprise de douze salariés peut se targuer d’avoir passé avec succès tous les examens de contrôle. En 2003, 700 tonnes de sésame bio produit au Burkina ont été vendues en France par la coopérative Andines, spécialisée dans le commerce équitable, mais aussi en Allemagne, en Belgique ou encore aux Pays-Bas.
Itinéraire d’un petit sachet de sésame… Tout commence avec les producteurs qui disposent au plus d’une parcelle d’un demi-hectare essentiellement consacrée à une agriculture d’autosubsistance (arachide, sorgho, etc.). « On s’est heurtés à beaucoup de réticences », reconnaît Alain Bostal, un des membres fondateurs de la Sopradex. « Au départ, les paysans pensaient qu’en échange de leur participation, ils auraient des cadeaux, sous forme de crédits ou de matériels, explique Paul David, un des intermédiaires techniques de la Sopradex dans le département de Piéla-Bilanga, à l’est du pays. Quand ils ont compris que ce n’était pas la méthode de travail de la Sopradex, certains se sont désistés. Puis il a fallu obtenir l’historique des terres cultivées sur les trois dernières années, s’assurer aussi qu’il n’y avait pas de champs de coton à proximité. Surtout, nous avions besoin de gagner la confiance des paysans. »
Quand la Sopradex se lance dans l’agriculture biologique, à l’aube du IIIe millénaire, le terrain avait déjà été « déblayé » par d’autres entrepreneurs. « Ces derniers, après avoir convaincu les producteurs d’abandonner leurs cultures traditionnelles, ne sont jamais réapparus au moment des récoltes. Ils avaient fait faillite entretemps », résume le conseiller technique. Les producteurs sont donc devenus plus méfiants.
Dans la région de Piéla-Bilanga, dont l’aridité sied aux cultures de sésame, la Sopradex s’est appuyée sur une association locale, l’APB. Six animateurs ont sillonné les différents villages en égrenant les avantages du projet porté par l’entreprise de Bobo. « Non seulement les producteurs diversifient leurs cultures de rente, mais en plus ils augmentent leurs revenus, puisque la Sopradex garantit l’achat des cultures à un prix équitable, c’est-à-dire le meilleur du marché », argumente Paul David. Mieux, elle reverse « une ristourne » aux producteurs une fois la certification obtenue, en avril-mai, une période habituellement creuse pour les paysans. Dispensée par l’organisme international Ecocert, cette certification est longue, difficile à obtenir et coûteuse. « Tous les lots sont analysés par un cabinet d’expertise, en Allemagne, précise Alain Bostal. Il nous arrive assez souvent d’être obligés de déclasser le sésame, soit parce que les programmes de traitement effectués il y a environ une dizaine d’années laissent des traces sur le produit, soit parce qu’un lot est « contaminé » par un autre, soit parce qu’un producteur n’a pas joué le jeu jusqu’au bout. »
Le quadragénaire prend toutefois son parti des normes drastiques imposées par le marché international de l’agriculture biologique. « ça nous oblige à améliorer la qualité de nos produits. Et, ce faisant, nous donnons progressivement une autre image de l’Afrique. »
Même si l’entreprise n’a pas encore atteint l’équilibre financier, elle peut se réjouir d’avoir fidélisé un nombre important de producteurs et augmenté les rendements. Ainsi, sur le département de Piéla-Bilanga, lors de la première campagne 2002-2003, seuls 275 producteurs avaient accepté de tenter l’aventure du sésame bio. Six tonnes avaient été produites. Aujourd’hui, sur cette même localité, ce sont plus de 2 500 cultivateurs qui produisent 55 tonnes de sésame estampillé « AB » pour le compte de la Sopradex.

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