De quoi est mort Arafat ?

Leucémie, cirrhose, empoisonnement ? Des déclarations ambiguës ont nourri tous les fantasmes.

Publié le 22 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Le transfert de Yasser Arafat au service hématologie de l’hôpital Percy de Clamart (en région parisienne) a été motivé par une thrombopénie, un des symptômes associés à la leucémie, le cancer du sang : son organisme souffrait d’un important déficit de plaquettes, les facteurs de coagulation du sang. Et le président de l’Autorité palestinienne est décédé d’une hémorragie interne. Les médecins ont affirmé qu’il n’était pas atteint de leucémie. Alors, par quel mal Arafat a-t-il été emporté ?
« Les communiqués ne fournissent aucun élément fiable permettant de fonder un diagnostic, explique le Dr Mhamed Boussen, professeur d’hématologie à la clinique Saint- Augustin de Tunis. Mais ses médecins doivent savoir à quoi s’en tenir, même en l’absence d’autopsie : ils ont pu pratiquer tous les tests nécessaires. »
Outre la leucémie, la thrombopénie peut être due à une colonisation de la moelle épinière par des cellules cancéreuses venant d’autres organes. Une telle hypothèse signifierait qu’Arafat était malade depuis longtemps et que personne n’avait rien détecté. Ce qui paraît peu plausible dans la mesure où, malgré la précarité de ses conditions de vie à Ramallah, le raïs faisait l’objet d’une surveillance médicale à la fois ancienne et renforcée.
L’hebdomadaire français Le Canard enchaîné, souvent bien informé, évoque, lui, une cirrhose du foie comme cause probable des anomalies sanguines. Problème : une cirrhose, même asymptomatique, est détectable à l’aide d’une simple prise de sang, bien avant que la maladie n’entre dans sa phase terminale. Là encore, la prudence s’impose.
Dernière possibilité : une intoxication médicamenteuse ou un empoisonnement, qui peuvent provoquer la destruction des plaquettes dans le sang, voire un arrêt progressif de leur fabrication dans la moelle.
Yasser Arafat peut-il avoir été empoisonné ? Les médecins de Clamart, tout en se refusant à communiquer son dossier médical, ont exclu que leur illustre patient ait pu être empoisonné par une substance connue. Ce démenti ambigu a alimenté toutes les spéculations. Selon un sondage rendu public le 17 novembre par la chaîne Al-Arabiya, 83 % des Palestiniens sont convaincus que leur président a été assassiné. Le reste de l’opinion arabe n’est pas loin de leur emboîter le pas.
« Au début, je n’accordais pas trop de crédit à ces histoires, que je mettais sur le compte de notre propension – très arabe – à voir des complots partout, raconte un psychiatre de Tunis. Mais j’ai été ébranlé par les déclarations de son médecin personnel, Achraf al-Kurdi, qui le suivait depuis vingt-cinq ans, et qui n’avait rien décelé d’anormal dans son sang. Il s’est plaint d’avoir été tenu à l’écart après le transfert d’Arafat à Paris. Comme si on avait quelque chose à cacher. »
Al-Kurdi devait embarquer avec le raïs dans l’hélicoptère, mais Souha, l’épouse d’Arafat, l’en a empêché. Autre détail troublant : les déclarations de Bassam Abou Charif, conseiller d’Arafat, qui affirme avoir mis ce dernier en garde dix jours avant la détérioration de son état et avoir évoqué une menace d’empoisonnement. Beaucoup, aujourd’hui, font le rapprochement avec la tentative d’assassinat dont avait été victime Khaled Mechaal il y a sept ans. Victime d’un empoisonnement du sang à partir d’une substance inconnue, ce dirigeant du Hamas réfugié à Amman présentait des symptômes similaires (dixit al-Kurdi) et avait été sauvé grâce à la maladresse des espions israéliens qui lui avaient administré le toxique. Ces derniers ayant été capturés par les Jordaniens, l’État hébreu avait été obligé de fournir l’antidote en échange de la libération de ses agents…

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