Bouaké K.O.

Quinze jours après les attaques, la deuxième ville du pays est encore traumatisée. Etdésespère de retrouver sa splendeur d’antan.

Publié le 22 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Monticules de gravats de plus de cinq mètres de hauteur, éclats de vitres brisées… Le lycée René-Descartes de Bouaké mettra du temps à retrouver sa splendeur d’antan. L’établissement français, hier symbolique dans la crise ivoirienne pour avoir servi de cadre en octobre 2002 à la signature du premier cessez-le-feu avec le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) de Guillaume Soro, est, depuis le samedi 6 novembre 2004, une balafre de plus dans la deuxième ville du pays. Les bombardiers Sukhoï-25 des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) sont passés par là, tuant 9 soldats français de l’opération Licorne et un citoyen américain.
La population en est encore traumatisée, malgré la visite, le 18 novembre, d’Albert Tévoédjrè, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, venu apporter le soutien et la solidarité de la communauté internationale. Et même si Guillaume Soro répète à l’envi que son mouvement, au nom de la ville, va « porter plainte contre Gbagbo pour crime contre l’humanité ». On l’écoute d’une oreille distraite, on semble préoccupé par les rumeurs d’une nouvelle attaque – terrestre, cette fois.
Signe que la tension est perceptible, les soldats français auparavant disséminés dans le lycée Descartes et l’école américaine Baptiste se sont repliés sur un deuxième site. Ils ont renforcé les contrôles des véhicules et de tous ceux qui s’approchent de leur quartier général. « Les gens ont été sonnés de voir Gbagbo bombarder une ville de la Côte d’Ivoire. Ici, tout le monde vit dans la hantise d’une reprise générale des hostilités », raconte très sérieusement Drissa Traoré, président du Groupement de concertation et d’action (GCA, une ONG basée à Bouaké). Les véhicules 4×4 des différentes compagnies des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) patrouillent à vive allure, les armes sont partout… « On est en guerre ici », lance un caporal, qui se dit « fatigué » par les questions des journalistes.
En fin d’après-midi, la ville se vide comme par enchantement. Les rues sont désertes. Presque personne n’ose sortir pour s’encanailler – le souvenir des attaques du 4 et du 6 novembre est encore trop frais. Sauf quelques racoleuses et des éléments des FAFN. Mais on croise aussi des jeunes vendeuses d’oranges. Bouaké n’est plus Bouaké. Mais on hésite à parler de tout cela. « Ça me fait trop mal, Gbagbo est vraiment méchant, sinon comment expliquer que tout en attaquant la ville il a pu ordonner l’interruption des services d’eau et d’électricité pendant dix jours ? » s’indigne Babou Ouattara, président du Syndicat des vendeurs de pièces détachées de véhicules (Synavepaci).
À l’entendre, une véritable psychose s’est emparée de tout le monde : « Mon petit-fils est encore sous le choc, lorsqu’il entend le bruit d’une mobylette, même dans son sommeil, il se réveille en pleurs. » Cette peur trouve un écho à la télévision locale TV Notre Patrie qui montre en boucle les images d’une dizaine de personnes atrocement tuées par les soldats loyalistes entre le jeudi 4 et samedi 6 novembre dans une petite localité à l’est de Bouaké. Conséquence : les « maquis » (petits restaurants) fonctionnent à pure perte. Au Walle, les jeunes serveurs ne savent plus à quel saint se vouer. « Les affaires avaient bien repris, mais depuis les derniers bombardements nous n’avons plus de clients », se lamente l’un deux.
Mais l’espoir n’a pas complètement déserté la ville. « Dans une semaine, la ville atteindra son plein régime », prophétise un hôtelier, qui assure que les sanctions de l’ONU contre la Côte d’Ivoire, notamment l’embargo immédiat sur les armes, poussent, à l’optimisme.

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