Une voix limpide

Entretien avec la chanteuse togolaise Afia Mala. En toute franchise.

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Afia Mala a une voix limpide comme les eaux du fleuve Mono qui irriguent le village de Vogan, au coeur du Togo, où elle a grandi au sein d’une famille polygame avec vingt-quatre autres enfants. Surnommée « la Princesse des rives du Mono », elle a fait ses premières armes aux côtés de sa mère dans un groupe de femmes Habobo et au cours des fêtes annuelles de son école. Afia subit, très jeune, l’influence de Bella Bellow, célèbre blueswoman. Elle remporte en 1974 le troisième prix de la chanson togolaise. Mais sa carrière décolle en 1984, avec le tube « Ten Homte », qui lui vaut le Prix découvertes RFI. Sur des airs afro-cubains et des rythmes qui empruntent à l’Europe et à l’Amérique, elle ne tarde pas à conquérir le public africain.
Dans sept dialectes béninois et togolais et en swahili, Afia chante l’émotion, la foi, l’amour, la souffrance, le plaisir… Plaisir est d’ailleurs le titre de son huitième album arrivé sur le marché en février 2003.
Après avoir fait exploser l’applaudimètre au cours du dernier Festival panafricain de musique (Fespam) organisé à Brazzaville du 2 au 9 août, la star togolaise a répondu aux questions de J.A.I.

J.A./L’intelligent : Quel âge avez-vous, Afia Mala ?
Afia Mala : Je ne dis pas mon âge. Je suis une femme et une femme n’a pas d’âge.
J.A.I. : Cela vous flatte-t-il d’entendre que vous êtes toujours belle ?
A.M. : Cela m’importe peu d’être belle. Je me sens bien dans ma peau et suis jusqu’ici, malgré les déraisons du show-biz, restée moi-même. J’aime ma peau noire que je n’ai jamais songé à décolorer.
J.A.I. : Pourquoi avez-vous choisi de quitter le Togo pour l’Europe ?
A.M. : Je n’ai fait que suivre mon mari qui est homme d’affaires et me rapprocher de ma fille qui vient de décrocher une licence de business international en Angleterre. Je rentre plusieurs fois par mois au Togo.
J.A.I. : Vous avez pour votre fille un amour qui crève les yeux…
A.M. : Chantal est fille unique. Je dois la protéger. Pour être née dans une famille africaine pauvre et nombreuse, je tiens à mettre mon enfant à l’abri de la privation et du besoin. N’ayant pas pu pousser loin les études, je veux que ma fille aille jusqu’au doctorat. Vous aurez réussi votre vie si vous parvenez à offrir à vos enfants quelque chose que vos parents n’ont pas pu vous donner.
J.A.I. : Quels sont vos rapports avec les hommes ?
A.M. : Les hommes sont mes amis et mes enfants. J’y recrute mes confidents depuis quinze ans, tout en marquant toujours les limites. Aucun garçon ne drague une fille qui ne lui en a pas donné l’occasion. Les hommes du show-biz sont habitués aux « musiciennes » qui baissent leur culotte pour arriver au top. Je refuse de marcher, me limite au business et m’éloigne quand je sens les choses déraper. Il faut avouer que ce n’est pas toujours facile. Il y a, dans notre milieu, des garçons beaux et qui, comme tous les hommes, essaient toujours. C’est à la femme de ne pas se laisser faire.
J.A.I. : Quelle est votre idée de l’amour et du sexe ?
A.M. : L’amour est ce qu’il y a de plus beau au monde. On ne peut pas vivre sans sexe, sauf à être « disjoncté ». Chacun se sent bien dans les entrailles de la personne qu’il aime ou désire. Je n’ai aucune honte à assumer mon grand désir de faire l’amour. Le tout est de le faire dans l’ordre, dans le cadre d’une relation stable, avec la personne qu’on a choisie.
J.A.I. : Quelle est, dans votre riche discographie, la chanson qui vous a le plus marquée ?
A.M. : C’est « Ten Homte » [« la terre noire » en dialecte losso du Nord-Togo] que j’ai chantée devant plus de quatre mille personnes en 1977 et qui m’a valu le Prix découvertes 1984. Je parle de la belle terre de nos aïeux, de nos héros, et des splendeurs de l’Afrique. Vingt-cinq ans après, cette chanson continue de cartonner partout où je la joue.
J.A.I. : Que vous reste-t-il à réaliser, aujourd’hui ?
A.M. : Je ne vois pas mon avenir sans la musique. Je chanterai jusqu’à mon dernier souffle de vie. Je suis aujourd’hui dégagée de beaucoup de contraintes familiales. Mon père, polygame, a fait vingt-cinq enfants. Je devais, en tant qu’aînée, m’occuper de tous. J’ai soutenu la famille jusqu’à ce que tous les enfants grandissent. Le cadet, aujourd’hui âgé de 21 ans, fait des études universitaires à Lille.
Je vais donc commencer à me consacrer aux enfants des autres qui souffrent. Une façon de rendre à l’Afrique une partie de ce qu’elle m’a donné en écoutant et en achetant ma musique.

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