Triste palmarès

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

J’observe que, dans cette phase de « la guerre contre le terrorisme », déclenchée il y a deux ans, le monde et ses dirigeants tendent à se répartir en deux camps, ce qui me paraît malsain.
Il y a d’abord ceux qui, par conviction ou calcul intéressé, pensent et disent qu’un monde sous leadership américain, même très ferme et avec un George W. Bush, est ce qu’il y a de mieux. Selon eux, toute autre formule est pleine de risques.
Parmi ces dirigeants, les plus connus sur le plan politique sont chefs d’exécutif de pays importants : Tony Blair (Royaume-Uni), José María Aznar (Espagne), Silvio Berlusconi (Italie) et Ariel Sharon (Israël).
Une pléiade d’intellectuels, dont certains de grand renom, pensent comme eux, et une cohorte de dirigeants de pays moins importants, situés pour la plupart en Europe de l’Est ou dans le monde arabe, les suivent parce qu’ils pensent qu’ils ne peuvent pas, sans risque grave pour leur pouvoir, désobéir à la puissante Amérique.
Mus par le même sentiment, une bonne partie des dirigeants des grandes institutions internationales, ONU en tête, se placent prudemment dans ce « camp de la puissance »… sans rompre toutefois avec l’autre, qu’ils savent plus proche de ce que ressent la majorité des peuples de la Terre.

Avec des nuances parfois sérieuses et perceptibles, comme entre la France, l’Allemagne, la Russie et la Chine, les dirigeants politiques des autres pays et la plupart des intellectuels du monde forment l’autre camp, celui de la résistance à l’hégémonie américaine et du refus de ses excès.
Comme vous le voyez, nous sommes très loin du manichéisme stupide et arrogant énoncé il y a tout juste deux ans par George W. Bush : « Ceux qui ne sont pas avec nous sont avec les terroristes… »
Nous, la majorité du monde et de ses penseurs, ne sommes pas avec lui, Dieu nous en garde, mais nous ne sommes pas pour autant avec les terroristes.

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Parmi les premiers, dès septembre 2001, nous avons écrit dans ce journal que la guerre contre le terrorisme conçue par George W. Bush et sa garde rapprochée comme une croisade du Bien contre le Mal n’était pas et ne pouvait être notre guerre.
Nous avons dit, dans le même temps, que nous n’approuvons ni les méthodes ni les buts des terroristes, que « l’idéologie » dont ils se prévalent dans leurs déclarations heurte nos valeurs.
Nous avons toutefois précisé qu’à nos yeux ne sont pas terroristes ceux qui se battent l’arme au poing pour libérer leur pays d’une occupation étrangère. Tant qu’ils le font à l’intérieur des frontières de ce pays.
Nous avons écrit que l’erreur stratégique des Palestiniens, moralement indéfendable et politiquement contre-productive, a consisté à s’autoriser à frapper autre chose que les colons armés et installés illégalement à Gaza et en Cisjordanie, ou les militaires de l’armée israélienne d’occupation.

Comme nous l’appréhendions, les terroristes qui se sont attaqués à l’Amérique, chez elle, n’ont fait que réveiller ses démons et lui donner l’occasion – certains disent le prétexte – d’étendre son hégémonie au monde entier. Et de la faire encore plus lourde.
Les pays que les terroristes disaient vouloir libérer de l’emprise des États-Unis ont été soit envahis et occupés, soit mis sous tutelle.
De son côté, la Russie a pu réoccuper la Tchétchénie, massacrer ses résistants et y installer un pouvoir à sa solde.
Quant à Ariel Sharon, il a reçu de ces mêmes terroristes, sur un plateau d’argent, avec l’appui américain et la complicité de dirigeants arabes apeurés, les moyens de réaliser le rêve de sa vie.

Beau résultat, mais équilibré en sens inverse par le triste palmarès américain : deux guerres, deux pays (50 millions d’habitants au total) durablement occupés, des milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés, un nombre inconnu de prisonniers, une centaine de milliards de dollars gaspillés en dépenses militaires et de ce fait retirés à la lutte contre la pauvreté, les inégalités et les grandes maladies…
Un combat sans fin contre un adversaire sans nom et dont on ne peut pas venir à bout en renforçant les dictatures tout en disant qu’on lutte pour propager la démocratie.

Vous voyez pourquoi on peut – que dis-je, on doit – être contre le terrorisme et, en même temps, contre la détestable thérapeutique du Dr. Bush.

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