Rosso, sur le fleuve Sénégal

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Le policier sénégalais ne veut pas d’un nouveau Joola. Même d’ampleur moindre que la tragédie du 19 septembre 2002. C’est d’un pas décidé qu’il remonte la berge du fleuve Sénégal, suivi du propriétaire d’une barque qu’il venait d’immobiliser. Prenant eau de toutes parts, la frêle pirogue était un danger potentiel et il fallait obliger le piroguier à la réparer. C’est qu’en ces lieux barques à moteur ou à pagaie sont d’un autre âge. Vieux rafiots, faits de planches rafistolées à l’aide de fil de fer, ils font la navette, sur le fleuve qui sépare et relie les deux Rosso.
Ici passe l’essentiel du trafic commercial entre la Mauritanie et le Sénégal ; le point de passage préféré des touristes étant le barrage de Diama. Le négoce bat son plein. Les marchands, en un mouvement ininterrompu, vont et viennent d’une rive à l’autre. Camions de marchandises, véhicules particuliers lourdement chargés, ânes titubant sous le poids des faix. Les petites pirogues mènent une concurrence soutenue contre le seul ferry qui navigue aux horaires de l’administration : de 8 heures à 12 heures et de 15 heures à 18 heures. Des enfants barbotent dans l’eau à côté des femmes qui lavent leur linge pour ensuite l’étendre sur des buissons : sait-il, ce monde innocent, que c’est là qu’il attrape la bilharziose ?
Côté sénégalais, Rosso est une petite localité qui n’existe que par le bac et son trafic marchand. Des petites bicoques entourent le commissariat de police et le poste de douane qui apparaissent au bout d’une route défoncée serpentant entre rizières et champs de cannes à sucre. Comme tous les postes-frontières du monde, Rosso a son monde interlope de jeunes gens qui vous interpellent, sourire de tranche de pastèque et le clin d’oeil entendu à l’appui : passeurs de marchandises ou cambistes informels, ils repèrent de loin les nouveaux arrivants. Champions du baratin, ils parlent tantôt hassania, tantôt wolof ou français, convaincus que ce filet de trois langues a les mailles suffisamment serrées pour ne pas laisser passer le menu fretin à arnaquer. À l’ombre des camions remplis de produits manufacturés en attente d’embarquement sur le bac, ils devisent. Accueillant et raccompagnant les voyageurs, les poches remplies de francs CFA et d’ouguiyas.
En pirogue à moteur, la traversée dure à peine cinq minutes pour 500 F CFA (0,90 euro). Mais il faut avoir le coeur bien accroché. Un vieux bidon sert de réservoir à carburant, coincé entre les genoux d’un garçonnet et relié au moteur par un mince tube. Le gasoil tressaute, comme pour répondre au rythme du clapotis des eaux du fleuve que fend laborieusement la pirogue lourdement chargée. Rosso, sur la rive mauritanienne, est une grande commune, comparée à sa soeur sénégalaise. Ici, les commerçants sénégalais viennent s’approvisionner notamment en tissus bazin. Les commerçants achètent le sucre pour le revendre plus cher au Sénégal, en passant par la zone de Richard-Toll où est implantée la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS)… Thé, tomates et batteries pour automobiles sont également moins chers ici. Surgissant du désert, les véhicules Land Rover viennent faire le plein de produits pour les hameaux perdus derrière les dunes de sable. Ainsi vit Rosso, au rythme du fleuve…

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