Nouveau monde

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

D’une certaine manière, c’est bon signe. Aux yeux du monde, l’Afrique du Sud est devenue un pays comme les autres. Commentateurs et journalistes, voyageurs et hommes d’affaires évoquent la criminalité, le sida, les performances du Johannesburg Stock Exchange ou du rand, les déclarations de Thabo Mbeki ou de tel ou tel ministre. On s’émerveille sur Mandela, ce père de la Rainbow Nation, la « nation arc-en-ciel », sans vraiment se rappeler de ce que fut sa souffrance, son combat, sans vraiment se rappeler de ce que fut l’apartheid. L’Afrique du Sud n’est pas un pays comme les autres. A-t-on oublié que ce pays a connu l’un des pires régimes de ségrégation raciale de l’histoire ? Qu’il y a peine quinze ans, un Noir, un métis ou un Indien étaient encore considérés comme des citoyens de quinzième zone, relégués dans une township crasseuse ou un bantoustan désertique ? A-t-on oublié le struggle, ces années de feu et de révolte, les townships qui se soulèvent ? A-t-on oublié Steve Biko, Hector Peterson, le martyr de Soweto 1976, les morts, tous ceux qui ont disparu, connus ou inconnus, victimes de la répression ? A-t-on oublié cet incroyable acte de foi qui a poussé dominateurs et dominés à tenter de construire une nation commune, unique au monde, par le mélange des races, des cultures, des langues et des religions. A-t-on oublié la force de cette journée du 10 mai 1994 où, pour la première fois, un homme noir, Nelson Mandela, devenait le président d’une Afrique du Sud unie, pour tous.

Dix ans après, l’Afrique du Sud est encore là. Elle n’a pas sombré dans les divisions ethniques, dans la guerre entre Xhosas et Zoulous. La communauté blanche est toujours présente, installée, africaine à sa manière. La démocratie fonctionne avec ses hauts et ses bas, la justice et la presse aussi. Les libertés fondamentales sont garanties et protégées. Les « communistes » n’ont pas tout fait sauter, l’économie ne s’est pas effondrée, au contraire. Une partie de la misère a été absorbée, même si le ressentiment de la majorité noire reste omniprésent dans les ghettos et les campagnes. Plus de 30 000 écoles ont été « déségrégées », y compris les plus grandes universités « blanches ». Dix ans sont passés, une nation est née…

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L’Afrique du Sud n’est pas sauvée. Mais le chemin parcouru relève déjà du miracle. Ici, sur ces terres australes se croisent le premier et le tiers monde, la plus grande richesse et la plus terrible pauvreté. Ici se croisent les couleurs de peau. Ici se construit, sur un passé tragique, une expérience unique de démocratie multiraciale. Un exemple pour le reste du monde, dans une époque marquée par les conflits ethniques et religieux.

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