Nous sommes tous des bâtards…

Les différences entre populations existent, mais il n’y a pas d’ADN grec ou de gène italien.

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Un célèbre généticien s’est penché sur mon ADN, et devinez quoi ? Il se trouve que je suis africain-américain ! Les mitochondries présentes dans mes cellules prouvent que je descends d’une aïeule qui vivait en Afrique, certainement en Éthiopie ou au Kenya.
OK, cela se passait il y a 70 000 ans, et il semble que cette aïeule est l’ancêtre commun de tous les Asiatiques et de tous les Caucasiens. Néanmoins, ce genre d’analyses de l’ADN éclaire le débat scientifique qui fait rage autour de la notion de race. « Il n’existe aucun fondement génétique qui justifie une classification ethnique ou raciale », affirme Bryan Sykes, le généticien d’Oxford auteur des Sept Filles d’Eve. « On me demande souvent s’il existe un ADN grec ou un gène italien, mais, bien sûr, il n’y en a pas… Nous sommes très proches les uns des autres. »
De même, The New England Journal of Medicine a un jour publié un éditorial affirmant que « le terme de race n’a biologiquement aucun sens ».
Parlons de moi. Sykes a observé une séquence de mon ADN mitochondrial pour me situer sur une sorte d’arbre généalogique global. Il aurait été agréable d’apprendre que mes ancêtres étaient originaires d’un petit village de pêcheurs près du Loch Ness (en Écosse), mais l’ascendance ne peut pas être déterminée de manière aussi précise, et il se trouve que je suis un bâtard. Une de mes « variantes », par exemple, est répandue en Finlande, en Pologne, en Arménie, aux Pays-Bas, en Écosse, en Israël, en Allemagne et en Norvège.
Peut-on pour autant dire que la race est « biologiquement insignifiante » ? Le sectarisme a été tellement destructeur qu’il est tentant de critiquer le caractère artificiel de cette notion, alors qu’il existe de véritables différences entre les populations. Les Juifs sont plus prédisposés à la maladie de Tay-Sachs, les Africains à l’anémie falciforme. Il est difficile d’affirmer que l’ethnie est un faux concept quand une mutation génétique entraînant une carence en fer, l’hémochromatose, affecte moins de 1 % des Arméniens, mais 8 % des Norvégiens.
« L’autocatégorisation en race ou en ethnie a une grande valeur » pour la médecine, écrivait l’année dernière un généticien de Stanford, Neil Risch, spécialiste en biologie du génome. Il mettait en garde contre le fait « d’ignorer nos différences, même avec les meilleures intentions du monde ».
L’ADN tend à se différencier, très légèrement, avec les races. Les « enquêteurs » pensaient récemment qu’un serial killer sévissant en Louisiane était blanc, jusqu’à ce qu’une analyse de son ADN indique qu’il était probablement noir – un homme noir a été arrêté dans le cadre de l’enquête. Au fur et à mesure que la génétique progresse, la police devrait finalement être capable de récupérer du sperme et d’émettre une annonce APB (American Police Beat) pour rechercher un violeur grand, blanc, portant des cheveux roux, bouclés, avec des yeux bleus et, peut-être, un prénom écossais.
Il est vrai aussi que des marqueurs génétiques associés aux Africains peuvent apparaître chez des personnes a priori blanches. Les Indiens et les Pakistanais ont beau avoir une peau foncée, leurs marqueurs génétiques montrent qu’ils sont caucasiens. Autre complication : les Africains-Américains sont, en moyenne, à 17 % blancs. Ils ont des mitochondries (héritées de leurs mères) africaines, mais ils possèdent souvent des chromosomes Y européens. En d’autres termes, des Blancs ont violé ou séduit leurs aïeules.
« La recherche génétique est sur le point de mettre un terme à notre mésaventure avec l’idée de race », écrit Steves Olson dans son nouveau livre Géographie de l’histoire humaine.
Quand je vivais au Japon dans les années 1990, mon fils Gregory avait un rendez-vous de jeu avec un camarade de classe que je n’avais jamais rencontré. J’ai demandé à Gregory, alors âgé de cinq ans, si la mère du garçon était Japonaise.
– Je ne sais pas, m’a-t-il répondu.
– Mais, lui ai-je demandé sèchement, a-t-elle l’air américaine ou japonaise ?
Bien qu’ayant vécu depuis sa naissance à Tokyo, Gregory répondit franchement :
– À quoi ressemble une Japonaise ?
Il était en avance sur son temps. La génétique montre aujourd’hui que les distinctions raciales et ethniques sont réelles – mais souvent vagues et exagérées. La génétique montrera bientôt que la plupart des humains sont des métis, ce qui rendra le racisme ridicule.
« Il existe des distinctions significatives entre les groupes qui peuvent avoir des implications quant à la prédisposition à certaines maladies », déclare Harry Ostrer, un expert en génétique de l’université de médecine de New York. « La version « de droite » de cela, c’est la courbe de Bell, de la pseudo-science. Mais on peut trouver un juste milieu entre le politiquement correct de la gauche et l’étroitesse de vue de la droite. »

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