Nelson Mandela : l’image et la réalité

La traduction de la biographie autorisée du leader sud-africain par Antony Sampson NelsonMandela, la victoire, d’où est tiré cet extrait, accompagne le numéro 2 de « La Revue de l’intelligent ». On y suit pas à pas le parcours de Mandela, de sa sortie d

Publié le 23 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Quel sera l’héritage de Mandela ? Son image est éblouissante, mais qu’a-t-il vraiment changé ? Sans lui, la réconciliation sera-t-elle durable ? Il lui fallait créer sa propre mythologie pour relever le défi d’un régime raciste, car il était confronté à des mythes puissants : l’infériorité noire, l’invincibilité blanche et l’incompatibilité entre les races. Il lui fallait insuffler de la confiance à un peuple qui avait été conditionné à la soumission, et personnifier la dignité africaine et le respect de soi. Il le fit avec panache. Face à un tribunal entièrement composé de Blancs, arc-bouté sur la lettre de la loi, il se présenta délibérément revêtu de ses insignes tribaux, « porteur de l’histoire,
de la culture et de l’héritage de mon peuple ».
Pendant la plus grande partie de sa présidence, Mandela s’est plus voulu un chef d’État représentatif qu’un responsable direct de la gestion du pays. Mais il y avait une contradiction dans ce qu’on attendait de lui : utiliser à plein son autorité personnelle, mais aussi instaurer une tradition démocratique dans le cadre de laquelle aucun leader ne pourrait prédominer.
En tant que chef de l’État, Mandela avait une priorité évidente : consolider la nouvelle nation, sauvegarder son unité et la transformer en une démocratie multiraciale dans laquelle tous les citoyens pourraient vivre en paix. Il savait que, sans cette paix, tous
ses efforts pour améliorer la machinerie du gouvernement et développer l’économie seraient vains ; et les terribles guerres civiles qui sévissaient dans des pays voisins comme l’Angola et le Congo constituaient de dangereuses mises en garde. Il était qualifié
comme nul autre pour cette mission de bâtisseur de la nation après son extraordinaire parcours. Il avait un lien personnel avec les communautés très différentes qu’il avait connues au cours de ses quatre-vingts années d’existence : les membres des tribus rivales, les travailleurs des mines et les citadins combinards, les nationalistes africains et les combattants de la liberté, les camarades indiens et blancs, les gardiens afrikaners, les grands patrons internationaux et les chefs d’État.
Mandela avait appris à la dure les difficultés de la réconciliation et il avait vu à
quel point le pays avait été proche du bain de sang. Il ne croyait pas, comme beaucoup
d’idéalistes de gauche, que les membres des différentes races renonceraient facilement à leurs liens communautaires pour s’intégrer à une société non raciale insensible à la couleur de la peau. Mais il avait évolué depuis le nationalisme africain exclusif de ses débuts et pouvait travailler étroitement avec ses collègues blancs et indiens en leur faisant totalement confiance. En prison, il avait vu comment les Afrikaners pouvaient être retournés à 180 degrés, comme il disait, et comment des gens qui ne supportaient
pas le contact d’une peau noire pouvaient être rassurés par une poignée de main. Riche de cette expérience personnelle, il avait plus que nul autre la capacité de constituer un « cabinet arc-en-ciel » qui fut l’un des rares gouvernements multiraciaux de monde. Il était au-dessus de la race.
L’histoire de Mandela s’identifiait à l’histoire de son pays. On lui avait raconté dans son enfance les humiliations qu’avaient subies sa tribu avant que la nation sud-africaine l’union entre les Afrikaners et les anglophones ne fût créée, huit ans seulement avant sa naissance, et ne devînt une démocratie d’où les Africains étaient exclus. Il avait connu la montée et la chute de l’apartheid et vu comment le système
pesait sur les attitudes et la vie de la population. En tant que président, il avait connu la persistance des préjugés de l’apartheid et déploré la persistance des forteresses du racisme dans l’armée, l’économie ou les médias. Mais son expérience l’avait convaincu que la réconciliation était possible. Il était le refondateur d’une nation qu’il marquerait du sceau de la tolérance et de la coopération raciales aussi fortement que ses prédécesseurs l’avaient marquée de l’intolérance et de la ségrégation.

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