Liberté retrouvée

Une initiative de l’Organisation internationale pour les migrations a permis le retour dans leurs familles de près de deux cents enfants ghanéens.

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Ils sont presque deux mille sur les rives du lac Volta, au Ghana. Les cheveux pleins de poussière et le regard dur, les mains encombrées de vieux filets de pêche et le sourire absent, ces enfants travaillent dans des conditions dangereuses pour des pêcheurs qui les ont achetés et en ont fait des esclaves. Il n’existe aucun moyen de s’échapper. Et quand bien même affronteraient-ils l’autorité de leurs maîtres, où iraient-ils ? La plupart, amenés ici à l’âge de 4 ou 5 ans, ne savent pas d’où ils viennent.
Le 11 septembre, cent enfants-esclaves ont pourtant été rendus à leurs familles. Une semaine plus tard, soixante-treize autres ont quitté le centre de transit mis en place par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui permet d’accueillir et de soigner ces enfants avant de les renvoyer chez eux. Cette opération, débutée il y a un an, semble porter ses fruits grâce à la coopération des ONG locales, du gouvernement ghanéen et du chef traditionnel de la région de Yeji, au centre du pays. Seul objectif, lutter contre l’esclavagisme des enfants. L’Unicef estime à 200 000 le nombre de gamins vendus chaque année en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Principale raison de ce « commerce » : la pauvreté. Sans ressource, les familles trouvent souvent opportun de gagner entre 130 et 160 euros et de perdre une bouche à nourrir contre les promesses d’un trafiquant qui leur assure que les enfants seront emmenés vers des jours meilleurs et une bonne éducation. « La majorité des familles ne connaît pas, quand ils les vendent, l’avenir promis à leurs enfants, explique Beth Herzfeld, d’Anti-Slavery International, une ONG qui lutte contre l’esclavage. D’où l’importance d’une médiatisation du phénomène et d’une prise de conscience des gouvernements. » D’autant plus que le placement des enfants dans d’autres familles moins pauvres est une tradition au Ghana. Mais de solidaire, cette coutume a été dévoyée et corrompue.
De l’autre côté de la barrière, les pêcheurs ghanéens investissent dans l’achat de gamins pour pallier leur mauvais équipement et économiser le salaire d’un adulte. Cette constatation a mené l’OIM à tenter de libérer les enfants du lac Volta de concert avec les « maîtres-esclaves ». En leur donnant, en échange des libérations, de nouveaux équipements ou une formation technique les orientant vers un autre métier, l’OIM est parvenue à éviter le « rachat » d’enfants. Car avec la somme, « les maîtres-esclaves s’en seraient immédiatement procuré d’autres, explique Jean-Philippe Chauzy de l’OIM. Mieux vaut les aider à augmenter leur productivité ou à exercer un autre métier que celui de pêcheur dans une région où le poisson se fait de plus en plus rare. »
Aucune punition, donc, pour ces contrevenants à la Convention contre l’esclavage. « Le problème, explique Beth Herzfeld, c’est que, même si ces pays ont ratifié les conventions internationales, ils n’ont pas encore adapté leurs lois, ou ne les mettent pas en application. » Le programme de l’OIM est certes une goutte d’eau dans un désert de non-droit. Mais « la perception a changé en un an, assure Chauzy. Au moins, on en parle. Un travail de sensibilisation à l’échelle nationale devrait être entrepris par les autorités ghanéennes. »
Retrouver les parents n’a pas été non plus chose aisée. Après avoir pris des photos des enfants et s’être renseignée auprès de leurs « maîtres », l’OIM a parcouru le pays pour montrer les clichés. Environ un millier d’enfants ont été identifiés par leurs familles. Il fallait ensuite s’assurer qu’ils n’apparaîtraient pas, dès leur retour, comme un fardeau à porter pour les familles. L’OIM leur a donc proposé des microcrédits, à hauteur de 350 dollars, afin de garantir à l’enfant une scolarisation ou, pour les plus âgés, l’apprentissage d’un métier.
Aux portes du centre de transit, les 173 enfants qui ont quitté les rives du lac Volta étaient impatients. Ils ne se levaient plus à 5 heures du matin pour travailler. Ils disaient avoir envie d’aller à l’école. Considérés perdus, comme tant d’autres avant, ils pourront peut-être apprendre un métier. Et gagner un salaire.

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