Kaboul aux mains des talibans

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Il est des nuits plus dangereuses que les jours. En Afghanistan, à Kaboul, assiégé depuis quatre ans, celle du 26 au 27 septembre 1996 l’est particulièrement. Pourtant, tout est calme. Rien qui rappelle les combats furieux des jours précédents. Nul coup de feu, plus une lumière, aucun bruit. Juste, de temps en temps, le vrombissement d’un camion. Pourtant, des hommes investissent les rues désertes de la capitale. Ils en occupent les bâtiments officiels, se postent aux carrefours, mettent en place des barrages, font des prisonniers. Ils tuent aussi. Ainsi, le dernier président du régime communiste, sous la protection des Nations unies depuis 1992, est exécuté de plusieurs balles dans la tête. Son cadavre est ensuite pendu à un réverbère, ainsi que celui de son frère, pour être vu par toute la population. Au matin, le monde découvre que Kaboul est tombé. Après neuf ans de combats acharnés contre l’URSS puis des années de guerre civile, un nouveau pouvoir s’est rendu maître des deux tiers du pays. La planète doit apprendre un nouveau vocable : « les talibans », qui est le pluriel de taleb et qui signifie « étudiants en religion », plus précisément en écriture sainte et en droit coranique. « Les talibans sont entrés dans la ville calmement comme les Khmers rouges dans Phnom Penh », dira un porte-parole de la Croix-Rouge.

S’ils sont vainqueurs, les talibans ne sont toutefois apparus sur le devant de la scène que deux ans auparavant. Essentiellement originaires de la communauté pachtoune, ils ont souvent été formés dans les écoles théologiques du Pakistan. À l’automne 1994, ils quittent leurs madrasas pakistanaises pour revenir dans leur pays. Sous la conduite de leur chef, Mollah Omar, ils sont souvent accueillis en libérateurs par une population pachtoune exaspérée par les exactions des « seigneurs de guerre ». Ces troupes, dès qu’elles entrent dans la lutte armée, surprennent tant elles sont bien équipées, au contraire des autres factions qui s’affrontent : blindés, hélicoptères, avions de chasse, moyens de communication ultramodernes. Ce qui explique leur percée foudroyante : elles prennent très vite la ville de Kandahar et conquièrent en quelques mois le Sud et l’Est afghan.
En fait, le mystère de leur puissance n’en est pas un. Le Pakistan les a armées et les soutient quasi ouvertement. Mais il n’a pas décidé seul de sa ligne de conduite. Car derrière ce pays se profilent les États-Unis. Eux visent un triple objectif : isoler le régime iranien et contenir son influence ; affaiblir durablement la Russie qui, en dépit de ses revers, conserve un crédit dans la région ; être présent dans les Républiques d’Asie centrale, tel le Turkménistan, qui possèdent des réserves énergétiques considérables comme le gaz et, dans une moindre mesure, le pétrole. Aussi, Washington, soucieux de ne pas se désintéresser de l’Afghanistan, fait le pari des intégristes talibans. Et souvent, on peut voir d’étranges « conseillers » américains suivre les combats qui ensanglantent « le pays de l’insolence ». Les États-Unis ne se doutent pas alors qu’ils jouent avec le feu et que leurs amis d’aujourd’hui seront leurs ennemis de demain. D’ailleurs, entre autres déclarations favorables, ils jurent que le mouvement taliban est plus « antimoderne » qu’« antioccidental ».

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Les talibans ne cachent pourtant guère leurs intentions. Dès le lendemain de leur prise de Kaboul, ils font régner leur ordre : les coupables d’adultère sont menacés de lapidation ; les femmes n’ont plus le droit de travailler et doivent sortir voilées de pied en cap. Quant aux hommes, le port de la barbe leur est désormais obligatoire.

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