Big Sister

Publié le 22 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Après cent six jours de « séquestration », Cherise la Zambienne a été désignée, le 6 septembre, gagnante de la troisième édition du Big Brother africain. Cette longue aventure télévisuelle avait débuté le 24 mai dernier avec douze jeunes du continent, dont un Ougandais, un Angolais, un Ghanéen, un Sud-Africain… Enfermés dans une villa près de Johannesburg, ils étaient filmés 24 heures sur 24 par une vingtaine de caméras. Tandis que Cherise empochait 100 000 dollars, les responsables de la chaîne privée sud-africaine M-Net, coproductrice de ce reality show, se frottaient les mains : diffusé dans quarante-deux pays, ce programme a été suivi avec ferveur par près de 20 millions de téléspectateurs, pris d’une fièvre patriotique inédite. Le phénomène a pris tant d’ampleur que les autorités de la Namibie, du Malawi et du Nigeria ont cru bon de s’insurger contre « l’immoralité » et l’indécence de certaines scènes quotidiennes, filmées sous la douche, dans la piscine ou dans la chambre… Preuve que la vision des productions exportées par l’Afrique du Sud sont loin de faire l’unanimité.

Pourtant, la superpuissance économique et militaire du continent endosse, depuis près de dix ans déjà, le rôle de leader « éclairé », porte-étendard des valeurs occidentales. Pour les Américains et les Européens, la « nation arc-en-ciel » bénéficie d’un statut unique : grâce à son héritage « blanc » de nation noire en devenir, elle est un pays « moderne » et jouit d’une stature internationale. Tel pourrait être le premier paradoxe du modèle de « renaissance africaine » défendu par Thabo Mbeki. Alors qu’elle cherche à retrouver son « africanité », longtemps niée par des années d’apartheid, l’Afrique du Sud défend, pour elle-même et pour le reste du continent, un modèle économique libéral censé relier tout un chacun au train de la mondialisation. La puissance sud-africaine repose ainsi sur le savant système des vases communicants : elle a besoin que la sous-région soit stable et se développe – grâce, notamment, à l’injection de ses propres capitaux – pour que les opérateurs étrangers investissent sur son sol. Dans le même temps, la politique étrangère de Pretoria a toujours été soutenue – voire inspirée – par les États-Unis et la Grande-Bretagne, désireux de préserver leurs propres intérêts. Pretoria a bien tenté de s’abriter derrière le paravent de l’Union africaine pour tempérer son image négative de puissance hégémonique, mais l’illusion n’a pas duré longtemps.
De son engagement dans la région des Grands Lacs, le bilan reste assez mitigé. Au Burundi, quelque 1 600 éléments sud-africains de la force de maintien de la paix sont arrivés sur le terrain (sur les 3 000 Africains attendus), mais les violences se poursuivent et les opérations de cantonnement tardent à se mettre en place. Dans la crise congolaise, en revanche, Thabo Mbeki a joué un rôle prépondérant : il a présidé à la signature d’un accord entre les présidents rwandais et congolais, à Pretoria le 30 juillet 2002, et entre les différentes parties congolaises, avec la clôture du Dialogue intercongolais à Sun City en avril 2003. Reste que ces signatures couronnent un jeu politique assez trouble : tout au long du conflit, l’Afrique du Sud a soutenu tour à tour les différents belligérants (l’Ouganda, le Rwanda, la RD Congo), mais aussi le Zimbabwe, fortement impliqué en faveur de Joseph Kabila. Le soutien ambigu de Mbeki à son voisin Robert Mugabe s’explique tout autant d’un point de vue économique – le Zimbabwe reste un partenaire commercial majeur – que diplomatique. Un soutien que les États-Unis lui ont reproché et qui s’est traduit par un rapprochement de Washington avec l’Angola, autre puissance militaire, mais surtout pétrolière, de la zone.

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Dans cette très subtile lutte d’influence, Pretoria conserve toutefois un atout maître dans son jeu, celui d’une véritable puissance régionale : son Produit intérieur brut (PIB) représente environ le tiers de celui de l’Afrique subsaharienne, et elle est encore la première nation exportatrice du continent. D’ailleurs, George W. Bush, qui rêve de renforcer le leadership américain en s’appuyant sur l’axe Lagos-Pretoria, n’a pas manqué de faire étape le 9 juillet dans la capitale sud-africaine. Tant que l’Afrique du Sud restera compétitive sur le plan économique, elle restera dans la course diplomatique.

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