[Édito] Idriss Déby Itno, seul maître à bord

Quittera-t-il un jour l’attitude martiale du général en chef ? Abandonnera-t-il la posture du soldat qui se dresse, encore et toujours, aux frontières d’un pays dont il a fait de la stabilité son slogan politique depuis trois décennies ?

Idriss Déby Itno, le président tchadien, 18 janvier 2017 au palais présidentiel. © Vincent Fournier/JA

Idriss Déby Itno, le président tchadien, 18 janvier 2017 au palais présidentiel. © Vincent Fournier/JA

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  • Mathieu Olivier

    Rédacteur en chef adjoint pour l’Afrique centrale. Journaliste politique et d’investigation, spécialiste notamment du Cameroun et de la Centrafrique, il s’intéresse aussi à la politique de la Russie en Afrique.

Publié le 16 septembre 2019 Lecture : 2 minutes.

Interview d’Idriss Déby Itno, président de la République tchadienne, par François Soudan (Jeune Afrique), le 5 juillet 2012, à N’djamena (Tchad). © Vincent Fournier/JA © Vincent Fournier/JA
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Tchad : les lignes de front d’Idriss Déby Itno

La crise financière semble surmontée. La sécurité restaurée. Le jeu démocratique devrait pouvoir reprendre pleinement ses droits. Premier test électoral depuis l’instauration, à la mi-2018, de la IVe République et du « régime présidentiel intégral » : les législatives prévues pour la fin de l’année.

Sommaire

Le 18 août, alors qu’il décrétait l’état d’urgence dans le Ouaddaï et le Sila, régions frontalières du Soudan, Idriss Déby Itno n’a guère laissé place au doute. « Après trois tirs de sommation, si l’individu n’obtempère pas, il faut le tuer, a-t-il lancé, droit dans ses bottes.

Sans Premier ministre depuis l’avènement de la IVe République, en mai 2018, le chef de l’État – qui joue allègrement des remaniements ministériels au point que peu s’y retrouvent dans l’annuaire des anciens ou actuels ministres – se pose comme le seul véritable maître du jeu tchadien.

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Pions familiaux

Dans chaque crise régionale, il a placé ses pions, souvent familiaux, pour que rien ne puisse se faire sans lui. En Centrafrique, il entretient sa proximité avec certains chefs de groupes armés et n’accorde qu’une confiance fort modérée au président Faustin-Archange Touadéra.

Au Mali, il joue la carte de l’ONU, certes coûteuse en hommes, et du G5 Sahel, pièce maîtresse de la bonne relation qu’il entretient avec la diplomatie et les renseignements français. Au Soudan, il s’est rapproché des nouveaux tenants du pouvoir, côté militaire, depuis la chute d’Omar el-Béchir en avril dernier.

Quant à la Libye, il la surveille de près, soutenant le maréchal Khalifa Haftar et s’alignant sur la position de son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi (par ailleurs président en exercice de l’Union africaine), et sur celle des puissances du Golfe (Arabie saoudite et Émirats arabes unis en tête, dont il convoite les investissements).

Comme un capitaine de vaisseau amoureux des tempêtes, Idriss Déby Itno a su tisser une toile dont la solidité ne se révèle que par gros temps. Mais la stratégie ne tient pourtant qu’à un fil. Aux frontières avec le Soudan, la communauté zaghawa, dont il est issu, ne peut cacher ses divisions internes – sur lesquelles tentent d’ailleurs de jouer certains rebelles, comme Timan Erdimi, neveu du chef de l’État.

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Plus au nord-est, aux abords de la Libye, le Tibesti est en rébellion quasi ouverte autour, notamment, de Miski, où les communautés touboues rejettent une à une les approches – plus ou moins musclées – du pouvoir central. Le capitaine Déby Itno est habile, certes, mais le navire craque.

Troisième voie

D’autant que, à N’Djamena, beaucoup croient en un vent nouveau, celui d’une troisième voie qui viendrait balayer la vieille garde, tant du côté du pouvoir en place que de l’opposition. Ceux-ci appellent à un changement de leadership. Ceux-là à un dialogue national. Beaucoup à l’avènement d’une nouvelle génération.

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Tous, enfin, sourient lorsqu’on évoque la sacro-sainte stabilité, si chère à Idriss Déby Itno. Elle n’est, expliquent-ils, qu’une façon pour le pouvoir en place de se maintenir au sommet et de capter les richesses à son profit.

Que vaut la stabilité, se demandent-ils, lorsque la pénurie est un quotidien et que l’alimentation, la santé ou l’éducation ne sont pas au rendez-vous ? Le regard tourné vers les crises à ses frontières, Idriss Déby Itno n’en entend sans doute pas moins ces interrogations. Peut-il y répondre ?

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