Solidaires par la chanson

Quand une pléiade d’artistes prestigieux se mobilise pour aider les familles des victimes africaines des incendies d’immeubles parisiens en 2005.

Publié le 22 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Bien sûr, il aurait voulu en faire plus, Axel Nyam. Réunir plus de musiciens, trouver plus d’argent, tourner un clip Mais bon, finalement, Frères de cendre a pu sortir à temps. C’est déjà ça. Le 18 avril, le disque était dans les bacs. Un an, presque jour pour jour, après l’incendie du Paris-Opéra. Un hôtel insalubre dans lequel ont péri vingt-quatre personnes le 15 avril 2005. Toutes d’origine africaine.
Au cours des mois qui ont suivi, trois autres incendies d’immeubles en déshérence ont alourdi le bilan, faisant quarante-huit morts en tout, dont plus de vingt enfants. Ceux du 20, boulevard Vincent-Auriol, dans le 13e arrondissement de Paris, un immeuble parti en fumée le 25 août 2005, Axel les connaissait presque tous. Sa mère habite juste à côté. Il leur disait bonjour, discutait avec les enfants Alors, quand il entend dire qu’il fait tout ça pour se mettre en avant, ça le rend triste. Mais ça ne l’empêche pas d’avancer. « Ce que nous voulons, c’est lutter contre l’oubli, rendre hommage aux victimes et venir en aide aux familles. » Et aussi exprimer sa colère, comme le rappeur Stomy Bugsy, qui écrit : « J’accuse l’État de fermer les yeux sur ces réalités. Mais quoi qu’il en soit, même les yeux fermés et les oreilles bouchées, rien ne pourra les empêcher de respirer l’odeur des corps calcinés »
« Si on vend 6 000 exemplaires de Frères de cendre, ajoute Axel, on pourra verser près de 25 000 euros aux familles. Sous contrôle d’huissier, précise-t-il, et en collaboration avec les associations de victimes. Mais on n’en est pas encore là »
C’est vrai qu’il a encore du pain sur la planche, ce Camerounais de 27 ans au physique de basketteur américain. Depuis sept mois, pourtant, il ne chôme pas. Après avoir créé, à Londres, le label Eklektik Sound pour lancer le projet, il lui a fallu convaincre beaucoup de monde. Agents d’artistes, musiciens, maison de disques, etc. Affrontant à chaque fois le scepticisme affiché de ses interlocuteurs. Ce sont les rappeurs qui ont répondu présent en premier : Stomy Bugsy, Hamed Daye, Saïan Supa Crew, Mystik, pour ne citer qu’eux. Puis d’autres chanteurs ont rejoint le collectif. Comme Jacob Desvarieux, Amadou et Mariam, les Nubians, Ali Angel ou Pierpoljak. « Bugsy a beaucoup aidé, raconte Axel, il nous a ouvert son agenda. Grâce à lui, on a pu contacter beaucoup de monde. » Le comédien français Gérard Lanvin aussi s’est impliqué pour soutenir le projet. Tout comme Bruno Solo, Manu Dibango et Yannick Noah.
In fine, c’est la maison de disques Lusafrica qui a donné le coup de pouce décisif. « En mettant à notre disposition son studio d’enregistrement, et en prenant en charge la fabrication, elle nous a ouvert les portes de Sony pour la distribution. « Sans cela, le projet était mort », conclut Axel. Pour la promotion du disque, c’est la championne de basket Paoline Ekambi, elle aussi d’origine camerounaise, qui a pris la direction des opérations. Reste à souhaiter que son dynamisme olympique, allié au talent des chanteurs, permette d’écouler très vite les 6 000 exemplaires actuellement dans les bacs. Et d’en fabriquer quelques milliers de plus.
Sur le plan musical, en tout cas, beaucoup de monde y trouve son compte. « Frères de cendre », le titre phare dont la musique a été écrite par Brian « Haze » Heard, est décliné de quatre manières différentes, dont une street version à la tonalité rap. Mais les artistes Manu Key, Kery James, Blacko, Teofilo Chantre, Sally Nyolo, Jacob Desvarieux, Meiway, Hamed Daye&Tippa Irie ont également cédé quelques titres. Ce qui permet d’élargir l’ensemble au reggae, à la bossa, au R’n’B, au hip-hop, et même au plus pur style camerounais, avec Sally Nyolo.

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