Léonard Wantchékon : « En Afrique, la Chine a pris les devants sur les États-Unis »

Léonard Wantchékon, économiste béninois, professeur à l’université de Princeton (New Jersey), a créé l’African School of Economy (ASE, École africaine d’économie), avec l’ambition de former les futures élites économiques du continent. Il répond aux questions de « Jeune Afrique » sur l’évolution des relations économiques entre les États-Unis et les pays africains.

Le professeur Wantchékon a créé l’African School of Economy (ASE) qui doit ouvrir ses portes à la rentrée scolaire 2014. © Pascal Périch pour JA

Le professeur Wantchékon a créé l’African School of Economy (ASE) qui doit ouvrir ses portes à la rentrée scolaire 2014. © Pascal Périch pour JA

Publié le 15 juillet 2014 Lecture : 3 minutes.

Après des études supérieures au Bénin, au Canada et aux États-Unis, l’économiste béninois Leonard Wantchékon (58 ans) a notamment enseigné à Yale, de 1995 à 2000, et est désormais professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Princeton (New Jersey). Il a créé l’African School of Economy (ASE, École africaine d’économie). Basée à Abomey, près de Cotonou, elle va accueillir ses premiers étudiants en septembre. Son ambition : former les futures élites économiques du continent.

Propos recueillis par Jean-Eric Boulin

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Jeune Afrique : Que dire de l’évolution des relations économiques entre les États-Unis et les pays africains ?

Léonard Wantchékon : Elle est relativement stable. Depuis l’établissement de l’AGOA [l’African Growth and Opportunity Act, loi qui facilite l’accès des pays africains au marché américain, NDLR], en 2000, le volume des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique a crû régulièrement, mais il reste nettement inférieur au volume des échanges entre le continent et la Chine, ou même l’Inde. Surtout si l’on fait abstraction des importations américaines de minerais et de pétrole.

Il y a un vrai problème de diversité sectorielle et géographique dans les échanges économiques entre l’Afrique et les États-Unis.

Les rapports économiques se limitent encore quasi-exclusivement aux grands pays pétroliers et miniers, comme le Nigeria, l’Angola, l’Afrique du Sud, et, sur le plan régional, à l’Afrique orientale et australe. Il y a donc un vrai problème de diversité sectorielle et géographique. Ce dont l’Afrique a le plus besoin aujourd’hui, c’est d’investissements dans le domaine des infrastructures et de l’énergie. Or, sur ce plan, la Chine semble avoir pris les devants.

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Les États-Unis commencent cependant à s’intéresser aux pays francophones?

Ils restent beaucoup plus impliqués dans les pays anglophones, même si l’écart se réduit. Il y a d’abord l’obstacle de la langue et de l’héritage colonial, mais aussi un manque global d’information, aux États-Unis, sur les opportunités d’investissement dans les pays francophones. Par exemple, le Bénin et Madagascar présentent un potentiel touristique qui pourrait attirer les grandes enseignes hôtelières américaines, comme Mariott et Sheraton.

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Mais les Américains ont une approche originale dans leur appui au développement, où les entreprises privées jouent un rôle de premier plan…

C’est vrai. Certains programmes du gouvernement fédéral américain, comme le Millenium Challenge Account [MCA], visent surtout à améliorer le climat des affaires pour les privés et à renforcer l’État de droit. Sur le long terme, c’est une approche bénéfique. Sans une bonne gouvernance économique et politique, allant de pair avec la promotion des valeurs démocratiques et la réduction de la corruption, il ne peut en effet y avoir de développement durable. Mais certains investissements, notamment dans les infrastructures, ont besoin d’une forte implication des gouvernements.

Quelles sont les différences majeures entre la stratégie de la Chine et celle des États-Unis à l’égard des pays africains ?

La Chine a une approche plus centralisée, coordonnée et, surtout, concentrée sur le secteur des infrastructures, notamment en Afrique de l’Est. Les Chinois ne prennent pas en considération la bonne gouvernance politique ou le respect des droits de l’homme comme un préalable à l’engagement économique. Ils investissent énormément, même dans des pays très mal classés du point de vue du climat des affaires. Les Américains, eux, sont beaucoup plus sélectifs, plus prudents dans leurs rapports économiques avec l’Afrique.

L’école que vous avez créée au Bénin, l’African School of Economy (ASE), est-elle opérationnelle ?

On y est presque. L’ASE ouvrira ses portes officiellement le 4 septembre prochain, avec 119 étudiants originaires de 19 pays du continent, 6 professeurs permanents et 10 professeurs en mission, venus des meilleures universités américaines, canadiennes et européennes. Le projet académique est bien lancé, mais il y a du retard dans la construction du campus. Donc les cours démarreront sur un campus provisoire, situé à 1 km de celui de l’Université d’Abomey-Calavi, près de Cotonou.

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