Pauvre Castro !

Le Líder Máximo réplique vertement aux affirmations du magazine Forbes estimant sa fortune personnelle à 900 millions de dollars.

Publié le 22 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

« Toute ma fortune tient dans la poche de votre chemise, Monsieur Bush ! » Il était vert de rage, le Líder Máximo, le 16 mai : pendant quatre heures et trente minutes – montre en main – d’une édition spéciale à la télévision nationale, Fidel Castro s’est défendu comme un beau diable contre les assertions du magazine américain Forbes lui attribuant une fortune personnelle de 900 millions de dollars. En 2005, le magazine lui avait déjà « prêté » 550 millions de dollars et en 2004, 150 millions.
Forbes publie, chaque année, un palmarès des plus grandes fortunes du monde que survolent, de très loin, les milliardaires Bill Gates, fondateur de Microsoft (50 milliards de dollars), et Warren Buffet (42 milliards). Le palmarès dans lequel prend place Castro est réservé aux dirigeants, présidents élus, dictateurs ou têtes couronnées. Le classement 2006 est le suivant : premier, le roi Abdallah d’Arabie saoudite (21 milliards de dollars), talonné par le sultan de Brunei Hassanal Bolkiah (20 milliards) et par le président des Émirats arabes unis Cheikh Khalifa Ibn Zayed al-Nahyane (19 milliards) ; ils ont distancé les 14 milliards du dirigeant de Dubaï, Cheikh Mohamed Ibn Rached al-Maktoum. La cinquième place est occupée par le prince Hans-Adam, du Liechtenstein, avec 4 milliards de dollars, suivi par Albert de Monaco, avec 1 milliard. Castro pointerait donc en septième position avec 900 misérables millions de dollars, devançant le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema (800 millions), la reine Élisabeth II d’Angleterre (500 millions) et la reine Béatrix des Pays-Bas (270 millions).
Parmi les institutions qui draineraient vers le Líder ces millions de dollars, Forbes cite El Palacio de Convenciones, un centre de congrès, mais aussi l’entreprise publique Cimex, qui détient le monopole de l’import-export cubain, et Medicuba, qui commercialise les médicaments et les vaccins à Cuba.
Castro a riposté à ces « infâmes calomnies », lui qui n’est « pas né totalement pauvre », puisque son père « possédait des milliers d’hectares de terres, toutes remises aux paysans, après la victoire de la Révolution ». Assimilant la position de Forbes aux turpitudes des dirigeants américains, il s’en est pris à l’équipe Bush avec une rare vigueur. « S’ils prouvent que j’ai un compte à l’étranger, je renonce à ma charge et aux fonctions que j’exerce, a-t-il grondé. Je défie, en premier lieu, le président Bush, la CIA, les trente-trois organes de renseignements des États-Unis de prouver quoi que ce soit. Et s’ils le prouvent, ils n’auront plus besoin de préparer des plans pour m’abattre, car je leur ferai cadeau de ce qu’ils ont toujours cherché en vain. » La blessure est incontestable ou le comédien hors pair. « Ils me prennent pour Mobutu, l’ancien président du Zaïre, ou pour l’un de ces milliardaires, voleurs ou pillards, que l’empire [américain] a nourris à son sein ! » a-t-il tempêté, affirmant « avoir la nausée » de devoir « se défendre de ces ordures ».
Le ban et l’arrière-ban des responsables cubains avaient été priés de monter sur le plateau de télévision pour soutenir leur patron. Francisco Soberon, président de la Banque centrale cubaine, a évoqué « une action des services de renseignements américains » contre un « dirigeant qui constitue un exemple de dignité et de propreté ». « Dans une économie planifiée comme la nôtre, a-t-il conclu, avec un système bancaire central qui gère la totalité de nos devises, il est totalement impossible qu’un dirigeant puisse disposer de comptes à l’étranger. »
Qui a raison de Forbes ou du Líder Máximo ? Celui-ci est-il riche ou pauvre malgré les Mercedes dans lesquelles il se déplace ? Impossible de le dire tant la confusion est grande dans un régime non démocratique entre les intérêts privés des dirigeants et leur utilisation des moyens publics. Arafat, président de l’Autorité palestinienne, n’avait-il pas la haute main sur 900 millions de dollars venus de nulle part et localisés par le Fonds monétaire international ? Mais, c’est vrai : tant qu’on ne trouvera pas, comme dans le cas d’Abacha le Nigérian ou de Marcos le Philippin, des numéros de comptes à l’étranger, il est exclu de clouer Castro au pilori pour mensonge et vol. Et on n’en trouvera pas.

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