« Nous serons fiers du nouveau visage de Marseille »

Le sénateur-maire Jean-Claude Gaudin parle toujours de sa cité avec passion. Et nourrit de grandes ambitions pour l’avenir.

Publié le 22 mai 2006 Lecture : 4 minutes.

Un charmant petit palais génois qui trône sur le Vieux-Port. Voilà comment apparaît la mairie de Marseille. Un immense drapeau français, un autre représentant les couleurs de l’« Ohème », véritable institution de la ville, ornent sa façade. Jean-Claude Gaudin, sénateur et maire de Marseille (depuis juin 1995), nous reçoit dans ses bureaux. Son style pagnolesque qui doit beaucoup à son accent et à sa voix forte nous met tout de suite à l’aise. Pressé, comme à son habitude, par un emploi du temps démentiel, mais aimable, ce fils de maçon et indéfectible soutien du président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, brosse avec nous le portrait d’une ville qui n’en finit plus de se métamorphoser.

Jeune Afrique : Marseille connaît une profonde mutation. Quel bilan tirez-vous de la décennie écoulée ?
Jean-Claude Gaudin : Dans les années 1990, Marseille perdait 10 000 habitants par an, les industries fermaient les unes après les autres. Depuis maintenant onze ans, nous avons mis fin à cette spirale du déclin. Premier exemple : quand Renaud Muselier [premier adjoint au maire] et moi sommes arrivés à la mairie, le chômage était de 21,6 %. Il est aujourd’hui de 14,5 %. Ensuite, nous avons créé une zone franche, dans le bassin de Saumaty-Séon (quartiers nord de Marseille). C’est un véritable succès qui a favorisé l’installation de quantité d’entreprises, petites, moyennes et grandes. La loi prévoyait l’obligation qu’un emploi sur cinq soit proposé aux gens du quartier. En réalité, ce sont trois emplois sur cinq qui le sont. Nous avons également pu obtenir, à l’époque, du gouvernement Balladur la réalisation d’un chantier d’intérêt national, le seul qui existe en France et qui porte le nom d’« Euroméditerranée ». Nous avons ainsi créé 20 000 emplois privés en l’espace de onze ans.
Il y a aussi eu un changement d’image de la ville. Il a commencé avec la Coupe du monde de football, en 1998. Marseille a profité à plein de l’événement, elle est devenue visible dans le monde entier. Depuis, par exemple, on tourne à peu près cent vingt films par an à Marseille. Et nous exigeons des productions qu’elles fassent travailler nos intermittents du spectacle.
Cette mutation ne va pas sans susciter des critiques. On a l’impression qu’une partie de la population a du mal à se résoudre à cette modernisation
Nos concitoyens voudraient une chose et son contraire. Que le maire réalise, transforme, modernise, qu’il crée des emplois Mais on ne veut surtout pas être concerné ou gêné par le moindre chantier. Quand nous avons amené le TGV jusqu’à Marseille, nous avons rencontré toutes les difficultés du monde pour en établir le tracé. Personne ne voulait que le TGV passe près de chez lui. Aujourd’hui, c’est pareil !
Il nous faut concrétiser notre vision d’avenir et de modernisation sans provoquer de rejet par la population. Le chantier du nouveau tramway exaspère beaucoup de monde, provoque des embouteillages et autres nuisances. Mais cela s’estompera d’ici à un an et demi ou deux ans, et les grands travaux seront derrière nous. Alors, nous serons fiers du nouveau visage de Marseille.
Marseille la rebelle, c’est un cliché ?
Au contraire, c’est un fait historique. Marseille a généralement toujours été opposée au pouvoir central.
La crise des banlieues a relativement épargné votre ville. Pourquoi ?
C’est d’abord dû à sa géographie. Marseille est entourée d’un corset montagneux. Les grandes constructions réalisées dans les années 1960 l’ont été à l’intérieur de la ville, pas à l’extérieur comme je l’ai vu dans de nombreuses agglomérations françaises lorsque j’étais ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ville et de l’Intégration (de 1995 à 1997). Comment voulez-vous que les gens qui vivent aussi loin ne se sentent pas rejetés ?
Il y a de multiples autres raisons. Notamment une vie associative intense, financée par la ville de Marseille et par d’autres collectivités. L’autre élément important, c’est l’Olympique de Marseille. Ce club est un formidable levier d’image et de popularité, un facteur d’intégration. Tout le monde se retrouve régulièrement au stade Vélodrome : les riches, les pauvres, ceux qui travaillent, les chômeurs
Enfin, il existe un sentiment d’appartenance très fort. Ici, on ne dit pas : « Je suis du 93, du 95 ou de Boulogne. » Ici, on est marseillais, et fier de l’être. Je dirais presque qu’on est marseillais avant d’être français. Mais, en tant que maire, et donc représentant de la République, je ne devrais pas vous dire cela…
Marseille, capitale euroméditerranéenne, qu’est-ce que cela signifie à vos yeux ?
Dans les années 1998-1999, quand les hommes politiques ne se rendaient plus à Alger, moi, j’y allais. J’y ai lié, par exemple, des liens d’amitié très étroits avec Chérif Rahmani, qui était à l’époque le maire d’Alger et est aujourd’hui ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. J’ai accompagné Philippe Douste-Blazy il y a quelques semaines, lors de sa visite officielle en Algérie. Marseille est juste en face d’Alger, notre ville jumelle.
Notre communauté musulmane est très importante. En outre, nous sommes une ville où il y a beaucoup de rapatriés d’Afrique du Nord, arrivés après les indépendances. Comment pourrions-nous ne pas tenir compte de tous ces éléments ? Nous avons un rôle à jouer dans cet espace euroméditerranéen et nous le jouons. C’est la Société des eaux de Marseille qui a obtenu le marché de Bab el-Oued. Lors des terribles inondations [novembre 2001], nos ingénieurs et nos techniciens étaient sur place. Ils se sont mis immédiatement au service du gouvernement algérien.
Avec le Maroc, nous avons des liens encore plus anciens. Et nos entreprises travaillent à Meknès, à Fès (assainissement de l’eau), à Casablanca (enlèvement des ordures), etc. Idem avec la Tunisie, même si c’est moins important. Nous développons nos liens avec le Maghreb et continuerons de le faire.

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