L’Égypte revisitée

Plus de cinquante ans après sa publication, le carnet de route d’Étienne Sved accompagné des notes de Jean Cocteau est enfin réédité.

Publié le 22 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Avec Maalesh, Étienne Sved, juif hongrois né en 1914, a inventé le « roman-photo poétique ». Fuyant l’antisémitisme et le nazisme, il s’installe en Égypte en 1938. Il y passe sept ans pendant lesquels il sera tour à tour journaliste, pour Le Progrès égyptien, caricaturiste, notamment pour El Ahram, et photographe. Parcourant le pays à dos d’âne avec son appareil, il ramènera de son séjour oriental des milliers de clichés. Établi à Paris, il se met à exploiter cette formidable matière. Il publie L’Art égyptien en 1951 et L’Égypte face à face, en 1954, avec un texte de Tristan Tzara. Les éditions Le bec en l’air ont aujourd’hui l’excellente idée de rééditer le dernier tome de sa trilogie égyptienne, Maalesh, projet resté inachevé. Les images de Sved y sont accompagnées de citations de Jean Cocteau. À l’inventaire iconographique du photographe viennent se greffer les notes que l’écrivain français a prises lors d’un voyage au Moyen-Orient durant lequel ont été jouées plusieurs de ses pièces. Le texte, publié en 1949, avait reçu un accueil plus que mitigé de la part de la presse française, qui reprochait à Cocteau ses inexactitudes historiques. L’Égypte, de son côté, avait interdit l’ouvrage dès sa parution à cause de la misère qu’il décrivait et qui « ne donnait pas une bonne image du pays ».
La présente édition est inspirée de la maquette conçue en 1950 par Sved, publiée dans son intégralité à la fin du livre. Il aurait été dommage de passer à côté de ce récit de voyage atypique. Les photos de Sved, tout comme les réflexions de Cocteau, sont bien évidemment subjectives et, en effet, totalement dénuées de complaisance. Sved voit. Cocteau raconte. La poussière et le soleil implacable, les hommes qui ploient sous le labeur, les femmes qui portent leurs charges sur la tête. Ou encore le contraste saisissant entre les voitures de luxe et les va-nu-pieds du Caire, vision qui « écrase » le cur du dramaturge français. Mais les deux hommes savent aussi saisir la beauté sous la pauvreté, la noblesse des gestes et le port altier des plus démunis.
Les photographies ont un grain si intense que certaines ressemblent à des tableaux, fixant la beauté grave d’un instant et des hommes comme pétrifiés dans l’histoire millénaire de l’Égypte. Les notes de Cocteau, publiées elles aussi en fin d’ouvrage, mêlent ses sensations égyptiennes à des réflexions sur le théâtre et l’art, tout en épinglant les mondanités de la bonne société cairote. Les deux visions se complètent à merveille. Comme l’écrit dans la préface François Cheval, conservateur du musée Nicéphore-Niépce de Chalon-sur-Saône, dans le centre-est de la France : « L’uvre photographique, en général, supporte assez mal la confrontation avec les grands textes. Étienne Sved fait contre-exemple. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires