[Chronique] Robert Mugabe : un cadavre ballotté

Le lieu de l’inhumation de Robert Mugabe, décédé le 6 septembre, a fait l’objet pendant plusieurs jours de vives tensions entre sa famille et le régime en place. Mais la question concerne également les chefs traditionnels qui demandent toujours une mise en terre au village natal du défunt pour d’impératives traditions mortuaires.

 © Damien Glez

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Publié le 23 septembre 2019 Lecture : 2 minutes.

Le décès du “Vieux Bob” zimbabwéen, le 6 septembre à l’âge de 95 ans, a révélé l’embarras d’une nécrologie tâtonnant entre hagiographie de héros anti-colonialiste et portrait corrosif de despote.

Pourtant, pour les puristes de la tradition, la vie de Robert Mugabe ne doit être observée ni à l’aune d’un XXIe siècle zimbabwéen ubuesque ni dans la perspective de sixties mugabéennes exemplaires. Pour eux, l’ancien président était d’abord une sorte de réincarnation d’un chef rebelle de son ethnie shona : Sekuru Kaguvi, victime des colons britanniques et pendu en 1898.

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Tradition et superstition

À l’heure du deuil de Mugabe, le lien historique avec l’esprit d’un “svikiro” (prophète) rend dérisoires les rancunes politiques des acteurs contemporains qui ne manquent pas de tirer le linceul à eux : l’épouse Grace et le “judas” Emmerson Mnangagwa.

Au moment de choisir le lieu de la sépulture, la querelle n’est pas que symbolique, entre la logique d’un mausolée qui réhabiliterait et le souhait d’une intimité qui cultiverait la rancœur. Alors que la famille aurait fini par accepter le principe d’une inhumation au « Champ des héros » d’Harare – panthéon des vétérans de la « lutte de libération » -, les chefs traditionnels enjoignent toujours une mise en terre au village natal du défunt, Kutama, pour d’impératives traditions mortuaires.

Le régime qui a déboulonné le vieux chef de l’État est-il dépourvu de toute superstition, au point d’enfreindre la tradition ?

Afin de ne pas provoquer l’ire des esprits par la violation de rites tribaux, la dépouille devrait être séchée, les dents extraites, les ongles arrachés, avant d’être enveloppés dans des peaux et enterrée dans une grotte, à l’occasion de cérémonies nocturnes secrètes.

Le régime qui a déboulonné le vieux chef de l’État est-il dépourvu de toute superstition, au point d’enfreindre la tradition ? A l’inverse, le “mausolée” promis sera-t-il, au final, un édifice sans dépouille ?

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Poursuite de l’itinérance du corps de Mugabe

Si le principe d’une inhumation à Harare semble agréé pour l’instant, le temps que nécessite la construction du monument pourrait susciter quelques rebondissements. La famille a précisé que Robert Mugabe avait expressément stipulé que « sa femme (…) ne devait en aucun cas s’éloigner de son cercueil (…) jusqu’à son enterrement ».

Pour l’heure, le corps de feu Bob continue son itinérance qui l’aura mené d’un hôpital singapourien à son ultime demeure, en passant par sa résidence de Borrowdale, le stade de football Rufaro, le cimetière de Harare et le village de Kutama.

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