Une bénédiction pour la Russie

Publié le 22 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Au lendemain de la présidentielle du 14 mars, on est en droit de se demander comment la
Russie va évoluer. Je suis persuadé, pour ma part, que nous allons continuer à progresser,
que ce soit en matière fiscale, commerciale (en vue d’une adhésion à l’Organisation mondiale du commerce), financière ou sociale (avec la restructuration de nos monopoles « naturels »). On voit mal ce qui pourrait venir briser cet élan, du moins à brève échéance.
Certes, tout n’est pas parfait. Notre système politique est loin d’être idéal. Ce qui autorise la plupart des commentateurs à se montrer pessimistes. Mais regardons les faits : les réformes entreprises depuis quatre ans sont quasiment toutes d’inspiration libérale. Le nouveau Premier ministre, Mikhaïl Fradkov, parle deux langues étrangères. Il a vécu à l’étranger et a une grande expérience du commerce international. Le nouveau vice-Premier ministre, Alexandre Joukov, est un économiste libéral. Deux ministres connus pour leurs convictions réformatrices, Alexeï Koudrine et Guerman Gref, restent au gouvernement.
Quant aux leaders des partis libéraux, ils ont beau se presser à Washington pour pleurer une démocratie prétendument défunte, cela ne les empêche nullement d’investir sur le marché russe.

Autre signe de la bonne santé économique du pays : en 2003, les Russes ont acheté 10 % des téléphones portables vendus dans le monde. Le parc automobile connaît une forte croissance, de même que la construction de maisons individuelles. Nos résultats macroéconomiques sont impressionnants. Pour la première fois depuis dix ans, nous bénéficions d’une croissance soutenue ; notre budget est excédentaire et notre dette extérieure sous contrôle, ce qui a favorisé la reprise des investissements.
Tout cela, nous le devons à une relative stabilité politique, à des mesures internes qui portent leurs fruits, notamment en matière fiscale, mais aussi à des facteurs externes, comme le prix du brut. Surtout, pour la première fois en vingt ans, Vladimir Poutine (et non MM. Gorbatchev ou Eltsine !) ose s’attaquer aux vrais problèmes : il a réduit le nombre des portefeuilles ministériels et dénonce des effectifs pléthoriques dans la fonction publique. C’est peut-être peu exaltant, vu de l’extérieur, mais en Russie, c’est du jamais vu.
Quant à la campagne menée contre les oligarques, elle est perçue par la plupart des hommes d’affaires et des investisseurs comme un développement positif. Car, au fond, vaut-il mieux avoir affaire en même temps à des bureaucrates et à des oligarques ces derniers étant susceptibles à tout moment et en toute impunité de faire main basse sur votre entreprise ? Ou à la seule bureaucratie, fût-elle inefficace et corrompue ? L’écrasante majorité des hommes d’affaires préfère et de loin la seconde solution. D’ailleurs, un oligarque honnête, cela n’existe pas. Que l’Occident s’étonne de nous voir enquêter sur leur passé douteux est donc pour le moins curieux
L’État est en train de rabattre le caquet de ces magnats du pétrole et de les inciter à faire preuve de davantage de neutralité en politique. Pour autant, je n’imagine pas le pouvoir prendre directement le contrôle de leurs compagnies, Ioukos comprise. Au contraire : dans ce contexte assaini, et grâce à lui, les entreprises russes pourraient devenir bien plus rentables, et leurs propriétaires plus motivés à l’idée d’accueillir des équipes de direction ou des actionnaires étrangers.
En réalité, même si nos réformes marquaient le pas, nous pourrions vivre à peu près convenablement à deux conditions : que l’orientation libérale de l’économie soit maintenue, et que la conjoncture nous soit favorable (ce qui est actuellement le cas). Une plus grande intervention de l’État serait même tout à fait acceptable si elle consistait uniquement à punir les oligarques fautifs et à renforcer l’ordre et la loi.

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Ma principale inquiétude, aujourd’hui, c’est que la corruption et le blanchiment d’argent ne sont pas totalement sous contrôle et ne font pas l’objet de poursuites systématiques. Certes, nous manquons encore de vrais partis politiques, et les médias indépendants sont rares. Mais si l’on fait abstraction de ces faiblesses, on peut dire qu’un État fort et promouvant l’économie de marché est une bénédiction après une décennie de chaos et quatre-vingts ans de dictature.

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