Le fossé se creuse

Publié le 23 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Un an après l’invasion de l’Irak, une forte majorité de l’opinion en Europe de l’Ouest, en Russie et en Turquie éprouve une grande méfiance à l’égard des États-Unis. C’est ce que révèle un sondage réalisé en collaboration avec l’International Herald Tribune par le Pew Research Center du 19 février au 3 mars, donc avant les attentats de Madrid.
Sept mille cinq cents personnes ont été interrogées dans neuf pays. L’hostilité à l’égard des États-Unis est si forte dans les pays musulmans que dans trois d’entre eux la Jordanie, le Pakistan et le Maroc , on pense que les attentats suicide contre les
Américains et les soldats de la coalition en Irak sont justifiés. Même en Turquie, membre de l’Otan, 31 % des personnes interrogées sont de cet avis.
En Europe, la dérive est grande même chez les alliés traditionnels des États-Unis : 82 % des Allemands, 78 % des Français et 58 % des Britanniques pensent, depuis la guerre en Irak, que les Américains ne sont pas dignes de confiance. « On a, en Europe, le sentiment
qu’on a le choix entre être traité comme un vassal comme un caniche, dans le cas du Royaume-Uni ou bien comme un adversaire », explique François Heisbourg, directeur de la
Fondation pour la recherche stratégique. À Paris, parmi les causes de l’agacement ressenti en France, il cite le peu de cas qu’a fait l’administration Bush des observations
sur le sort des prisonniers de Guantánamo ou du protocole de Kyoto sur l’environnement, et, plus récemment, les commentaires critiques concernant la loi sur le port du voile à
l’école.

« Manifestement, le désaccord sur l’Irak reste profond, a déclaré Madeleine Albright, l’ancienne secrétaire d’État du président Bill Clinton, qui a été consultante sur le sondage. Ce qui m’inquiète, c’est que l’esprit de partenariat qui prévalait depuis des
décennies entre l’Europe et les États-Unis a été remplacé par un esprit de rivalité. » Dans un monde « très divisé et dangereux », la tendance, pense-t-elle, sera difficile à inverser.
Ce n’est pas, semble-t-il, la personnalité du président George W. Bush qui y contribuera.
En France et en Allemagne, 85 % des personnes interrogées ont de lui une opinion défavorable. « Je pense que ce qui a fait le plus de tort à Bush, à la fois en Europe et aux États-Unis, c’est qu’il n’a pas su expliquer pourquoi on n’a pas trouvé d’armes de destruction massive en Irak », a commenté William Kristol, rédacteur en chef de l’hebdomadaire conservateur Weekly Standard et partisan convaincu de la guerre contre le terrorisme.
Aux États-Unis même, l’opinion est moins braquée contre la « vieille Europe » qu’il y a quelques mois. Trente-trois pour cent des personnes interrogées ont aujourd’hui une opinion favorable de la France, contre 29 % en mai 2003. Et 50 % de l’Allemagne, au lieu de 44 %. Le grand élan vers les Britanniques s’est un peu assagi : ils ne recueillent que 73 % d’opinions favorables, au lieu de 82 % en mai 2003.

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Oussama Ben Laden, quant à lui, reste un héros aux yeux de certains pays musulmans. Soixante-cinq pour cent des personnes interrogées au Pakistan et 55 % en Jordanie ont
exprimé une opinion favorable. Ce n’a pas été le cas en Turquie, où 75 % des réponses ont été défavorables.
Curiosité : sur les personnes interrogées aux États-Unis, 7 % disent n’avoir jamais entendu parler de l’Union européenne. C’est cependant un net progrès par rapport à septembre 2001 où elles étaient 20 %.

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