À la mémoire de Rachel Corrie

Publié le 22 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Au lieu d’annoncer la douceur du printemps, le mois de mars n’évoque pour moi cette année – et n’évoquera jusqu’à la fin de mes jours – que le souvenir d’une tragédie : la mort brutale de ma cousine, Rachel Corrie.
Le 16 mars 2003, un soldat israélien et son commandant écrasèrent Rachel avec un bulldozer Caterpillar de neuf tonnes alors qu’elle tentait – sans armes et clairement visible dans son blouson orange fluorescent – de protéger une maison palestinienne vouée à la démolition par l’armée d’Israël. La mort de Rachel Corrie et les réactions qu’elle suscita – ou ne suscita pas – révèlent plusieurs vérités dérangeantes, de nature immorale et criminelle.
La première : Rachel mourut en tentant d’empêcher la destruction d’une maison, soit une pratique courante de l’armée israélienne, une punition collective qui a rendu plus de 12 000 Palestiniens sans abri depuis le début de la seconde Intifada, en septembre 2000. Cette pratique viole la loi internationale, y compris la quatrième convention de Genève.
La deuxième : Rachel a été écrasée par un bulldozer Caterpillar, fabriqué aux États-Unis et livré à Israël dans le cadre de l’aide américaine régulière, dont le montant s’élève annuellement à 3 ou 4 milliards de dollars, payés par les contribuables américains. L’emploi de ces bulldozers pour détruire des habitations civiles, sans parler du meurtre de militants des droits de l’homme dépourvus de toute arme, viole la loi américaine, y compris le US Army Export Control Act, qui interdit l’usage militaire de cette aide contre des civils.
La troisième : l’autoacquittement de l’armée israélienne pour la mort de Rachel et l’opposition de l’État d’Israël à une enquête indépendante révèlent tout à la fois le refus du gouvernement Sharon d’assumer la responsabilité de la mort d’un citoyen américain et la lâcheté de l’administration Bush, qui permet à une autre nation d’agresser impunément des citoyens américains.
La quatrième : le meurtre de Rachel ne fut, en réalité, que la première des attaques israéliennes contre des citoyens étrangers en Cisjordanie et à Gaza. Brian Avery, de New Mexico, fut atteint d’une balle au visage le 5 avril ; Tom Hurndall, citoyen britannique, frappé à la tête le 11 avril, mourut le 13 janvier ; James Miller, un autre Britannique, fut tué de même en avril. À ce jour, seul le soldat israélien responsable de la mort de Hurndall sera traduit en justice : et cela parce que le gouvernement britannique, au bout de plusieurs mois, finit par se rendre à l’évidence des preuves présentées par la famille de la victime.

En ce mois de mars, les citoyens des États-Unis devraient se demander comment un Américain désarmé a pu être tué impunément par le soldat d’une nation alliée qui bénéficie d’une aide américaine massive, au moyen d’un engin fabriqué aux États-Unis par une société américaine et payé par les dollars des contribuables. Quand trois Américains furent tués, sans doute par des Palestiniens, dans une explosion, le 15 octobre 2003, alors qu’ils circulaient à Gaza, le FBI s’employa dans les vingt-quatre heures à enquêter sur l’affaire. Au bout d’un an, ni le FBI ni aucun autre service américain n’ont fait le moindre effort pour enquêter sur le meurtre d’un citoyen américain tué par un Israélien.
Pourquoi deux poids, deux mesures ? Ici gît peut-être la plus troublante des leçons.

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