La meilleure façon de goûter

Comme le vin, auquel on la compare souvent, l’huile d’olive se décline en crus, en terroirs, en arômes. Voyage au coeur d’appellations d’origine protégée.

Publié le 22 mars 2004 Lecture : 5 minutes.

L’huile d’olive possède ses crus, du plus célèbre et onéreux au plus modeste, qui ne manque pas forcément de charme. Tout commence avec le terroir et son climat, mais aussi avec la variété des olives. Et se poursuit dans l’assiette avec le mariage d’une huile et d’un plat. En gros, les huiles très vertes et végétales s’accordent bien avec les légumes, mais risquent d’agresser les poissons dont elles font ressortir l’amertume. Pour les desserts et plats fins, préférez une huile douce aux arômes d’amande. Bref, pour faire un choix, il est bon de connaître les caractéristiques des différents crus.

Un peu de technique
Même s’il est poétique de raconter que « depuis des millénaires la production de l’huile d’olive n’a pas changé », même si l’huile est toujours obtenue en pressant les olives, il a bien fallu que le monde moderne mette son empreinte sur les techniques. Hier – et rarement encore de nos jours -, c’était la cueillette manuelle, le broyage à la meule de pierre activée par un moulin mû par des ânes, les olives en purée grossière étalées sur des « scourtins » en vannerie avant d’être passées dans un pressoir à vis, la décantation dans de grandes jarres en céramique et le transport dans des amphores. Aujourd’hui, c’est souvent la cueillette plus ou moins mécanisée, le broyage électrique, l’extraction en continu dans une machine à vis sans fin, la centrifugation et le filtrage. Mais l’huile reste toujours le « jus » de l’olive, pressée à froid, tout simplement.

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Qu’est-ce qui fait une bonne huile d’olive ?
Le terroir : en plaine, comme pour les vins, les goûts sont souvent dilués.
L’irrigation : l’olivier se contente de sols pauvres, mais il a besoin d’eau. Les pluies d’été favorisent son développement.
La date de récolte : le bon moment de maturation dépend de la variété, mais les huiles de début de récolte, quand les olives sont encore « tournantes », sont plus vertes, plus végétales, plus fruitées. En règle générale, plus l’olive est mûre plus l’huile est claire.
La technique de ramassage : cueillies à la main, les olives, fragiles comme tous les fruits, sont mieux traitées.
Le stockage : il ne doit pas excéder deux ou trois jours, car les olives fermentent, ce qui provoque l’augmentation de l’acidité libre. Éventuellement, si le stockage se fait à 5 °C, il peut durer plus longtemps.
La décantation ou la filtration : la décantation est plus douce que la centrifugation, mais plus longue. Quant à la filtration, elle donne des huiles plus claires et plus stables, mais moins goûteuses. Les amateurs de saveurs franches et puissantes choisiront des huiles non filtrées, non centrifugées, à la sortie du pressoir : elles sont troubles et instables, donc à consommer rapidement, mais inimitables en goût.

Les grands crus
En Espagne, premier producteur du monde avec quelques variétés remarquables comme la picual et la cornicabra pour les huiles puissantes, l’hojiblanca et l’arbequina pour les huiles plus douces, on compte neuf appellations d’origine protégées : Baena, Sierra de Segura, Priego de Cordoba et Sierra Magina en Andalousie, Les Garrigues et Siurana en Catalogne, Montes de Toledo, Sierra de Cazorla et Bajo Aragon en… Aragon. Les plus grands crus sont en Andalousie – 75 % de la production -, avec des huiles souvent assez puissantes et vertes. Mais on peut préférer les huiles de Catalogne, douces et fines, dont la saveur évoque le lait d’amande.
En France, on cultive des variétés assez diverses comme l’aglandau à Aix, la picholine un peu partout, la tanche à Nyons, la cailletier à Nice ou la lucques dans le Languedoc, notamment. Cinq AOP (appellations d’origine protégée) sont aujourd’hui reconnues : Haute-Provence avec des huiles goûteuses, épaisses et fruitées ; les Baux de Provence, où elles sont réputées longues en bouche et fleuries ; Nyons, qui les fait très douces et bien équilibrées avec une finale sur l’amande ; Aix-en-Provence, où elles sont caractérisées par une touche d’amertume, une pointe d’âpreté et des arômes de fleurs blanches ; enfin, Nice, où elles se montrent très fines et douces avec des arômes de fleurs blanches. Mais on cultive également des olives dans les massifs des Maures et de l’Esterel, le Haut-Var, l’Aude, le Gard et la Corse, qui produit, elle, deux types d’huile, une verte et ardente, légèrement amère, à partir d’olives récoltées en hiver, et une beaucoup plus douce avec les olives cueillies très mûres au début du printemps.
En Italie, la taggiasca en Ligurie et la frantoio dans le Latium, en Ombrie, en Campanie et, surtout, en Toscane, font figure de stars. Les amateurs découvrent des huiles aux caractères bien différents : fruitées, soyeuses et vivaces en Ombrie ; douces et délicates en Ligurie ; intenses et fines avec une pointe minérale dans le Latium ; végétales et très fruitées dans la région de Bari, dans les Pouilles, où elles développent un goût d’amande douce du côté de Bitonto ; mêmes nuances en Sicile avec une touche d’amande dans les environs de Raguse et un fruité très intense en altitude ; belle saveur végétale avec notes d’artichaut et parfois une pointe d’amertume en Sardaigne. Quant à la célèbre Toscane, elle joue sur tous les tons : huiles jaunes, fluides et légères dans la région de Lucca, huiles à reflets verts, au goût épicé avec notes d’artichaut en Chianti, huiles rustiques et intenses vers Montalcino.
Avec ses cinq appellations d’origine protégeant les huiles du Tràs-os-Montes, Beira Interior, Ribatejo, Norte Alentejano et Moura, le Portugal fait d’incontestables progrès, mais ses « crus » n’ont pas encore acquis de véritable notoriété hors des frontières du pays. La Grèce, elle, est encore plus riche en appellations d’origine protégée puisqu’elle en compte douze (dont sept en Crète). Son importante consommation interne en limite l’exportation.
D’autres régions du Bassin méditerranéen possèdent des oliveraies depuis des millénaires, à commencer par la Galilée, mais aussi la Croatie, l’Istrie, la Syrie et la Turquie, la Jordanie, Israël… sans oublier la Tunisie, où quelques propriétés sont remarquables, comme le domaine Fendri, près de Sfax, qui produit des huiles superbes à partir de la chemlali, pressée dans la journée de sa cueillette. Et bien sûr le Maroc, où se développe une production qui joue de plus en plus la qualité : le domaine Essadi, près de Marrakech, cultive des picholines du Languedoc, des picholines du Maroc, de la maussane et une très belle variété locale pour en tirer une huile mûre de très belle ampleur. Le choix est vaste, d’autant que de nouveaux crus voient le jour chaque année.

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