L’Afrique depuis son salon
Les productions théâtrales filmées du continent rencontrent un succès exceptionnel en France.
« Hé Kissima, c’est moi d’abord ! lâche N’Deye Amy, un peu furieuse d’attendre. En plus j’avais téléphoné pour te demander de me mettre de côté les derniers Takkussanu N’Dakaru.
– Tu fais doucement, répond Kissima, penché sur une pile de cartons. Tu n’es pas la seule. Regarde tout ce monde ! »
Nous sommes au 36, rue de la Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris. Chez Africa-Production, la « boutique » qui produit et commercialise tout ce que la communauté noire immigrée recherche comme images évoquant le pays. Le samedi ici ressemble à un jour de marché. On se bouscule. On s’arrache les meilleures cassettes. Les clients viennent de la région parisienne, d’Allemagne, d’Espagne, même de Suède ! À la recherche de clips et de « théâtres » en langues wolof, soninké, bambara et peule. La demande vient surtout des femmes, qui y trouvent une récréation en famille ou un remède à leur solitude quand le mari est au travail et les enfants à l’école. Un petit refuge « thérapeutique » avec des films tournés au milieu des cases ou en pleine effervescence des ruelles de Kayes, Rufisque, Yopougon ou Yaoundé.
Créée en 1997, Africa-Production a trouvé le filon avec Dewgal waw neere, « Le Mariage forcé », en langue peule, de Leyla Thiam. En wolof, il y a la troupe Dar Kocc, du réalisateur Cheikh Tidjane Diop, et La Semaine de Goorgoorlu, de Moussa Sène Absa. La palme du théâtre gambien revient à Teree Moutee (« Les Têtus »), dont la cassette n° 8 met en scène un commerçant qui tombe sous le charme d’une cliente alors que les familles respectives s’opposent à l’idée du mariage. Polygamie, prostitution, corruption, vie de la communauté immigrée en Europe, les thèmes de ces séries sont toujours traités avec une autodérision à couper le souffle.
Africa-Production rachète des droits d’exploitation à des chaînes de télévision africaines et a obtenu, pour le cinéma, l’exclusivité des droits de la célèbre série burkinabè Les Bobo Diouf, qui fait un malheur sur les petits écrans africains. Et aussi des films comme Bal Poussière et Rue Princesse de l’Ivoirien Henri Duparc, piratés depuis de nombreuses années en France. La société a pu se procurer également l’exploitation de Cache-cache d’amour et du Pari de l’amour adaptés des romans ivoiriens à l’eau de rose de la collection Adoras. Si les productions de la rue de la Chapelle sont en majorité sénégalaises et gambiennes, on trouve aussi sur les rayons des comédies maliennes, zaïroises ou ivoiriennes (Les Guignols d’Abidjan, Faut pas fâchés, Esprits Babizoto…). Africa-Production dispose aussi d’une boutique à Milan, en Italie, et ouvrira prochainement une unité de vente en ligne.
www.africaproductions.com
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