Du bon usage d’une mode

Publié le 22 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Il aura fallu plusieurs millénaires à l’huile d’olive pour sortir de son Bassin méditerranéen originel. Aujourd’hui, le monde entier non seulement se met à l’apprécier, mais encore se lance dans la culture de l’olivier. En Chine, en Californie et au Texas, au Japon, en Argentine, au Chili, au Mexique, en Australie, en Afrique du Sud… partout l’arbre de la paix, l’olivier de Noé et de la Bible, a trouvé des terroirs qui lui conviennent, et des hommes qui le plantent et le soignent.
Au commencement, les huiles produites étaient assez douces, pour s’intégrer discrètement à la cuisine locale, mais le fameux régime crétois se répandant sur notre bonne vieille Terre – même si certains nutritionnistes tempèrent l’idée selon laquelle il aurait des effets miraculeux dans le stress d’une ville polluée… -, elles ont de plus en plus de saveur.
Mais cette mode n’est-elle pas fragile ou dangereuse ? À mettre de l’huile d’olive dans tous les plats, ne va-t-on pas lasser nos papilles ? À en faire un produit de luxe, ne risque-t-on pas d’en éloigner toute une population gourmande, mais pas forcément très argentée ? À vouloir l’implanter dans des pays où elle est parfaitement inconnue et, surtout, pas facilement compatible avec les habitudes alimentaires locales, ne tombe-t-on pas dans le travers d’une « mondialisation du goût » ?

Déjà, pour plaire aux Anglo-Saxons et aux Scandinaves – qui n’aiment que les huiles très douces, presque sans goût (comme les classiques huiles de tournesol et d’arachide) -, des centaines d’hectares andalous ont été plantés avec de l’arbequina, olive « importée » de Catalogne dont l’huile sait rester relativement discrète en bouche : voilà qui brouille sérieusement l’idée de crus !
Mais le pire vient probablement de l’engouement de Bruxelles pour les plantations d’oliviers qui ont été largement subventionnées pendant des années dans tout le sud de l’Europe. Ces arbres commencent à produire (il faut sept à huit ans pour obtenir la première récolte), mais… la consommation n’a pas augmenté en proportion. Et de loin. Car si de nouveaux amateurs se font jour, ce n’est que très progressivement et pour des quantités très limitées, tandis que, dans les pays traditionnellement consommateurs, les nutritionnistes ne cessent de fustiger la trop grande absorption de matières grasses – même si elle possède de grandes qualités antioxydantes notamment, l’huile d’olive reste une matière grasse et, comme toutes ses soeurs, apporte une grosse quantité de calories, donc fait grossir ! Il est vrai que, dans de nombreux pays, augmenter de manière significative la consommation d’huile d’olive impliquerait de complètement bouleverser les habitudes alimentaires : elle a beau être délicieuse pour un palais méditerranéen, elle ne va ni avec les harengs ni avec aucun autre poisson fumé, pas plus qu’avec le canard gras et son sacro-saint foie… Certains plats appellent le beurre, n’en déplaise aux inconditionnels de l’huile d’olive.

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Résultat : même si Bruxelles reste très discret, on ne peut ignorer les problèmes de surproduction. D’autant que l’huile d’olive, contrairement au vin auquel on la compare souvent, ne vieillit pas et, même, perd très vite ses qualités. Alors, que faire de toute cette huile, souvent fort chère et donc hors de portée de nombreux foyers mondiaux et même européens ? La question reste posée. Et le problème risque de s’accentuer puisque les productions de plusieurs grands pays comme le Maroc, la Tunisie ou la Turquie ne cessent de s’améliorer et peuvent donc désormais prétendre devenir concurrentielles sur le marché international. Conserves de poisson et autres industries agroalimentaires : il est temps de multiplier les usages de cette huile sacrée ! Et surtout de recommencer de vastes campagnes de promotion dans le monde entier pour vanter les avantages nutritionnels de l’huile d’olive aussi bien que ses qualités organoleptiques. Le hamburger crétois avec frites à l’huile d’olive, c’est peut-être pour bientôt !

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