Daagbo Hounon Hounan

Le dignitaire vodù est décédé dans la nuit du 11 au 12 mars, au Bénin, à l’âge de 90 ans.

Publié le 22 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Daagbo Hounon Hounan, le chef suprême de la religion vodù, est décédé d’une crise cardiaque dans la nuit du 11 au 12 mars à Ouidah, une ville située à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Cotonou. Il avait 90 ans. Pour ses millions d’adeptes, disséminés à travers le monde, il était pratiquement un demi-Dieu. On accourait ainsi d’Haïti, du Brésil, de Trinité et Tobago, de Cuba, des États-Unis, mais aussi d’Europe pour le voir, le toucher, lui présenter des hommages et recueillir sa bénédiction.

Le personnage, solide, rondouillard et haut en couleur, vivait entouré de sa cour, de ses épouses et d’une progéniture pléthorique. Gardien de secrets qui remontent à plusieurs siècles, il cultivait le mystère et savait se faire désirer. Dans la concession familiale du quartier de Sogbadji, à Ouidah, une tortue géante mettait d’emblée le visiteur en condition. Selon la légende, c’est sur le dos du chélonien, aujourd’hui orphelin, que le patriarche, vingt-deuxième d’une longue lignée, sillonnait l’océan pour aller à la rencontre des divinités.
Initié à l’âge de 12 ans, Daagbo Hounon Hounan a consacré l’essentiel de sa vie à la défense d’une religion apparue pour la première fois au XVIe siècle dans la ville de Tado, sur les rives du fleuve Mono, qui sert aujourd’hui de frontière naturelle entre le Bénin et le Togo. Ses fidèles (vodussis) adorent un seul Dieu, Sègbo Lissa, à travers une multitude de divinités – le fer, la mer, le tonnerre, le python, la variole, le feu, la virilité, etc. – bien souvent représentées dans les temples ou devant les maisons par de petits monticules de terre ou de glaise appelés « lègbas », croulant sous des offrandes.

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Au Bénin, où l’on ne meurt jamais de mort naturelle, où l’on peut « retenir » la pluie de peur qu’elle ne vienne perturber un mariage ou un baptême et où même les curés portent des amulettes, les rares apparitions publiques du dignitaire vodù donnaient lieu à des manifestations d’initiés et de badauds sur la voie publique. Bien entendu, rien ne se décidait, à Ouidah, sans qu’il soit consulté. À la veille des grands rendez-vous électoraux, les leaders politiques défilaient pour recevoir son onction.
L’on venait également du Nigeria, du Togo, des Caraïbes et des États-Unis pour conjurer un mauvais sort ou dans l’espoir d’obtenir « gilet pare-balles », formule magique censée protéger son détenteur contre les armes à feu. À la veille de la Coupe du monde de football de 1998, de discrets émissaires français se seraient rendus auprès de Daagbo Hounon Hounan pour placer les Bleus, l’équipe nationale française, sous la bonne étoile.
Ouvert sur le monde et sur les autres religions, il s’était entretenu avec Jean-Paul II lors du séjour du Saint-Père au Bénin en 1993. Il s’était également rendu en Haïti pour visiter le panthéon vodù local. Son influence dans son pays natal était telle que Nicéphore Soglo, alors président du Bénin, décida, en 1993, d’instaurer une journée du culte vodù. Fériée et payée, comme il se doit. Tous les ans, le 10 janvier, des milliers de fidèles venus du monde entier convergent vers Ouidah, jadis plate-forme de la traite négrière, pour communier avec les ancêtres.
Daagbo Hounon Hounan, dont le successeur ne devrait pas être connu avant plusieurs mois, a été inhumé le 14 mars au terme d’un rituel qui a duré dix heures d’horloge, en présence d’une belle brochette de personnalités nationales et étrangères. Dans le livre de condoléances ouvert pour l’occasion, l’ancien président Soglo a tracé ces quelques mots : « C’est l’un des symboles, l’un des témoins privilégiés de la riche civilisation, religion et mythologie du peuple noir qui vient de rejoindre nos vénérés ancêtres. Je suis fier de l’avoir vu de son vivant redonner tout son lustre à ce prestigieux héritage en dépit des indécentes oppositions des suppôts du colonialisme. Qu’il repose en paix et continue de protéger ce pays qu’il a tant aimé. »

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