Charter nucléaire
Quand les Américains organisent un voyage de presse pour exposer le matériel remis par Tripoli.
Le décor est presque le même qu’en Libye : une immense tente plantée à même le sol, des gardes surarmés veillant aux alentours… L’hôte des lieux, toutefois, n’est pas le Guide Mouammar Kadhafi et ses amazones, mais le secrétaire américain à l’Énergie, Spencer Abraham, également membre du Conseil national de sécurité, en charge des questions nucléaires… Spencer Abraham a organisé un vol charter non pour Tripoli, mais pour Oak Ridge, au Tennessee. Départ le 15 mars à destination donc du Laboratoire national de l’énergie nucléaire à 720 km de Washington. Clou de la visite pour quarante-cinq journalistes triés sur le volet : la présentation d’un échantillon de pièces et de plans nucléaires exfiltrés de Libye en janvier. Pour Abraham Spencer, il s’agit de célébrer la « grande, grande victoire américaine » sur la Libye qui a, sans coup férir, accepté de démanteler son programme d’armements de destruction massive (ADM) et de remettre le tout, gracieusement, aux États-Unis.
Des avions-cargos et des navires de guerre ont fait – et continuent à faire – la navette entre Tripoli et Oak Ridge. 25 tonnes ont déjà été transportées. « Ce n’est que 5 % du poids total à récupérer et à analyser », a déclaré Abraham Spencer aux journalistes médusés devant quatre centrifugeuses qui servent à transformer l’oxyde d’uranium en explosifs atomiques. En tout, quarante-huit caisses en bois étaient exposées, avec des centaines d’équipements, de pièces et de schémas. Le responsable du programme nucléaire pakistanais, Abdul Qadeer Khan (voir J.A.I. n° 2250), n’aurait fourni que quatre mille des dix mille centrifugeuses nécessaires au processus d’enrichissement de l’uranium.
Selon Jim Wilkinson, porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche, les versements effectués aux intermédiaires pakistanais sont estimés à au moins 100 millions de dollars. L’ensemble du programme aurait coûté à Tripoli cinq fois plus. Malins, les fournisseurs clandestins ont refilé aux Libyens des plans et des équipements vieux de vingt ans (première génération de la bombe atomique). À chaque fois, il fallait débourser de 100 000 à 150 000 dollars pour la livraison de telle ou telle pièce complémentaire. « Heureusement, ces équipements ne sont plus en Libye », conclut Abraham Spencer.
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