Blues caraïbe

La Colombienne Petrona Martinez ressuscite la mémoire de ses ancêtres noirs marrons.

Publié le 22 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

La voix haut perchée résonne comme un appel. Le rythme des tambours mène à la transe. La gestuelle est sensuelle ; elle symbolise la féminité et la fécondité. Petrona Martinez, visage poupin, est l’une des voix les plus célèbres de Colombie. C’est l’une des dernières interprètes du bullerengue, « danse-chantée » héritée des Noirs marrons et pratiquée dans les provinces de Bolivar et Cordoba, sur la côte caraïbe (nord-est du pays). Le bullerengue, apparu aux alentours des anciens palenques, les villages fortifiés érigés par les esclaves en fuite, est réservé aux femmes. « À l’occasion des fêtes religieuses de la Saint-Jean et de la Saint-Pierre (24 et 29 juin), les femmes enceintes, les concubines ou les filles-mères, ne pouvant pas assister aux bals populaires, se réunissaient dans les patios des maisons pour « frapper du tambour et des mains ». Une chanteuse improvisait des vers et les autres femmes répondaient en choeur », écrit Lizette Lemoine, réalisatrice d’un documentaire sur le bullerengue(*). En revanche, seuls les hommes sont autorisés à jouer les percussions, comme le alegre, tambour à une peau qui marque le rythme, et le llamador, plus petit, qui maintient le tempo.
Digne représentante de la communauté afro-colombienne, Petrona Martinez a hérité de l’art du bullerengue de sa mère et de sa grand-mère. Formidable interprète, ce n’est qu’à 50 ans qu’elle ose composer ses propres bullerengues. Née en 1939 dans le hameau de San Cayetano, elle habite à Palenquito, ensemble de maisons éparses sur la route en terre qui mène au palenque de San Basilio, seul endroit à conserver vivant un dialecte d’origine africaine bantoue. Comme ses compatriotes, Petrona Martinez est fière de pouvoir faire vivre la mémoire de ses ancêtres, esclaves déportés du Sénégal ou d’Angola. Entourée de ses enfants, elle chante la vie quotidienne de son hameau. Elle raconte une existence de labeur, pleure l’assassinat de son fils aîné et loue la beauté de la ville coloniale de Carthagène. Son blues caraïbe, porté par la puissance des tambours africains, est un superbe exemple de métissage entre l’Afrique et l’Amérique latine.

* Lloro yo, la complainte du bullerengue, de Lizette Lemoine, 26 minutes, 1997.
Petrona Martinez, en concert du 26 au 28 mars au Théâtre équestre Zingaro d’Aubervilliers (France).

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