Président voyageur

La politique étrangère d’Abdoulaye Wade a fait de Dakar une étape africaine obligée pour les dirigeants du monde entier.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Il jouit d’une notoriété internationale à faire pâlir d’envie nombre de ses « collègues ». Depuis sa victoire en 2000, le président sénégalais n’a ménagé ni ses efforts ni sa santé pour être visible sur la scène africaine et internationale. Il a accumulé les visites officielles et privées, il a multiplié les médiations pour résoudre les conflits déstabilisant le continent, il est parti à l’assaut des tribunes internationales pour y marteler sa vision toute personnelle du développement. Celle d’une approche autocentrée, dont les Africains doivent être les principaux acteurs sur fond de mobilisation des investissements internationaux. Toutes ces questions l’ont amené à voyager aux quatre coins du monde, imposant à chaque fois sa marque, mais trahissant aussi sa quête perpétuelle de légitimité, comme s’il avait dû rattraper le temps perdu, celui où il n’était encore qu’un opposant mal connu. C’est ainsi qu’il a toujours cautionné une médiation africaine dans la crise ivoirienne ou suggéré la création d’un Comité des sages pour le règlement du conflit au Darfour. Une volonté de suprématie africaine que l’on retrouve également dans le dossier concernant l’extradition de l’ancien dictateur tchadien Hissein Habré.
Autre symbole de cette vitalité, la reprise des relations avec Pékin en novembre 2005 symbolise la nouvelle diplomatie sénégalaise. Au-delà de ces orientations, Abdoulaye Wade n’aura eu, tout au long de son mandat, qu’une seule ligne de conduite – une obsession selon ses thuriféraires – : endosser l’habit de faiseur de paix, de sage africain ou encore de doyen (par l’âge), toujours prêt à partager sa vision du monde. Celui qui a aboli la peine de mort au Sénégal et qui est parvenu à relancer le processus de paix en Casamance tout en défendant la prééminence de l’ONU dans le dossier irakien est l’homme d’État africain dont on sollicite les bons conseils. Des résultats ou des prises de position qui lui vaudront de recevoir au siège de l’Unesco, à Paris, en mai dernier, le prix Houphouët-Boigny pour la paix.
Cette position n’exclut d’ailleurs pas le maintien de relations privilégiées avec des partenaires historiques comme la France sur fond de divergence dans la politique migratoire prônée par son ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, à qui il a reproché de favoriser la fuite des cerveaux africains. Abdoulaye Wade a toutefois souhaité sortir d’un tête-à-tête trop exclusif avec l’ancienne puissance coloniale. Paris demeure un interlocuteur important eu égard au poids des relations commerciales bilatérales. Mais bien d’autres partenariats se sont tissés au cours de ces sept années notamment avec les puissances économiques émergentes (Inde, Brésil, Malaisie, Indonésie) ou avec des pays aussi singuliers que l’Iran ou l’Arabie saoudite.
Bien sûr, la diplomatie sénégalaise n’a pas dérogé aux règles fondamentales d’une relation d’État à État : respect de la souveraineté, entente et bon voisinage, promotion de la paix entre les peuples. Et le modèle de démocratie incontournable en Afrique a continué de faire du Sénégal un passage obligé pour de nombreux dirigeants en tournée sur le continent ou pour les nombreuses diasporas noires en quête de pèlerinage. De l’Américain George W. Bush au Brésilien Lula da Silva en passant par le Chinois Hu Jintao ou les dignitaires des Émirats arabes unis, aucun n’a manqué l’étape dakaroise. Mais cette diplomatie aura également été, durant cette présidence, indissociable des impératifs de développement du Sénégal et de l’Afrique. Initiateur du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) à travers le plan Omega, le successeur d’Abdou Diouf, tantôt avocat, économiste ou mathématicien et souvent professoral dans ses propos, aura porté haut sa volonté d’essor de l’Afrique. Même si ses innombrables suggestions n’ont pas toujours trouvé d’écho auprès de ses pairs.

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