Peut-on sauver l’UA ?

Manque de moyens financiers, réticence des États membres à déléguer leur souveraineté, départ annoncé du patron… Jamais, à la veille de son sommet de la fin de janvier, l’organisation n’avait paru aussi impuissante.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 14 minutes.

« Sommet de tous les dangers ». « Réunion de la dernière chance ». On l’aura compris, le 8e sommet de l’Union africaine (l’UA), prévu les 29 et 30 janvier 2007 à Addis-Abeba, sera crucial pour l’Organisation. Créée en grande pompe à Lusaka, en juillet 2001, dotée, deux ans plus tard, d’institutions inspirées de celles de l’Union européenne, l’UA devait tourner le dos à une Organisation de l’unité africaine (OUA) née dans l’euphorie des indépendances, en 1963, mais devenue, au fil des décennies et des compromis passés entre ses membres du syndicat des chefs d’État, une sorte de « supermachin » bureaucratique et sclérosé.
Avec sa Commission de dix membres, embryon de gouvernement continental, son Parlement, son Conseil économique et social, sa Cour de justice, ses grands programmes, l’Union avait été imaginée comme une réponse à la hauteur des enjeux et des défis de l’Afrique du XXIe siècle.
Même si elle a accompli des progrès significatifs dans le domaine de la prévention et de la gestion des crises, avec la création du Conseil paix et sécurité, et jouit maintenant d’une visibilité diplomatique évidente, beaucoup des espoirs placés en elle ont été déçus. Plombée par les querelles, les rivalités, les jalousies, ainsi que par un recrutement bâclé, et par les accusations d’incompétence n’épargnant pas certains de ses commissaires, l’UA, qui devait être le fer de lance de l’intégration africaine, ressemble désormais à un bateau ivre. Son capitaine, Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission, a annoncé à Banjul en juillet 2006 son intention de jeter l’éponge, en ne sollicitant pas un second mandat. Panafricaniste convaincu, l’ancien numéro un malien (voir portrait) avait placé la barre trop haut. Son programme stratégique quadriennal – la feuille de route censée conduire à « l’intégration politique, économique et socioculturelle des 53 pays membres » – était trop ambitieux. Et sans doute a-t-il sous-estimé la résistance au changement des États ainsi que sa propre capacité à s’émanciper de leur pesante tutelle.
Les chefs d’État, irrités par son manque de souplesse et son côté « donneur de leçons en démocratie », ne lui ont pas toujours manifesté un très grand amour. Ils vont devoir lui trouver un successeur. Une gageure. L’affaire paraît tellement compliquée que beaucoup, craignant que son départ ne soit synonyme de coup fatal porté à la crédibilité de l’UA, et ne marque un retour à la « fonctionnarisation » de l’organisation, s’activent désormais en coulisse pour le faire revenir sur sa décision. Pas sûr cependant qu’ils arrivent à leurs fins. Autre dossier épineux en perspective : la succession, à la présidence de la conférence des chefs d’État de l’Union, du Congolais Denis Sassou Nguesso. Le Soudanais Omar el-Béchir, déjà candidat l’année passée à Khartoum, aurait toujours des vues sur le fauteuil, mais sa désignation serait un bien mauvais signal adressé par l’Afrique à la communauté internationale, alors que le conflit au Darfour est loin d’être réglé. La crise ivoirienne et la guerre qui ravage la Corne de l’Afrique, dans laquelle le pays hôte du sommet et du siège de l’UA, l’Éthiopie, est maintenant directement partie prenante, constitueront les autres questions brûlantes du moment. Elles risquent fort d’éclipser les thématiques officielles du sommet : la contribution de la science, la technologie et la recherche scientifique au développement, et les changements climatiques en Afrique.
Le départ annoncé de Konaré, qui s’apparente davantage à un aveu d’impuissance qu’à un constat d’échec, intervient sur fond de découragement général. Mais il a au moins le mérite de poser le problème de la restructuration de la Commission, et son corollaire, les réformes institutionnelles. Des questions à l’ordre du jour du sommet d’Addis et qui appellent des solutions énergiques – et urgentes. Car l’UA, sous sa forme actuelle, ne marche pas.
La création de la Commission a symbolisé la volonté de rompre avec les modes d’organisation et de fonctionnement du secrétariat général de l’OUA. En arrivant aux commandes, l’équipe Konaré avait annoncé la couleur : « Nous avons un besoin urgent de fonctionnaires hautement qualifiés, compétents, intègres, avec un système de représentation équitable entre les régions et les genres [ainsi que] d’un mécanisme régulier d’évaluation des performances », pouvait-on lire dans un document interne vieux de plus de trois ans (cf. J.A. du 20 juin 2004). Le vice-président, le Rwandais Patrick Mazimhaka, qui a la haute main sur l’administration, les finances et le recrutement souhaitait injecter du sang neuf et renouveler les cadres. Personne n’a été renvoyé, mais les départs volontaires, avec petit pécule, ont été encouragés. L’UA compte aujourd’hui 534 fonctionnaires au siège et dans les différents bureaux régionaux : 275 d’entre eux ont appartenu au staff de l’OUA. Les autres, c’est-à-dire 48,5 % de l’effectif, sont de nouvelles recrues. Les embauches ont fait la part belle aux ressortissants des pays d’Afrique australe et orientale, ainsi qu’à ceux de certains gros contributeurs au budget de l’organisation, sous-représentés, à l’instar de la Libye, qui compte désormais 7 fonctionnaires (contre un seul en décembre 2003).
Et le management ? « Pour l’instant, ironise un fonctionnaire ouest-africain, la maison reste imprégnée par la culture administrative africaine. L’obéissance au chef prime la performance, et chacun évite soigneusement de prendre des initiatives, de peur de déplaire. » Chacun le concède volontiers, la nouvelle organisation n’a pas débouché sur des gains significatifs en termes d’efficacité. Mais il y a plus préoccupant. La mayonnaise entre anciens et nouveaux n’a pas pris. Jugé peu transparent, le recrutement continue à susciter bien des incompréhensions. « Tout n’était pas rose du temps de l’OUA, il y avait des brebis galeuses, c’est entendu, concède un historique de la maison, lui aussi originaire d’Afrique de l’Ouest. Mais y en a-t-il moins aujourd’hui ? À l’époque, la machine tournait, les gens étaient soudés et avaient le sentiment d’appartenir à une famille. Maintenant, c’est chacun pour soi, la solidarité a disparu. On nous a fait passer pour des ânes et des incompétents. Les nouveaux nous prennent de haut, s’imaginent supérieurs parce qu’ils sont anglophones et viennent d’Afrique australe. Mais ils ne savent rien faire ! Les gens dont l’UA avait besoin étaient là, mais on les a dénigrés. Maintenant, ils sont totalement démotivés et ne songent plus qu’à partir »
Teinté d’amertume, le propos est peut-être excessif. Il n’en révèle pas moins un malaise, longtemps diffus, qui a éclaté au grand jour en mars 2006, lorsqu’un courrier électronique signé AU Spider a commencé à circuler sur la messagerie interne de l’organisation et dans les chancelleries. Le courriel assassin, dont le ou les auteurs n’ont jamais été identifiés, accusait Mazimhaka de pratiquer une « politique de copinage », privilégiant l’appartenance régionale sur les compétences proprement dites. « Faux ! rétorque l’intéressé. L’attribution des postes obéit aux recommandations du sommet de Maputo. Le recrutement revêt aussi une dimension politique, et je suis obligé de tenir compte des quotas [voir infographie 1]. Je suis le premier à souhaiter davantage de souplesse, afin de privilégier les meilleurs candidats, et c’est une des pistes de la réforme aujourd’hui en discussion »
Autre problème : les conditions de vie des expatriés africains au siège d’Addis-Abeba. Comparé à la plupart de leurs collègues, fonctionnaires dans leurs pays d’origine, et qui accusent des mois voire des années d’arriérés, les salariés de l’organisation panafricaine n’ont guère de raisons de se plaindre. Installés sur les hauteurs la capitale, dans de spacieux bâtiments d’une superficie avoisinant les 75 000 m2, payés à temps et en dollars, bénéficiant d’une couverture sociale, d’indemnités supplémentaires pour le logement (de 1001 à 1168 dollars mensuels selon le grade) et pour l’éducation de leurs enfants (à concurrence de 6 500 dollars annuels par rejeton scolarisé), voyageant fréquemment – l’organisation a consommé 4 500 billets d’avions en 2005 -, ils pourraient passer pour des privilégiés. Pourtant, tous ou presque se plaignent de la vie à Addis, inconfortable et chère selon eux. De sa période communiste, l’Éthiopie a conservé un ensemble de procédures bureaucratiques éprouvantes : restriction à l’importation hors taxes des véhicules (ce qui est pourtant la règle pour les diplomates), impossibilité d’alimenter en birrs (la monnaie locale) les comptes courants, seuls les dollars étant acceptés, mais, surtout, droit foncier anachronique. La loi interdit aux étrangers d’acquérir des terrains, mais n’offre aucune protection aux locataires. Les loyers peuvent être revus à la hausse sans préavis. Avec l’augmentation du nombre d’organisations ayant choisi Addis pour siège, et la raréfaction corrélative des villas de standing, les prix ont flambé et peuvent maintenant dépasser allègrement la barre du millier de dollars mensuels.
« Cette précarité pèse sur notre moral et nous donne l’impression d’évoluer dans un environnement hostile, explique un employé sénégalais. La conduite des Éthiopiens est guidée par des considérations exagérément protectionnistes. Ils ne versent que 0,1 % des cotisations, mais occupent la moitié des emplois, la quasi-totalité des postes qui relèvent des services généraux revenant à leurs ressortissants. » La pilule a d’autant plus de mal à passer que l’autre grande organisation internationale installée (depuis 1958) à Addis, la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA), bénéficie, elle, d’avantages statutaires notables. Outre des privilèges et immunités accordés à ses personnels, elle jouit d’appréciables facilités de communications, et loue ses propres faisceaux satellites pour l’international et l’Internet haut débit. L’UA, elle, dépend exclusivement d’ETC, l’opérateur public éthiopien de téléphonie. Et les jours de panne, ses employés sont obligés de se tourner vers leurs collègues de la CEA pour consulter leurs messageries ou envoyer des communiqués. Surréaliste et humiliant pour une organisation qui se veut la vitrine d’un continent et qui aspire à traiter d’égal à égal avec l’Union européenne (UE) !
Coiffant deux fois moins d’habitants que l’Afrique, l’UE affiche un budget annuel de 120 milliards de dollars par an, équivalant à 1,2 % de la richesse nationale de ses 27 pays membres. L’UA, qui en compte 53, doit se contenter de 70 millions de dollars. Ce chiffre dérisoire qui correspond à l’addition des contributions obligatoires des États suffit à peine à couvrir les frais de fonctionnement. Et encore : tous ses membres ne sont pas à jour de leurs cotisations. Une douzaine d’entre eux continuent à traîner des arriérés. Une initiative prise conjointement lors du sommet d’Abuja (juillet 2005) par l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Égypte, la Libye et le Nigeria a toutefois permis de sécuriser en partie les finances de l’organisation : les cinq « grandes puissances » se sont en effet entendues pour prendre en charge 75 % du budget de fonctionnement de l’UA, à raison de 15 % chacune.
À son arrivée, en 2003, Alpha Oumar Konaré avait exigé des États membres une augmentation drastique de leurs contributions et avancé le chiffre de 600 millions de dollars (0,05 % du PIB continental). Le schéma de recrutement retenu lors de l’installation de son équipe prévoyait de porter les effectifs à 762 fonctionnaires. Au final, environ 200 collaborateurs manquent à l’appel. « Nous avons dû geler les nouvelles embauches, concède Patrick Mazimhaka. Mais il y a plus préoccupant. L’UA a besoin de cadres de haut niveau. Or, contrairement à une idée reçue, les salaires qu’elle offre ne sont pas compétitifs. Ils sont très en deçà de ceux d’autres organisations comme l’ONU, la BAD, la Banque africaine de développement [voir infographie 2]. Et même parfois très en retrait par rapport à la moyenne des rémunérations observées dans les différents pays membres. Ainsi, un agent de catégorie P4, grade hiérarchiquement très élevé, gagnera annuellement 61 274 dollars nets à l’UA, contre 80 251 dollars en moyenne s’il occupe un poste de rang analogue au Gabon, 90 518 dollars en Afrique du Sud, et jusqu’à 104 760 dollars au Nigeria… »
Les programmes – et notamment la budgétivore force de l’UA au Soudan, l’Amis, déployée au Darfour, qui a déjà englouti près de 250 millions d’euros – sont presque intégralement financés par les partenaires étrangers, bi- ou multilatéraux. En 2005, seuls trois membres, l’Afrique du Sud et le Nigeria, à hauteur de 10 millions de dollars chacun, et l’Éthiopie, à hauteur de 100 000 dollars, ont versé des contributions volontaires au budget – pour financer les opérations du Département paix et sécurité. En 2006, la « manne » s’est encore tarie, puisque seule l’Afrique du Sud a consenti à un effort de 10 millions de dollars. « Nos membres nous donnent le strict minimum pour faire tourner la maison, résume Couaovi A.L. Johnson, le secrétaire général de la Commission, et nous laissent nous débrouiller avec les bailleurs pour tout ce qui relève des programmes. Résultat : nous gaspillons l’essentiel de notre énergie à faire la quête »
Les projets d’intégration prévus dans les statuts de l’Union, qui étaient censés changer le visage du continent et concourir à son décollage économique, tardent à prendre forme. Les grands travaux sont en panne. Toutes les entraves à la libre circulation des biens et des personnes n’ont pas été levées, loin s’en faut. Et Konaré a eu toutes les peines du monde à faire accepter le principe d’un « passeport africain » pour les intellectuels et hommes d’affaires. La mise en place d’une monnaie unique, d’une banque centrale, d’une banque d’investissement et d’un fonds monétaire africains a été repoussée aux calendes grecques. Quant au Nepad, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, lancé en 2000 par les présidents Mbeki, Obasanjo, Bouteflika et Wade, et transformé en programme à part entière de l’UA (même si son secrétariat reste pour l’instant basé en Afrique du Sud, et conserve une autonomie non négligeable par rapport à la Commission, ce qui occasionne bien des tiraillements), il n’a pas tenu ses promesses.
Ce serait cependant aller trop vite en besogne que d’affirmer que rien n’a changé par rapport à la défunte OUA. Car politiquement, et même si ce changement d’approche n’est pas encore totalement entré dans les murs de ses dirigeants, l’organisation née à Lusaka intègre des préoccupations qui se heurtaient jusque-là au sacro-saint principe de souveraineté des États. Son Acte constitutif multiplie les références au respect des principes démocratiques, des droits de l’homme, de l’État de droit, et de la bonne gouvernance. C’est sur cette base, et uniquement sur celle-là, que Konaré s’est fondé pour critiquer la tentative de succession dynastique au Togo, le coup d’État de François Bozizé en Centrafrique, ou encore le renversement de Maaouiya Ould Taya en Mauritanie. Trois sorties qui lui ont valu de sérieuses frictions avec ses anciens pairs. Mais qui ont eu le mérite de donner une visibilité nouvelle à la Commission, et une indiscutable autorité morale à son patron.
Les avancées les plus notables ont été enregistrées dans le domaine de la prévention et du règlement des conflits. Elles doivent beaucoup à la mise en place du Conseil paix et sécurité (CPS). Curieusement, cet organe, dont chacun espère qu’il fera oublier l’incurie de l’OUA, n’était pas prévu par les textes. « Le CPS a tenu plus de 65 réunions et a pris des décisions importantes sur toutes les questions brûlantes, la Côte d’Ivoire, le Darfour, ou le désarmement des ex-Interahamwes, constate El Ghassim Wane, numéro deux du Département paix et sécurité. Ses décisions sont désormais attendues et inspirent les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Un État impliqué dans un conflit ne peut pas participer aux délibérations du Conseil le concernant, même s’il y siège. Cette disposition a permis à l’UA de garder sa neutralité dans la crise du Darfour, où son rôle a été fort injustement critiqué. Elle a tout de même réussi à déployer près de 7 000 hommes, qui ont eu un impact majeur sur le terrain, et elle a condamné avec la même énergie les crimes gouvernementaux et les crimes rebelles. » Avec l’appui de ses partenaires occidentaux, qui ont tout intérêt à faire traiter par les Africains les problèmes de paix et de sécurité les concernant au premier chef, l’UA réussira peut-être à parachever sa crédibilité naissante dans ce domaine en se dotant d’une Force de réaction rapide, la stand by force, dont les premiers contingents devraient être installés à l’horizon 2010. Sa capacité à réaliser, dans un délai assez court, son ambitieux projet d’intégration politique et économique continental semble en revanche plus hypothétique. Elle ne pourra pas faire l’économie d’une profonde réforme de ses institutions. La Commission, sous sa forme actuelle, ressemble à tout sauf à une équipe, ne serait-ce que parce que son président n’a pas formellement d’autorité sur ses membres, qui, comme lui, tirent leur légitimité de leur désignation par les chefs d’État. Les tiraillements entre la présidence et la vice-présidence sont un secret de polichinelle. Et les absences fréquentes du patron de la CUA, dont l’activité est essentiellement tournée vers l’extérieur, n’arrangent rien.
« Avec Amara Essy [le président intérimaire de la Commission, entre 2002 et 2003], nous avons passé de longs mois à réfléchir sur ce que devraient être les contours de la Commission et la répartition des pouvoirs en son sein, raconte un de ses collaborateurs. Nous avons formulé un certain nombre de recommandations. Nous étions revenus de Bruxelles, où nous avions rencontré les gens de la Commission européenne, avec cette conclusion : il nous paraissait indispensable que les membres de l’exécutif continental soient des hommes et des femmes d’expérience, des politiques ayant exercé de hautes responsabilités dans leur pays d’origine. Or, à Maputo, les dirigeants se sont assis sur nos propositions et ont fait l’inverse de ce que nous préconisions, en sélectionnant des technocrates novices. Résultat : hormis l’Algérien Saïd Djinnit, ancien secrétaire général adjoint et diplomate de carrière dont les qualités étaient connues, la plupart des autres commissaires ont rapidement montré leurs limites. Il y a eu plus d’une erreur de casting »
Konaré, parvenu aux mêmes conclusions, plaidera, lors du sommet d’Addis de la fin de janvier, pour un renforcement des pouvoirs de son successeur. Il devra avoir autorité sur son équipe, y compris sur le vice-président, pouvoir affecter les commissaires à tel ou tel département, les révoquer s’ils ne donnent pas satisfaction, bref, jouir des prérogatives d’un vrai chef d’exécutif. Autre piste de réforme envisagée par Konaré : le mandat unique, de six ou sept ans (contre quatre actuellement), pour le président, afin de conforter son indépendance par rapport aux États membres, desquels il n’attendra plus rien, et de lui octroyer le temps nécessaire. Mais lesdits États membres sont-ils prêts à voir émerger un exécutif africain fort et surtout autonome ?
Enfin, last but not least, la question du transfert de compétences au profit de l’exécutif continental devra être abordée. « Politiquement, le problème est très délicat, reconnaît le Togolais Couaovi A.L. Johnson. Nos États sont encore jeunes. Certains, dans la partie australe du continent, n’ont qu’un quart de siècle d’existence. Très peu sont disposés à consentir à des abandons de souveraineté. Mais d’un autre côté, la logique intergouvernementale, qui présidait au fonctionnement de l’OUA, n’est plus adaptée aux enjeux de la globalisation. Et on a vu à quels résultats elle a abouti : la paralysie généralisée. Il faudrait définir, pour commencer, quelques domaines d’intervention, où, sans toucher aux aspects régaliens, qui resteront évidemment du ressort des États nationaux, la Commission pourrait se voir doter de pouvoirs supranationaux. L’environnement et certaines politiques réglementaires pourraient servir de banc d’essai. L’important, c’est d’enclencher l’engrenage. Si nous ne le faisons pas, l’UA sera condamnée à ne rester qu’une OUA bis. Et elle aura alors manqué son rendez-vous avec l’Histoire »

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