Peut mieux faire

Taux de croissance record mais aussi crise énergétique et déficit de la balance commerciale.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 5 minutes.

Abdoulaye Wade a connu d’indéniables réussites durant les sept années écoulées. Depuis 2000, la croissance du Produit intérieur brut (PIB) est particulièrement dynamique. Elle s’est établie à 5,5 % en moyenne, contre 4 % sous le dernier mandat d’Abdou Diouf, avec un score honorable de 6,5 % en 2003. De sorte que les objectifs définis dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) signée avec le Fonds monétaire international (FMI) le 28 avril 2003 ont été globalement atteints. Cette appréciation de la richesse nationale a stimulé l’épargne intérieure qui s’est élevée à 346 milliards de F CFA (527 millions d’euros) en 2005 contre 229 milliards en 2002. Quant à la consommation des ménages, elle a crû de 10 % en 2005. Bref, le Sénégal affiche un taux de croissance supérieur à celui de la majorité des autres pays du continent.
Stabilité politique malgré certains « raidissements », mesures opportunes pour attirer les investisseurs, production industrielle encouragée par le BTP, bonnes récoltes agricoles et vitalité des services expliquent en partie ces bons résultats, qui devraient se confirmer avec le nouveau programme de privatisation et l’ambitieuse politique de grands travaux.
Tous ces facteurs alliés à la bonne tenue des finances publiques font du Sénégal le meilleur élève de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et l’un des rares États membres à respecter la quasi-totalité de ses critères de convergence. La croissance du PIB se situera en 2006 aux environs de 5 %, soit l’une des plus élevés de la zone, derrière le Burkina (+ 7,5 %). Par ailleurs, alors que des chocs exogènes comme les conséquences de la grippe aviaire ou la chute des récoltes céréalières ont frappé des pays comme le Niger ou le Mali, le Sénégal est le seul membre à maintenir son inflation en deçà des 3 % fixés par l’Union. Un critère qui sera à nouveau respecté en 2006 selon les prévisions qui tablent sur 2 %.
Avec 19 % contre 15 % en moyenne pour l’Uemoa, le taux de pression fiscal compte, lui aussi, parmi les plus élevés. Un résultat à mettre au crédit de la lutte contre la fraude, le secteur informel et la corruption ainsi que de l’élargissement de l’assiette. Enfin, Dakar n’enregistre aucun arriéré de paiements extérieurs et intérieurs.
Concernant, les critères de second rang, le ratio de la masse salariale par rapport au volume des recettes fiscales est conforme aux normes, soit inférieur à 35 %. De fait, un meilleur niveau de recouvrement des recettes et une gestion prudente des dépenses expliquent l’adoption d’un budget 2007 arrêté à 1 474 milliards de F CFA. « Une nette hausse », selon le ministre de l’Économie et des Finances, Abdoulaye Diop, due notamment aux retombées de l’Initiative pour l’annulation de la dette multilatérale (IADM). Après avoir accédé au point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en avril 2004, le Sénégal bénéficie désormais de l’annulation d’une partie de ses créances vis-à-vis du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD) à la suite de la décision du G8, en juillet 2005, de réduire la totalité de la dette multilatérale de dix-neuf pays africains. Ajoutée aux autres mécanismes d’annulation, l’IADM porte à plus de 2,3 milliards de dollars la réduction de la dette extérieure à la suite de la décision de l’Agence pour le développement internationale (IDA), filiale de la Banque mondiale, de lever sa créance équivalent à plus de 2 milliards, soit plus de 5 % du stock. Cette décision a ramené le rapport de la dette publique extérieure sur le PIB de 80,3 % en 2001 à 48,2 % en 2005. Quant au service, il représente moins de 10 % des exportations pour un stock de 1,6 milliard de dollars en 2005 contre 3,9 milliards de dollars en 2004, dans l’attente de nouvelles annulations.
« C’est le moment pour le Sénégal de décoller, d’autant que la crise ivoirienne perdure. Si nous étions encore plus rigoureux, nous pourrions obtenir une croissance moyenne de 7 % à 8 % par an, explique un haut fonctionnaire. Pour cela, il faudrait une meilleure gouvernance et des réformes plus pertinentes. » D’où l’intérêt de la Stratégie de croissance accélérée (SCA) à laquelle le Sénégal a souscrit dès 2005 pour accélérer le développement du pays. Alors que la FRPC couvrant la période 2003-2006 s’est achevée en avril 2006, aucun programme n’a été reconduit avec les institutions de Bretton Woods. Et des négociations en vue de la signature d’un Instrument de soutien à la politique économique (ISPE) sont en cours.
Cela suffira-t-il ? Un revenu national en progression n’empêche pas le pays de figurer parmi les plus déshérités au monde avec un indice de développement humain situé au 157e rang sur 177 États listés par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Un classement qui tend naturellement à relativiser les performances macroéconomiques, dont les populations ne perçoivent pas toujours les effets positifs. « En 2000, le président Wade avait fait sa campagne autour de l’espoir, note un diplomate occidental. Aujourd’hui les jeunes préfèrent monter sur des embarcations de fortune et prendre la mer pour partir. »
C’est dire si les retombées de la croissance soutenue de ces dernières années tardent à se faire sentir sur la vie quotidienne des quelque 12 millions de Sénégalais, dont près de 30 % vivent en dessous du seuil de pauvreté et 24 % souffrent de malnutrition. Soumise aux députés en juin pour approbation, la SCA a défini une feuille de route de l’action gouvernementale, qui se concentrera dans les prochains mois autour de cinq « domaines prioritaires » : le tourisme, l’agro-industrie, le textile, la pêche et les nouvelles technologies. Une approche qui a reçu le satisfecit du FMI et à laquelle les principaux partenaires extérieurs ont été sensibilisés, en tête desquels figure la France.
Dans ce tableau relativement satisfaisant persistent néanmoins deux zones d’ombre. La première est due à la crise énergétique sans précédent qui, en 2006, a souligné le point de tension entre une offre insuffisante face à une demande en constante augmentation. Un dysfonctionnement qui occasionnera le repli de la croissance en 2006. En outre, le renchérissement des cours du pétrole a plus que doublé la facture pétrolière, qui a atteint en 2006 426 milliards de F CFA, contre 200 milliards en 2002 (304 millions d’euros). Plus que tout autre chantier, les pouvoirs publics doivent s’employer à réduire la dépendance vis-à-vis des fluctuations des prix des hydrocarbures tout en multipliant les ressources énergétiques disponibles.
Le second point noir est le creusement du déficit commercial. De 12,6 % du PIB en 2003, celui-ci est passé à 14,5 % en 2005 pour atteindre 697 milliards de F CFA correspondant à 810 milliards de F CFA d’exportations pour 1 507 milliards d’importations. La faible diversification des activités apparaît comme la vraie fragilité d’une économie nationale tournée vers l’agriculture ou les services et offrant peu de possibilités de transformation des produits primaires. Stables dans le temps, les exportations restent toutefois dominées par les produits de la pêche, les phosphates et l’arachide, alors que le volume des importations a fortement progressé sous l’augmentation de la demande. Le bilan est donc mitigé, mais les contre-performances n’interdisent pas au Sénégal d’être bien noté par l’agence américaine Standard & Poor’s. Il est vrai que les crédits au secteur privé sont, quant à eux, passés de 179 milliards de F CFA en 2000 à 1 036 milliards en 2005.

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