Normand Lauzon

Dédié à la sécurité alimentaire et à la coopération transfrontalière, le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest fête son trentième anniversaire.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Créé en 1976 à l’initiative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) célèbre, les 25 et 26 janvier, à Berlin (Allemagne), son trentième anniversaire. L’occasion de faire le point sur cette structure qui travaille principalement sur les questions de sécurité alimentaire et de coopération transfrontalière dans les dix-sept pays de la zone frappés par la sécheresse. Forum de concertation et de plaidoyer, le CSAO se veut aussi une passerelle entre les puissances du Nord et le continent. Objectif, dixit son directeur Normand Lauzon : réduire la pauvreté et répondre au défi de l’explosion démographique. Interview.

Jeune Afrique : Le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) a été créé en 1973 ; le Club du Sahel il y a trente ans ; et enfin, le Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA) en 1984. Pourtant, la sécurité alimentaire n’est toujours pas assurée en Afrique de l’Ouest !
Normand Lauzon : Oui, mais il faut savoir que la population a été multipliée par trois ces trente dernières années, pour atteindre quelque 300 millions de personnes. Globalement, la production agricole a répondu à ce défi démographique même s’il reste des zones sahéliennes où l’accès aux denrées alimentaires demeure problématique. Et dans les vingt-cinq prochaines années, la population va encore augmenter de 130 millions de personnes. Dans ces conditions, il faut améliorer les rendements agricoles, assurer une meilleure gestion des ressources en eau et renforcer le marché intérieur pour faciliter la circulation des productions locales. Cela nécessite de gros investissements.
La dernière crise alimentaire au Sahel, notamment au Niger, en 2005, a démontré que les États n’avaient plus les moyens d’empêcher la spéculation sur le mil en cas de pénurie. N’est-ce pas une limite à la libéralisation de la filière céréalière ?
Les offices publics de céréales dans les années 1970 avaient un rôle de régulation en achetant la production en période de surplus et en l’écoulant dès que les prix commençaient à grimper. Aujourd’hui, ils ont des moyens plus modestes en stockage et en transport. Il conviendrait de s’interroger sur l’articulation entre économie de marché et intervention publique.
Est-ce que cela passe par des politiques protectionnistes destinées à prémunir les filières locales contre les importations massives, de riz par exemple ?
Même les pays développés qui préconisent le libre-échange ont pris des mesures protectionnistes. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les pays les moins avancés ! Le tarif extérieur commun (TEC) sur le riz importé dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) est de 20 %, le Japon applique un taux de 400 % ! Pour autant, si on doit défendre les revenus paysans, cela ne doit pas se faire au détriment des populations urbaines. Pour cela, l’agriculture africaine doit être compétitive.
Et concernant l’intégration régionale, pourquoi les progrès sont-ils si minces ?
Pendant longtemps, les conditions politiques et économiques n’étaient pas réunies pour développer les échanges entre les pays de la région. Depuis une dizaine d’années, il y a eu aussi les conflits. À présent, la donne change, et les décideurs ont compris que la lutte contre la pauvreté et pour le développement économique passait par l’espace régional. Cela ne pourra se faire en deux ans, il faut progressivement créer un marché commun en s’appuyant notamment sur l’expérience européenne. Quatre opérations pilotes transfrontalières sont actuellement menées : Sénégal/Guinée-Bissau, Mali-Mauritanie, Mali-Burkina et Niger-Nigeria. Les premiers résultats sont très positifs.
De quoi être optimiste ?
Oui, à condition d’impliquer les acteurs de la société civile dans les processus de décisions. Cela permettrait de réduire l’écart entre le futur souhaitable et le futur redoutable. À notre niveau, on essaie d’anticiper les évolutions pour guider les politiques. Nous voulons aussi amplifier la voix des Africains.

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