Les adieux africains de Chirac

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Même si le chef de l’État français n’aura sans doute pas encore fait connaître sa décision en la matière, aucun de ses pairs présents à Cannes du 14 au 16 février ne nourrira le moindre doute à ce sujet : ce 24e sommet Afrique-France sera bien le sixième et dernier de Jacques Chirac. Certes, l’hôte de l’Élysée fera tout, jusqu’au bout, pour donner l’impression qu’il n’est pas en préretraite. En témoignent le thème très volontariste de cette rencontre, centrée autour de « l’Afrique et l’équilibre du monde », et le cadre des débats, qui seront presque tous publics, les fameux huis clos d’antan étant remisés au placard pour plus de « transparence ».
Reste que l’affluence attendue tient beaucoup au côté « cérémonie des adieux » que prendra inévitablement le sommet – à l’instar de ce que fut celui de Biarritz pour François Mitterrand, en novembre 1994. Pour l’occasion, tous les chefs d’État du continent ont été invités, sauf un : le Zimbabwéen Robert Mugabe, dont le régime est placé sous sanctions européennes. Désireux de ne pas exclure tout à fait cette « bête noire » du Commonwealth et des États-Unis, Paris a pourtant tenté une solution médiane. Ami à la fois de Chirac et de Mugabe, l’ex-président mozambicain Joaquim Chissano s’est rendu à Harare porteur d’une proposition de compromis : invité, le Zimbabwéen déclinerait l’offre pour raisons de calendrier et enverrait à sa place son ministre des Affaires étrangères. Refus de Mugabe : « Ce sera moi ou personne. » Exit, donc, le Zimbabwe. Dans les circonstances actuelles, trois autres chefs d’État africains, officiellement conviés, peuvent d’ores et déjà être comptabilisés comme absents du sommet de Cannes. Le Rwandais Paul Kagamé, dont le pays est le seul au monde à avoir rompu ses relations diplomatiques avec la France, ne tiendra évidemment aucun compte de la lettre d’invitation qu’il a reçue auparavant (il n’y a d’ailleurs même pas répondu). Le Guinéen Lansana Conté, gravement malade, ne se déplacera pas. Quant au Libyen Mouammar Kadhafi, dont le principe d’une visite en France est pourtant avalisé, son apparition sur la Côte d’Azur dépend, concède-t-on à l’Élysée, d’une « solution positive au cas des infirmières bulgares » – ce qui est très loin d’être acquis.
Parmi ceux dont la participation est compromise figure le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. Peu porté aux voyages, Ben Ali a d’ailleurs fait savoir dans un premier temps qu’il serait absent pour des raisons d’agenda. Mais l’Élysée ne désespère pas de le voir changer d’avis : « Il a récemment confié à l’un de ses proches qu’après tout Cannes n’était qu’à une heure de vol de Tunis », explique un conseiller de Chirac. Le cas du Sénégalais Abdoulaye Wade est plus complexe. On le sait grand amateur de ce genre d’exercice et désireux d’apporter son écot à l’épitaphe africaine de Jacques Chirac – lui que ses pairs avaient déjà dû dissuader de présenter une motion d’adieu au président français lors du sommet de Bamako en décembre 2005. Las : l’extrême proximité de l’élection présidentielle sénégalaise du 25 février lui pose un évident problème. « Pour l’instant, il est probable que Wade ne sera pas là », dit-on à Paris.
Plusieurs chefs d’État figurent, eux, au rayon des incertains. Les présidents érythréen, kényan, soudanais et le Congolais Joseph Kabila (dont la participation est néanmoins probable) n’avaient ainsi toujours pas répondu, mi-janvier, à la lettre d’invitation. Tout comme l’Algérien Abdelaziz Bouteflika, même si l’ambassadeur de France à Alger croit pouvoir assurer que ce dernier sera bien à Cannes. Quant à l’Ivoirien Laurent Gbagbo, l’Élysée parie sur sa venue : « Ce serait tout bénéfice pour lui », assure un familier du dossier. « Rencontrer enfin Chirac, qui ne pourra pas éviter de lui parler, tout en lui disant adieu alors que lui, Gbagbo, demeure au pouvoir. Qui aurait parié sur un tel scénario ? » Personne et encore moins le président français, qui pourra toujours se consoler à Cannes avec l’affection sincère des fidèles dont les regrets ne seront pas feints : Mohammed VI, Hosni Moubarak, Thabo Mbeki, Olusegun Obasanjo, Denis Sassou Nguesso, Omar Bongo Ondimba, Paul Biya Tous ont confirmé leur présence.

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