La Polypill : progrès ou illusion ?

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

Il fallait y penser et oser l’écrire : pour diminuer les maladies cardio-vasculaires (MCV) et les accidents vasculaires cérébraux (AVC), causes de la moitié de la mortalité mondiale, il suffirait de donner à toutes les personnes de plus de 55 ans une seule pilule quotidienne contenant six médicaments considérés comme préventifs. Et cela sans prise de sang pour rechercher les facteurs de risque, sans examen pour évaluer l’athérosclérose (cause des MCV et AVC), sans mesurer la tension artérielle. Qui dit cela ? Un charlatan. Pas du tout. Ce sont deux professeurs de l’Institut de médecine préventive de l’université de Londres dont l’étude – surtout statistique – a été publiée dans le sérieux British Medical Journal le 28 juin 2003. Depuis lors, me semble-t-il, la pilule miracle n’a pas encore été utilisée, mais on en parle !
Quels médicaments trouverait-on dans la « Polypill » ? Une statine dont les effets favorables se manifestent chez les malades hypercholestérolémiques, mais aussi chez les autres. Plus trois médicaments abaissant la tension artérielle. Plus l’acide folique qui pourrait agir favorablement dans la prévention de l’athérosclérose. Plus l’aspirine utile pour empêcher la formation de caillot dans les artères. Le choix est plutôt judicieux. La dose de chaque médicament serait très diminuée (par rapport aux prescriptions actuellement préconisées) afin d’en réduire les effets secondaires, qui surviendraient cependant dans 10 % des cas.

Ces médicaments ont été retenus sur la base des études antérieures faites séparément pour chacun d’entre eux, chez des malades probablement sélectionnés. Rien ne dit que leur utilisation simultanée dans toute une population, sans examen préalable, n’entraînerait pas d’effets inattendus et fâcheux. Rien ne dit que la réduction des doses ne diminuerait pas l’efficacité.
Les résultats statistiques prévus seraient extraordinairement favorables : le risque de MCV serait réduit de 88 % et celui d’AVC de 80 %. Ce qui entraînerait onze à douze ans de vie gagnés sur ces deux maladies. Pour confirmer de telles prévisions heureuses, il faudra comparer des groupes de dizaines de milliers de personnes acceptant les unes de prendre la Polypill et les autres d’être traitées selon les méthodes actuelles.

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Cette conception d’une prévention communautaire intéressant toute la population n’est pas nouvelle. Elle s’oppose à la prévention ciblée sur des sujets à risque (fumeurs, hypercholestérolémiques, hypertendus, obèses, sédentaires). Jusqu’ici, la prévention communautaire concernait surtout l’hygiène de vie et l’alimentation. Amplifiée par les médias, elle a permis, depuis une vingtaine d’années, une baisse très nette des MCV en Occident.
Pour les auteurs londoniens, ces mesures ne paraissent pas devoir modifier suffisamment et définitivement les habitudes des Britanniques. Aussi vont-ils plus loin dans le sens communautaire en prescrivant à toute la population six médicaments de façon indiscriminée à partir de 55 ans. Ce faisant, on accepte que certaines personnes subissent des effets adverses. Ce qui n’est pas le cas lorsque la prévention concerne seulement le mode de vie. À tout hasard, nos deux professeurs ont breveté leur éventuel produit

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