L’aide peut être efficace

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Les Américains consacrent 550 milliards de dollars par an à leur budget militaire et tout juste 4 milliards à l’Afrique. C’est à peine croyable : notre aide au continent représente moins de trois jours des dépenses du Pentagone, soit 13 dollars par Américain et par an, et l’équivalent de 3 cents pour 100 dollars du budget national américain. C’est vrai des démocrates comme des républicains. L’administration Clinton a laissé l’aide à l’Afrique végéter à moins de 2 milliards de dollars par an tout au long des années 1990.
Beaucoup serait possible si les dirigeants américains ne se complaisaient pas dans un tel mépris des problèmes de développement et une pareille ignorance des utilisations positives de l’aide au développement. Ils apprendraient que de même que les subventions américaines aux engrais et aux semences à haut rendement accordées à l’Inde dans les années 1960 ont permis à ce grand pays d’échapper aux famines et de s’engager sur la voie du développement à long terme, de même une aide comparable consentie aux semences à haut rendement, aux engrais et aux technologies d’irrigation en Afrique pourrait sortir ce continent du cycle faim-pauvreté-maladie.

Nos dirigeants apprendraient que les fondations Gates et Rockefeller ont fait don de 150 millions de dollars à la nouvelle Alliance pour la Révolution verte en Afrique, un projet auquel le gouvernement américain devrait participer pour que toute l’Afrique subsaharienne en profite. Ils apprendraient également que la Croix-Rouge américaine a découvert – et démontré – qu’il est désormais possible de procéder à une distribution massive de moustiquaires antipaludéennes aux populations rurales misérables d’Afrique, et que les résultats et le coût seraient tels qu’on pourrait envisager de mettre tous les petits Africains à l’abri du fléau. Mais ils apprendraient aussi que la Croix-Rouge américaine n’a pas l’argent nécessaire pour distribuer des moustiquaires à tous ceux qui en ont besoin.
Ils apprendraient qu’un nombre important d’autres maladies meurtrières ou invalidantes comme la cécité des rivières, la schistosomiase, le trachome, la filariose, l’ankylostome ou l’ascaridiose peuvent être efficacement combattues pour beaucoup moins de 2 dollars par Américain et par an, et peut-être pour 1 dollar à peine !
Ils constateraient, en outre, que le nombre d’Africains contaminés par le sida bénéficiant d’une thérapie antirétrovirale financée par des donateurs avait bondi de 0 en 2000 à 800 000 à la fin de 2005, et probablement à plus de 1 million à la fin de 2006. Ils apprendraient que des sommes modestes versées pour faciliter la scolarisation des enfants ont donné de tels résultats dans plusieurs pays africains que l’objectif d’une fréquentation généralisée de l’école primaire paraît tout à fait accessible avec un soutien financier adéquat.

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En tant que président de la Commission de la macroéconomie et de la santé à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2001-2002 et que directeur du Projet du millénaire à l’ONU de 2002 à 2006, j’ai fait le tour des principaux spécialistes mondiaux du contrôle sanitaire, de la production alimentaire, du développement de l’infrastructure et autres, afin de définir les stratégies qui permettraient de venir en aide aux populations les plus pauvres du monde. De telles stratégies augmentent suffisamment la productivité des pauvres pour qu’ils puissent se sortir de l’extrême pauvreté, et cela à un coût étonnamment bas. Étendre ces technologies qui ont fait leurs preuves aux régions les plus pauvres d’Afrique reviendrait à environ 75 milliards de dollars par an à l’ensemble des donateurs. La part des États-Unis serait d’environ 30 milliards de dollars par an, soit environ 25 cents pour 100 dollars du revenu national américain.
Quand nous laissons échapper le succès qui est possible, nous sommes nos pires ennemis. Nous dépensons des centaines de milliards de dollars par an pour des interventions militaires vouées à l’échec, alors qu’une petite partie de cet argent, s’il était utilisé pour le développement, pourrait sauver des millions de vies et permettrait à des régions entières d’accéder à la croissance économique. Il ne faut pas s’étonner que les sentiments qu’on nourrit dans le monde à l’égard de l’Amérique soient les plus défavorables de l’Histoire. Il est grand temps de redresser la barre.

*Économiste américain, directeur du Projet du millénaire de l’ONU (Objectifs du millénaire pour le développement, OMD), auteur, notamment, de The End of Poverty, Penguin Books, 2006.

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